Les perles aux cochons

L’autre jour, le prêtre, qui présidait la célébration eucharistique matinale dans ma paroisse, nous a posé une question sur l’intérêt de ne pas jeter des perles aux cochons de peur de voir les perles piétinées et les cochons se retourner contre les donateurs. On venait de lire le passage de Mathieu ().
Sur le moment il a recueilli un silence poli et méditatif et on est passé assez vite à un autre sujet.

Mais ça m’a turlupinée et je me suis reposé la question. À première vue, l’intérêt de faire preuve de discernement et de ne pas donner ce qui est sacré aux chiens ou des perles aux cochons paraît évident. Mais qu’est-ce que Tu as voulu dire, Seigneur, quand Tu ajoutes, parlant des cochons, "qu’ils pourraient bien les piétiner". Ce qui serait normal, s’il s’agit seulement d’animaux, qu’est-ce que vous voulez que les cochons fassent de ces bijoux ? Ils sont en droit d’attendre une nourriture plus substantielle, plus appropriée et si on se moque d’eux, ils pourraient bien "se retourner contre nous et nous déchirer".

Mais comment transposer cette assertion, sur le plan spirituel ? Il s’agit c’est certain de ne pas profaner les choses saintes ainsi que ma Bible intitule ce passage. Faire preuve de discernement, avant de se lancer dans un discours spirituel de haut niveau auprès d’un auditoire qui s’en moque éperdument. Est-ce bien cela ?

Du coup je me souviens de mon étonnement et même de mon malaise, quand il y a quelques années de ça, j’ai vu, parmi les informations données à la télé, les journalistes qui filmaient des jeunes gens bien polis qui interpellaient des touristes venus admirer l’édifice Notre-Dame de Paris. Ils leur tendaient une croix et leur demandaient, avec gravité, s’ils savaient que Jésus Christ était mort pour eux sur une croix.
On nous montrait trois ou quatre interpellations pratiquées par ces jeunes qui recueillaient des réactions variées de la part de ces touristes. Ça allait de la surprise effarée en allant jusqu’au rejet parfois vindicatif, en passant par l’indifférence ou à la franche moquerie. Un seul couple avait suivi les jeunes pour aller jusqu’à la basilique pour la visiter. Mais peut-être ces touristes avaient l’intention de le faire, même sans l’invitation pressante de ces derniers.
Je me suis demandé : est-ce cela que Tu visais Seigneur ? Est-ce une des façons de profaner ce qui est sacré ? Pourtant ces jeunes avaient un côté attendrissant dans leur désir d’évangéliser leur prochain, même si leur démarche paraissait peu efficace, un peu farfelue et pour tout dire inopportune…

Et puis brusquement, je me suis rendu compte que j’étais en train de me pencher très consciencieusement sur la paille du prochain alors que la question m’avait été posée à moi. Quand est-ce que je jetais des perles aux cochons ? Où était ma poutre ? J’ai repris mon questionnement.

Ah ! Merci, Seigneur, de m’avoir éclairée. Je sais de source sûre puisque Tu es Amour que c’est Toi qui me cherches même quand on est sur des chemins fourvoyés. La preuve : où étais-je quand je me préoccupais des jeunes apprentis missionnaires ? Eux ils avaient peut être besoin de faire le point sur leurs méthodes, mais ce n’était pas mon problème. Ce qui est sûr par contre c’est que j’ai besoin, Seigneur, de ton aide pour avoir plus de discernement dans mes réflexions sur Ta Parole.

Alors aide-moi, Seigneur.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/06/2018