Dieu ne veut que ton bonheur (deuxième partie)

Sexualité, Amour, Famille, Église

Lettre de François Garnier aux jeunes de son diocèse, écrite en 1995 et réactualisée en fin 2005 à l’initiative de la pastorale de jeunes du diocèse de Cambrai

II « Alors, vive l’Église ! »

1) Vive l’Église, quand elle ne craint pas de nous appeler à la sainteté dans notre manière de vivre et d’aimer. Les baptisés n’ont qu’un seul Seigneur à servir : c’est le Seigneur de la sainteté, le Christ, qui nous appelle à devenir saints, comme Lui () ! Cela paraît un peu fou, et pourtant, chaque année, la fête de la Toussaint nous rappelle que la sainteté est notre vocation commune. L’Église ne serait pas fidèle à son Seigneur si elle ne la proposait à chacun. Au moins doué comme au plus doué, au moins cultivé comme au plus diplômé, au plus handicapé comme à celui qui a la chance d’une santé débordante. Oui, l’Église nous appelle à la sainteté ; elle ne peut pas ne pas le faire ! Cela peut nous agacer, nous faire réagir, nous faire dire « pas d’accord », nous faire penser : « elle devrait s’adapter »...
Elle ne rabaissera pas la sainteté de l’amour pour faire plaisir au monde, aux modes, aux médias ou aux sondages ! On voudrait souvent qu’elle tienne le langage qui plaît aux majorités d’opinion : pourquoi pas si c’est ce que veut le Christ ? Sûrement pas si ce n’est pas cela.
J’aime cette Église qui a de l’ambition pour nous. J’aime cette Église qui nous dérange. J’aime cette Église qui ne manque pas d’audace et ne se lasse pas de nous appeler à la sainteté plus grande dans nos façons d’aimer. Nous avons aimé pour cela le Pape Jean-Paul II : il a toujours eu le courage d’appeler les jeunes et les moins jeunes à lutter contre toutes les contrefaçons de l’amour, contre tous les massacres quotidiens de l’amour !

2) Mais vive aussi l’Église quand elle reconnaît que chacun peut être confronté à des choix personnels qui sont souvent difficiles. Chaque fois que j’ai une décision à prendre, je me trouve dans une situation tout à fait singulière. Bien sûr, il y a la sainteté à laquelle je suis appelé, mais il y a cette situation très difficile et unique dans laquelle je suis...

Je vous donne un exemple. J’ai reçu un jour un couple. Je les avais préparés au mariage. Ils étaient vraiment attachés au Christ. « Nous attendons un bébé, mais toutes les analyses médicales nous font pressentir qu’il sera gravement handicapé. Aide-nous à réfléchir... » Je me suis vite rendu compte que l’un des deux souhaitait l’avortement et que l’autre ne le voulait pas. Dans cette situation singulière, ils avaient - à deux - à faire un choix, et un choix difficile. Ils savaient ma prière : « Mon Dieu, pourvu qu’ils soient capables d’accueillir la vie de cet enfant même si elle est handicapée. Pourvu qu’ils trouvent en Toi le courage d’accueillir cette vie... » Je devais éclairer leur conscience. Je devais les appeler à trouver dans leur foi la force de respecter toute vie. Je devais leur proposer une voie de sainteté dont la foi nous dit que Dieu nous rend capables ; mais je ne pouvais pas prendre la décision à leur place : ils étaient devant leur conscience et moi devant mon impuissance, l’impuissance que choisit d’avoir Jésus : vous savez bien qu’il ne choisit jamais à la place de celui ou ce celle qu’il rencontre : il propose, il appelle... mais il laisse libre, même s’il en souffre, comme l’Église en souffre avec lui.

3) Alors, vive l’Église quand elle respecte notre conscience personnelle, sans jamais renoncer à la rendre plus responsable. L’Église appellera toujours à la sainteté. Elle ne renoncera pas à éclairer nos consciences dans toutes les situations singulières qui seront les nôtres, mais elle se devra de respecter nos choix personnels, même s’ils ne sont pas très saints, et même pas saints du tout. Elle continuera de nous espérer, afin qu’avec la force du Christ, celle que l’on trouve dans le cœur à cœur avec Lui et dans les sacrements de l’Église, nos décisions deviennent plus dignes de Lui. C’est l’honneur de l’Église et de respecter nos choix de conscience et de les questionner toujours et encore. Qu’elle nous provoque à chercher toujours plus de vérité, de beauté et de bonté dans nos décisions. Même si dans la culture majoritaire de nos sociétés, ces décisions plus saintes apparaissent comme celles d’une minorité.

4) Enfin, vive l’Église quand elle nous donne le pardon du Christ. A ce point de notre parcours, il nous faut dire quelque chose sur le sacrement du pardon. Chaque fois que je vois - à Lourdes ou ailleurs - un jeune s’approcher d’un frère prêtre ou évêque (lesquels eux aussi se confessent) pour recevoir le pardon du Christ, je suis heureux. Pourquoi ? Parce que je sais qu’il découvre le sacrement qui transforme le coupable en pécheur. Or, cette transformation est capitale. Notre monde « crève » d’avoir des hommes et des femmes empêtrés dans leur culpabilité ou dans leur auto-justification. La confession ouvre un tout autre chemin. Elle transforme l’humiliation du coupable en l’humilité du pécheur. C’est un changement radical. Parce qu’il n’y a pas de honte à être pécheur. Dieu aime tellement les pécheurs qu’il est venu parmi eux. Dieu les aime tellement qu’avec la Croix de son Fils, il a porté tout le péché du monde. Dieu les aime tellement que par la résurrection de son Fils, il a ouvert définitivement une brèche dans la mort qui paraissait fatale.

Vous dites : « Je ne vis pas bien la relation à mon corps, j’ai du mal avec mon affectivité. Je ne vis pas bien la relation au corps de l’autre. J’ai du mal avec la pureté. » Il n’y a pas de honte à demander pardon. Le faire, c’est découvrir que tout péché est d’abord et avant tout un manque d’amour ; c’est découvrir aussi que nos plus grands manques d’amour ne sont peut-être pas ceux qui nous humilient le plus ! Le faire, c’est accepter d’être appelé à plus de liberté, à plus de responsabilité dans sa manière d’aimer l’autre. Le faire, c’est accepter d’être encore aimé. Demander pardon, c’est préférer son baptême à la misère, c’est croire que notre Dieu ne se lasse pas de relever les pécheurs que nous sommes. Demander pardon, c’est s’ouvrir à la joie d’entendre un prêtre nous dire de la part de Dieu : « Je t’assure, ne désespère pas de toi. Il t’aime encore, il a besoin de toi. Il te relève. Il te pardonne. Il te charge de mission. Avec lui, tu peux encore et toujours aimer mieux. »

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François GARNIER

Archevêque de Cambrai († 2018).

Publié: 01/12/2018
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