Disciple récalcitrant, mais disciple quand même
Seigneur, en lisant saint Luc (), je vois avec une certaine satisfaction qu’on peut être appelé disciple, même en étant réticent envers tes paroles, voire tout à fait hostile.
En effet, Tu dis à ceux qui Te suivent fidèlement depuis quelque temps et qui sont ravis de voir ce que Tu fais et d’entendre ce que Tu dis : « Mettez-vous bien dans la tête ce que je vous dis là. » Et pour la deuxième fois Tu annonces ta Passion. Mais ils ne comprennent pas ; ils sont sourds et ne veulent pas entendre ! Pourtant ce « mettez-vous bien dans la tête » est une expression forte, très claire, ne demandant pas de gros efforts de compréhension : dite par Toi, elle avait une autorité certaine. Mais Luc note le refus total de la foule à y adhérer au moment où Tu l’as dite, et pourtant il appelle ces personnes disciples.
Cela me fait réfléchir. Il est bien certain que ceux qui étaient auprès de Toi, ce jour-là, ont bien dû se rendre à l’évidence de la réalité de cette Passion, quand ils T’ont vu sur la croix. Et ils ont été obligés de renoncer à l’idée d’un Messie glorieux et triomphant.
Personnellement, je sais bien qu’il y a des tas de paroles que Tu as dites, et que j’ai mises de côté, en sourdine. Et les excuses sont variées et passablement convaincantes. Ça va de : « Oh ! Ça c’est valable pour certains, un petit nombre, mais pas pour moi ! C’est trop radical ! Impossible à appliquer à la lettre et même dangereux ! » à « Il faut raison garder ! On verra ça plus tard » etc. etc.
Je sais bien qu’il m’a fallu me dépouiller d’un certain nombre de certitudes, d’avantages, qui, sans doute, m’encombraient, m’alourdissaient. Mais leur survenue s’est faite généralement sans moi. Je ne les ai pas choisis volontairement, aussi je me plais à m’identifier aux disciples décrits par saint Luc : c’est le déroulement de l’Histoire qui les a obligés à changer de mentalité.
Heureusement Seigneur, Tu es un Dieu patient !
De plus, moi je ne T’ai pas vu ni entendu avec mes yeux et mes oreilles. Il est probable (quoique non certain, c’est vrai) que si je T’avais rencontré en chair et en os, j’aurais été bouleversée. Cet été, un de mes neveux a eu l’opportunité de voir et même de toucher le Dalaï-Lama, et il a noté l’émotion profonde de toutes les personnes présentes ; ce qui n’a rien d’étonnant : c’est un très très grand bonhomme. De même j’ai eu la chance de voir plusieurs fois sœur Emmanuelle dont la joie et la foi avaient quelque chose de contagieux.
Tu l’as d’ailleurs noté : « Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu. » Aujourd’hui, je partage entièrement ton point de vue ; il m’apaise et me laisse espérer que malgré mes réticences, mon manque d’enthousiasme et de générosité, en un mot, mon manque d’amour, je peux espérer que Tu m’acceptes comme disciple. Je me permets de noter que ton évangéliste a l’air de trouver ça normal et naturel. J’ai même un avantage sur ceux dont parle Luc, il y a belle lurette que je me suis ralliée à un Messie serviteur souffrant !
Alors disciple, pourquoi pas moi ? …
Laïque mariste († 2011).
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