Inutile ? Prière sur l’inutilité

Pour une fois, en lisant le propre du jour, c’est une lettre de saint Paul qui m’éclaire sur une question qui me taraude depuis quelque temps. Souvent en effet, saint Paul me laisse dubitative sur sa façon de raisonner. Mais là, sa lettre aux Philippiens () répond, bien involontairement d’ailleurs, à mes préoccupations. Dans cette lettre, il déclare avoir très envie de Te rejoindre, Seigneur, là où Tu demeures c’est-à-dire au ciel, et cela le plus vite possible, mais il accepte de rester sur terre, s’il est encore utile pour ses congénères. A mon avis il se pose une question inadéquate, car la solution ne dépend pas de lui. Ce sont ses juges qui décideront, avec ou sans son consentement, d’en faire ou non un martyr, ce qui lui ouvrira les portes du Paradis. Mais peu importe, ce qui m’intéresse c’est la question d’être ou non utile. C’est ce qui m’interpelle, car avec la vieillesse, je me sens, et je suis de plus en plus fragile, de plus en plus lente à accomplir une activité, de plus en plus vite fatiguée, bonne à rien, aussi je me demande à quoi je peux bien servir. Et en réfléchissant un brin, j’étends ma question à tous ceux qui vivent des handicaps sévères. Et merveille aujourd’hui, sans que je sache pourquoi, la réponse me traverse comme une étoile filante, rapide et lumineuse.

Mais bien sûr. C’est mon inutilité qui est utile aux autres puisqu’elle va leur permettre de pouvoir faire le bon Samaritain. C’est évident ! Pourquoi m’a-t-il fallu si longtemps pour l’admettre ?

Je pense que c’est parce que je suis dans une période intermédiaire : plus tout à fait vaillante et pas encore totalement dépendante. Et j’ai du mal à voir précisément la frontière entre la sagesse de restreindre ou même d’annuler certaines de mes activités, sans que ça devienne l’excuse facile pour cultiver la paresse où je me dorlote. Pas facile, facile de distinguer... Il y a aussi la très forte réticence à devenir humble et pauvre, en acceptant la dépendance. C’est sans aucun doute possible le côté le plus épineux de l’affaire.

Pas très réjouissant tout ça, mais du moins j’y vois plus clair, et de plus, Seigneur, je Te sais miséricordieux, car il est dit, dans le même propre d’aujourd’hui, que Tu sais que mes idées et mes chemins ne sont pas les tiens. Tu ne seras donc pas étonné si je trébuche ; Tu t’y attends. Donc tout va bien, et je m’émerveille de voir combien on a avantage à lire Ta Parole, chaque jour, même si on a tendance à se dire en débutant : « Oh ce texte là, je le connais par cœur. Cela m’étonnerait que ça me parle aujourd’hui. » La preuve !

Aussi je vais terminer ma prière en T’offrant cette journée, en m’efforçant de croire qu’elle est destinée, malgré sa banalité, à assurer ma sanctification, ce qui ne me paraît pas évident. Mais Toi Tu sais ce dont j’ai besoin et moi je sais que je peux Te faire confiance. Amen !

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/07/2020