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Numéro(s) recherché(s): Unitatis Redintegratio 13-24

Unitatis Redintegratio13Eglises et communautés ecclésiales séparées du siège apostolique romain

Nous examinons maintenant deux sortes de scissions principales, qui ont affecté la tunique sans couture du Christ.

Les premières eurent lieu en Orient, soit par la contestation des formules dogmatiques des Conciles d'Ephèse et de Chalcédoine, soit, plus tard, par la rupture de la communion ecclésiastique entre les patriarcats orientaux et le Siège romain.

D'autres ensuite, après plus de quatre siècles, se produisirent en Occident, en conséquence d'événements que l'on a coutume d'appeler la Réforme. Il en résulta que plusieurs Communion, soit nationales, soit confessionnelles, furent séparées du Siège romain. Parmi celles qui gardent en partie les traditions et les structures catholiques, la Communion anglicane occupe une place particulière.

Mais des diverses séparations diffèrent beaucoup entre elles, non seulement en raison de leur origine et des circonstances de lieu et de temps, mais surtout par la nature et la gravité des questions concernant la foi et la structure ecclésiale.

C'est pourquoi le Concile, désireux de ne pas sous-estimer les conditions diverses des différentes sociétés chrétiennes et de ne pas passer sous silence les liens qui subsistent entre elles malgré la division, juge opportun de présenter les considérations suivantes, afin de procéder à une action oecuménique menée avec discernement.
Unitatis Redintegratio14Considérations particulières relatives aux Eglises orientales

Esprit et histoire propres des Orientaux

Pendant plusieurs siècles, les Eglises d'Orient et d'Occident suivirent chacune leur propre voie, unies cependant par la communion fraternelle dans la foi et la vie sacramentelle, le Siège romain intervenant dans un commun accord, lorsque surgissaient entre elles des différends en matière de foi ou de discipline. Le Concile se plaît à rappeler à tous, entre autres choses d'importance, qu'il y a en Orient plusieurs Eglises particulières ou locales, au premier rang desquelles sont les Eglises patriarcales dont plusieurs se glorifient d'avoir été fondées par les apôtres eux-mêmes. C'est pourquoi prévalut et prévaut encore, parmi les Orientaux, le soin particulier de conserver dans une communion de foi et de charité les relations fraternelles qui doivent exister entre les Eglises locales, comme entre des soeurs.

Il ne faut pas non plus oublier que les Eglise d'Orient possèdent depuis leur origine un trésor auquel l'Eglise d'Occident a puisé beaucoup d'éléments de la liturgie, de la tradition spirituelle et du droit. On doit aussi estimer à sa juste valeur le fait que les dogmes fondamentaux de la foi chrétienne sur la Trinité, le Verbe de Dieu, qui a pris chair de la Vierge Marie, ont été définis dans les Conciles oecuméniques tenus en Orient. Pour conserver la foi ces Eglises ont beaucoup souffert et souffrent encore.

L'héritage transmis par les apôtres a été reçu de manières diverses et, depuis les origines mêmes de l'Eglise, il a été expliqué de façon différente selon la diversité du génie et les conditions d'existence. Ce sont toutes ces raisons, sans parler des motifs d'ordre extérieur, par suite encore du manque de compréhension mutuelle et de charité, qui donnèrent occasion aux séparations.

C'est pourquoi le Concile exhorte tout le monde, mais surtout ceux qui se proposent de travailler à l'établissement de la pleine communion souhaitée entre les Eglises orientales et l'Eglise catholique, à bien considérer cette condition particulière des Eglises d'Orient, à l'époque de leur naissance et de leur croissance, et la nature des relations qui étaient en vigueur entre elles et le Siège romain avant la scission, et à se former sur tous ces points un jugement équitable. Cette règle, bien observée, sera extrêmement profitable pour le dialogue que l'on recherche.
Unitatis Redintegratio15Tradition liturgique et spirituelle des Orientaux

Chacun sait avec quel amour les chrétiens orientaux célèbrent la sainte liturgie, surtout l'Eucharistie, source de vie pour l'Eglise et gage de la gloire céleste. Par là, les fidèles, unis à l'évêque, trouvent accès auprès de Dieu le Père par son Fils, Verbe incarné, mort et glorifié, dans l'effusion de l'Esprit-Saint. Ils entrent de la sorte en communion avec la Très Sainte Trinité et deviennent "participants de la nature divine" (2 P 1,4). Ainsi donc, par la célébration de l'Eucharistie du Seigneur dans ces Eglises particulières, l'Eglise de Dieu s'édifie et grandit (1), la communion entre elles se manifestant par la concélébration.

Dans ce culte liturgique, Marie toujours Vierge, que le Concile oecuménique d'Ephèse proclama solennellement Très Sainte Mère de Dieu, pour que le Christ fût reconnu vraiment et proprement Fils de Dieu et Fils de l'Homme, selon les Ecritures, est célébrée par les Orientaux en des hymnes magnifiques; pareillement beaucoup de saints, au nombre desquels les Pères de l'Eglise universelle, reçoivent de grands hommages.

Puisque ces Eglises, bien que séparées, ont de vrais sacrements, - principalement, en vertu de la succession apostolique: le sacerdoce et l'Eucharistie, - qui les unissent intimement à nous, une certaine communicatio in sacris, dans des circonstances, est non seulement possible, mais même recommandable.

En Orient, aussi, on trouve les richesses de ces traditions spirituelles, qui s'expriment surtout par le monachisme. Là, depuis le temps glorieux des saints Pères, en effet, a fleuri la spiritualité monastique, qui s'est répandue ensuite en Occident, devenant pour ainsi dire la source de l'organisation de la vie régulière des Latins et lui conférant par la suite une nouvelle vigueur. C'est pourquoi il est instamment recommandé aux catholiques d'accéder plus fréquemment à ces richesses spirituelles des Pères orientaux, qui élèvent l'homme tout entier à la contemplation des mystères divins.

Tout le monde doit savoir qu'il est très important de connaître, vénérer, conserver, développer, le si riche patrimoine liturgique et spirituel de l'Orient pour conserver fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne et pour réaliser la réconciliation des chrétiens orientaux et occidentaux.
(1) Cf. Ioannes Chrysostomus, In Ioannem Homelia XLVI, PG 59, 260-262
Unitatis Redintegratio16Discipline particulière des Orientaux

En outre, depuis les origines, les Eglises d'Orient ont suivi une discipline propre sanctionnée par les saints Pères et par des Conciles même oecuméniques. Il n'est pas du tout contraire à l'unité de l'Eglise qu'il y ait diversité de manières et de coutumes, ainsi qu'il vient d'être mentionné; une telle diversité ajoute même à sa beauté et est une aide précieuse pour l'accomplissement de sa mission; aussi le Concile déclare-t-il, pour enlever tout doute possible, que les Eglises d'Orient, conscientes de la nécessaire unité de toute l'Eglise, ont la faculté de se régir selon leurs propres disciplines, parce que plus conformes au caractère de leurs fidèles et plus aptes à promouvoir le bien des âmes. L'observance parfaite de ce principe traditionnel qui, à vrai dire, ne fut pas toujours respectée, est l'une des conditions préalables absolument nécessaires pour rétablir l'union.
Unitatis Redintegratio17Caractère particulier des Orientaux au regard des questions doctrinales

Ce qui a été dit plus haut de la légitime diversité en matière de culte et de discipline doit s'appliquer aussi à la formulation théologique de la doctrine. Effectivement, dans l'effort d'approfondissement de la vérité révélée, les méthodes et les moyens de connaître et d'exprimer les choses divines ont été différents en Orient et en Occident. Il n'est donc pas étonnant que certains aspects du mystère révélé aient été parfois mieux saisis et mieux exposés par l'un que par l'autre, si bien que ces diverses formules théologiques doivent souvent être considérées comme plus complémentaires qu'opposées. Quant aux traditions authentiques des Orientaux, on doit le reconnaître, elles sont enracinées de façon excellente dans la Sainte Ecriture; développées et exprimées dans la vie liturgique, elles se nourrissent de la tradition vivante des apôtres, des écrits des Pères orientaux et des auteurs spirituels; elles portent à une juste façon de vivre, voire à la pleine contemplation de la vérité chrétienne.

Rendant grâce à Dieu de ce que beaucoup d'Orientaux, fils de l'Eglise catholique, qui gardent ce patrimoine et désirent en vivre plus purement et pleinement, vivent déjà en pleine communion avec leurs frères qui gardent la tradition occidentale, le Concile déclare que tout ce patrimoine spirituel et liturgique, disciplinaire et théologique, dans ses diverses traditions, fait pleinement partie de la catholicité et de l'apostolicité de l'Eglise.
Unitatis Redintegratio18Conclusion

Tout cela bien examiné, le Concile renouvelle ce qui fut déclaré par les Conciles antérieurs, ainsi que par les Pontifes romains: pour rétablir ou garder la communion et l'unité, il ne faut "rien imposer qui ne soit nécessaire" (Ac 15,28). Il souhaite vivement que tous les efforts dorénavant tendent à réaliser peu à peu cette unité aux divers niveaux et dans les diverses formes de la vie de l'Eglise, surtout par la prière et le dialogue fraternel concernant la doctrine et les nécessités les plus urgentes du ministère pastoral de notre temps. Pareillement, le Concile recommande aux pasteurs et aux fidèles de l'Eglise catholique d'établir des relations avec ceux qui ne sont plus en Orient, mais vivent loin de leur patrie. De cette façon grandira entre eux une fraternelle collaboration: l'esprit de charité exclura toute forme de rivalité. Si l'on s'applique à cette oeuvre de toute son âme, le Concile en a l'espoir, le mur qui sépare l'Eglise d'Orient de celle d'Occident étant abattu, il n'y aura plus qu'une seule demeure, affermie sur la pierre angulaire, le Christ Jésus qui fera l'unité de l'une et de l'autre (1).
(1) Cf. Conc. Florentinum, Sess. VI (1439), Définition Laetentur caeli: Mansi 31, 1026 E
Unitatis Redintegratio19Les Eglises et communautés ecclésiales séparées en Occident

Condition spéciale de ces communautés

Les Eglises et Communautés ecclésiales qui, à l'époque de la grande crise commencée en Occident à la fin du Moyen Age, ou dans la suite, furent séparées du Siège apostolique romain, demeurent unies à l'Eglise catholique par une affinité particulière et par des relations dues à la longue durée de vie du peuple chrétien dans la communion ecclésiastique au cours des siècles passés.

Etant donné que ces Eglises et Communautés ecclésiales, à cause de leur diversité d'origine, de doctrine et de vie spirituelle, se distinguent notablement, non seulement de nous-mêmes, mais aussi entre elles, il est très difficile de bien les définir, et nous n'en avons pas ici l'intention.

Bien que le mouvement oecuménique et le désir de paix avec l'Eglise catholique n'aient pas encore prévalu partout, nous avons l'espoir néanmoins que tous finiront par avoir ce sens de l'oecuménisme et que l'estime mutuelle ne fera que grandir.

Cependant, il faut reconnaître qu'entre ces Eglises et Communautés et l'Eglise catholique il y a des différences considérables, non seulement de caractère historique, sociologique, psychologique et culturel, mais surtout dans l'interprétation de la vérité révélée. Pour rendre plus facile, malgré ces différences, l'instauration du dialogue oecuménique, nous voulons souligner certains points qui peuvent et doivent servir de base et de point de départ à ce dialogue.
Unitatis Redintegratio20La foi au Christ

Nous avons en vue surtout ces chrétiens qui confessent ouvertement Jésus-Christ comme Dieu et Seigneur, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Certes, nous savons qu'elles ne sont pas légères les différences qui existent par rapport à la doctrine de l'Eglise catholique, même au sujet du Christ, Verbe incarné, et de l'oeuvre rédemptrice, et par suite au sujet du mystère et du ministère de l'Eglise, ainsi et par suite au sujet du mystère et du ministère de l'Eglise, ainsi que du rôle de Marie dans l'oeuvre du salut. Ce nous est une joie cependant de voir nos frères séparés regarder vers le Christ comme la source et le centre de la communion ecclésiale. Touchés du désir d'union avec le Christ, ils sont poussés de plus en plus à chercher l'unité et à rendre partout témoignage de leur foi parmi les nations.
Unitatis Redintegratio21Etude de l'Ecriture

L'amour et la vénération - presque le culte - de nos frères pour l'Ecriture Sainte les portent à l'étude constante et diligente du texte sacré: l'Evangile "est en effet la force de Dieu opérant le salut pour tout croyant, pour le Juif d'abord et puis pour le Grec" (Rm 1,16).

Invoquant l'Esprit-Saint, c'est dans les Ecritures mêmes qu'ils cherchent Dieu comme celui qui leur parle par le Christ qu'avaient annoncé les prophètes et qui est le Verbe de Dieu incarné pour nous. Ils y contemplent la vie du Christ, ainsi que les enseignements et les faits accomplis par le divin Maître pour le salut des hommes, surtout les mystères de sa mort et de sa résurrection.

Mais, si les chrétiens séparés de nous affirment l'autorité divine des Saints Livres, ils ont une opinion différente de la nôtre (et différente aussi entre eux), au sujet de la relation entre Ecritures et Eglise. Dans celle-ci, selon la foi catholique, le magistère authentique occupe une place particulière pour l'explication et la prédication de la parole de Dieu écrite.

Cependant, les paroles divines sont, dans le dialogue lui-même, des instruments insignes entre les mains puissantes de Dieu pour obtenir cette unité que le Sauveur offre à tous les hommes.
Unitatis Redintegratio22La vie sacramentelle

Par le sacrement de baptême, toutes les fois qu'il est conféré comme il convient selon l'institution du Seigneur et reçu avec les dispositions intérieures requises, l'homme est incorporé vraiment au Christ crucifié et glorifié, il est régénéré pour participer à la vie divine, selon le mot de l'apôtre: "Vous êtes ensevelis avec lui par le baptême, vous êtes ressuscités avec lui parce que vous avez cru en la force de Dieu, qui l'a ressuscité d'entre les morts" (Col 2,12) (1).

Le baptême est donc le lien sacramentel d'unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui. Cependant, le baptême, de soi, n'est que le commencement et le point de départ, car il tend tout entier à l'acquisition de la plénitude de la vie du Christ. Il est donc destiné à la totale profession de foi, à la totale intégration dans l'économie du salut, telle que le Christ l'a voulue, et enfin à la totale insertion dans la communion eucharistique.

Bien qu'elles n'aient pas avec nous la pleine unité dont le baptême est la source et bien que nous croyions que, en raison surtout de l'absence du sacrement de l'ordre, elles n'ont pas conservé la substance propre et intégrale du mystère eucharistique, cependant les communautés ecclésiales séparées de nous, lorsqu'elles célèbrent à la sainte Cène le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, professent que la vie consiste dans la communion au Christ et attendent son retour glorieux. Il faut donc que la doctrine sur la Cène du Seigneur, les autres sacrements, le culte et les ministères de l'Eglise, fasse l'objet du dialogue.
(1) Cf. Rm 6,4
Unitatis Redintegratio23La vie dans le Christ

La vie chrétienne de ces frères se nourrit de la foi au Christ, elle bénéficie de la grâce du baptême et de la prédication de la parole de Dieu. Elle se manifeste dans la prière privée, la méditation biblique, la vie de la famille chrétienne, le culte de la communauté rassemblée pour la louange de Dieu. Par ailleurs, leur culte comporte plus d'une fois des éléments remarquables de l'antique liturgie commune.

La foi au Christ produit des fruits de louange et d'action de grâces pour les bienfaits reçus de Dieu. A cela s'ajoute en sens très vif de la justice et une sincère charité à l'égard du prochain. Cette foi agissante a même provoqué l'institution de beaucoup d'oeuvres pour le soulagement de la misère spirituelle et corporelle, pour l'éducation de la jeunesse, pour l'amélioration des conditions sociales de vie, pour l'établissement partout d'une paix stable.

Même si parmi les chrétiens, beaucoup n'entendent pas de la même manière que les catholiques l'Evangile dans les questions morales et n'admettent pas les mêmes solutions des bien difficiles problèmes de la société d'aujourd'hui, néanmoins, ils veulent, comme nous, s'attacher à la parole du Christ comme à la source de la force chrétienne et obéir au précepte apostolique: "Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père" (Col 3,17). C'est ici que le dialogue oecuménique sur l'application morale de l'Evangile peut commencer.
Unitatis Redintegratio24Conclusion

Après avoir exposé brièvement les conditions d'exercice de l'action oecuménique et indiqué les principes qui doivent la diriger, nous tournons maintenant avec confiance nos regards vers l'avenir. Le Concile exhorte les fidèles à s'abstenir de toute légèreté, de tout zèle imprudent, qui pourraient nuire au progrès de l'unité. Leur activité oecuménique ne peut être, en effet, que pleinement et sincèrement catholique, c'est-à-dire fidèle à la vérité reçue des apôtres et des Pères, et conforme à la foi que l'Eglise catholique a toujours professée: elle tend à cette plénitude en laquelle, au cours des âges, le Seigneur veut que son Corps grandisse.

Le Concile souhaite instamment que les initiatives des enfants de l'Eglise catholique progressent unies à celles des frères séparés, sans mettre un obstacle quelconque aux voies de la Providence et sans préjuger des impulsions futures de l'Esprit-Saint. Au surplus, le Concile déclare avoir conscience que ce projet sacré, la réconciliation de tous les chrétiens dans l'unité d'une seule et unique Eglise du Christ, dépasse les forces et les capacités humaines. C'est pourquoi il met entièrement son espoir dans la prière du Christ pour l'Eglise, dans l'amour du Père à notre égard, et dans la puissance du Saint esprit: "L'espérance ne déçoit point: car l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné" (Rm 5,5).

Tout l'ensemble et chacun des points qui ont été édictés dans ce décret ont plu aux Pères du Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui a été établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
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Publié: 30/11/1959