La colère injustifiée de madame Tobie
En lisant le passage du livre de Tobie chapitre 2,10-23, je me suis sentie très proche de la colère de son épouse, qui estime que son mari exagère. Non seulement il s’est mis et a mis toute sa famille en danger en contrevenant formellement aux décrets du tyran Salmanazar, auprès de qui, ils ont été déportés, tyran qui a interdit d’enterrer décemment tout israélite décédé sur la voie publique, mais encore Tobie passe son temps à louer le Seigneur alors qu’il est devenu aveugle accidentellement, ce qui l’oblige, elle a travailler durement pour un maigre salaire.
Or ses patrons viennent de lui offrir un jeune chevreau, et sous prétexte que ce cadeau inusité serait peut-être le produit d’un vol, son mari exige le retour de la bête chez son employeur. Passe pour son idée de ne pas laisser pourrir ses concitoyens sur le macadam, car le décret de Salmanazar est manifestement inique, mais pour le refus du chevreau, Madame Tobie est suffoquée de colère : trop c’est trop !
Ce n’est pas elle qui a volé, cela devrait suffire pour ne pas contrevenir aux lois du Seigneur. Qu’est ce que son mari a besoin de chinoiser, de couper les cheveux en quatre alors qu’ils sont dans une situation matérielle des plus précaires, et que lui se contente de passer son temps en prières.
Cette femme me paraît non seulement pleine de bon sens mais encore courageuse pour lutter contre l’adversité, et généreuse dans son désir de subvenir, seule, aux besoins de sa famille.
Oui mais dans la Bible, c’est Tobie qui est présenté comme modèle à suivre et pas sa femme et ses reproches devraient me paraître injustifiés (on voit bien que ton espérance n’a servi à rien et tes aumônes ont montré ce qu’elles valaient). Que faire ?
Pour comprendre le point de vue de Tobie, il me faut un peu (et même un peu beaucoup) extrapoler. Les patrons de Mme Tobie ont peu de place dans cette histoire ; on sait seulement que leur ouvrière est soumise à un dur travail de tissage qui lui blesse les doigts (pas particulièrement sympa ces patrons !). Je peux en déduire qu’ils ne sont pas spécialement enclins à faire des cadeaux somptueux à leur employée. Aussi, je me permets de faire appel aux consignes du commerce équitable pour expliquer leur geste soi-disant généreux.
Ils ont peut-être acheté tout un lot de chevreaux à un prix dérisoire, à de pauvres paysans incapables de se défendre. En céder un à Mme Tobie ne représente rien pour eux, au contraire c’est tout « bénef » car Mme Tobie va se sentir redevable envers eux ; dans ce cas, oui, le chevreau est suspect ! Et Tobie aurait raison de se montrer méfiant et même intraitable. Oui, mais pourquoi faire appel à ce genre de considération dont aujourd’hui on prend conscience peu à peu alors qu’entre le moment où ce texte a été écrit et le moment où je le lis, il s’est écoulé au bas mot 2.500 ans ? Il est vrai, comme dit un psaume, que pour toi Seigneur, 1.000 ans c’est comme une heure. Tu serais donc drôlement moderne Seigneur ! De plus dans un autre psaume (Ps 83) je trouve le refrain suivant : « Que ton amour, Seigneur, soit sur nous comme notre espoir est en toi. »
Toujours cette relation de réciprocité entre toi et nous Seigneur que je trouve aussi dans le Nouveau Testament : « Tu nous pardonnes comme nous pardonnons ». Or Mme Tobie ne pardonne ni à toi Seigneur, ni à son époux (à sa décharge on sait qu’elle n’en peut plus de fatigue).
Décidément Seigneur tu es très fort et, comme Tobie, je vais essayer dans chaque évènement de te faire pleine confiance au lieu de chinoiser avec ma petite logique raisonneuse. Mais à première lecture ce n’était pas évident, je t’assure et à mon avis Mme Tobie a des circonstances atténuantes… et du coup, moi aussi je suis sûre que Tu en tiendras compte.
N’est-ce pas Seigneur ?

Laïque mariste († 2011).
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