Vous, soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait

Alors là, Seigneur, si tu voulais nous faire comprendre, que quand Tu donnes une consigne, il faut en prendre et en laisser, ta formule est parfaite ; c’est le cas de le dire.

Il est évident qu’elle ne peut pas être réalisée à plein régime. Le Père est parfait, Tu es parfait, ta mère est sans péché : d’accord. Mais c’est l’exception qui confirme la règle. Même les plus grands saints ne peuvent pas être classés dans cette catégorie. L’Eglise le sait bien, puisqu’il est prévu, quand elle entame une procédure de béatification ou de sanctification pour telle ou telle personne de nommer, ce qu’on appelle, je crois, un avocat du diable, chargé de relever tout ce qui, dans la vie du futur bienheureux ou saint, a cloché. Et ces avocats ne sont jamais restés bredouilles !
Tu vois ?
Alors qu’est ce que je dois faire de ton admonition ? Y voir une tendance, un but lointain à viser, sans se faire trop d’illusions.

Pourtant, tout au long de ta vie, Tu as insisté, nous disant qu’en arrivant au ciel on sera comme Toi, on Te verra face à face... On sera comme Toi, c’est-à-dire parfaits.
Il y a de quoi se faire du mauvais sang parce qu’enfin, après la vie terrestre, il n’y a pas trente six mille solutions. Il n’y en a que deux ; le choix est donc très limité : ou on refuse ou on accepte d’être avec Toi. Pas d’autre alternative.
Heureusement que ton Eglise a eu l’idée de prévoir un purgatoire, une sorte de blanchisserie où on pourra se nettoyer.

Mais quand même Seigneur, reconnais que Tu es exigeant, drôlement exigeant. Tu as imprimé en chaque homme ta loi, ce que nous appelons notre conscience qui nous permet de voir ce qui est bon et ce qui est mauvais. Et bien souvent ce qui est bon n’est pas forcément attractif, c’est même le contraire. Rappelle-toi la pomme d’Adam… elle était tentante !
Alors, il faudrait toujours se dépasser, aller plus loin, plus fort, plus haut ? Mais c’est fatigant. Et comme je le pensais quand j’étais petite (sans oser l’exprimer clairement), je me demandais pourquoi Dieu était content, quand moi je ne l’étais pas puisqu’il fallait faire un effort ou se priver… Ça me paraissait anormal car il était question du BON DIEU avec des majuscules. Quand j’étais contente, maman l’était pareillement et Dieu aurait du faire de même, me semblait-il !
Alors où trouver une solution ?

C’est plus tard que je me suis rendu compte que la situation devenait très différente quand on introduisait la notion d’amour... Une personne amoureuse est prête à tous les sacrifices pour l’être aimé, sans que cela lui coûte vraiment. “Quand on aime, on ne compte pas” dit-on et c’est très vrai.

Seigneur, si j’ai tendance à Te trouver exigeant, c’est parce que je manque d’amour...
Seigneur, donne-moi de T’aimer à fond.
Certes je Te trouve très bien, très très bien, unique, plus que ça même, indispensable. Je ne me vois pas vivre sans Toi ; ma vie n’aurait plus aucun sens. Mais de là à être prête à tout sacrifier… tout donner…
Seigneur, peux-tu m’aider à t’aimer déraisonnablement, à la folie... S’il Te plaît. Ce serait bien, si je devenais ton amoureuse.

Et encore merci pour ce don d’écrivassier que Tu m’as fait, don qui me rend service et me donne beaucoup de plaisir quand je discute avec Toi.
J’ai envie de Te dire, même si ce n’est pas très respectueux : « Seigneur, Tu es bien brave de m’attirer ainsi vers toi, c’est un bon début. Merci Abba, merci Papa. »

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/05/2016