Relations sexuelles hors mariage

Introduction

Il y a bien des manières de les vivre et l’on comprendra qu’elles ne portent pas ni le même poids moral et n’aboutissent pas aux mêmes conséquences selon les circonstances dans lesquelles elles se vivent. Je vous propose d’évoquer des événements variés qui vont du temps des fiançailles à l’inceste. Vous comprendrez qu’on ne peut parler de chacune de ces réalités sans tenir compte du contexte.

Le lecteur n’oubliera pas de consulter l’autre fichier qui est ici présupposé connu à propos du sens des relations sexuelles. Avec ce document, ils forment un tout.

A. Dans le cadre des fiançailles

On ne connaît pas de sociétés sur terre, fussent-elles primitives, qui ne se soient donné de règles et de rites pour “gérer” la vie sexuelle de ses membres. Éric Fuchs, dans son ouvrage sur le désir et la tendresse [1], insiste sur l’intérêt des normes en morale sexuelle. Elles permettent de gérer les trois dimensions fondamentales de la sexualité : le plaisir, la reproduction et les relations dans le groupe. En fait, « toute société tente toujours de faire coïncider la sexualité, le plaisir, l’amour et la sécurité de la collectivité. Cette importance du contrôle symbolique de la sexualité s’explique par la peur de la violence que la sexualité comporte potentiellement ».

Plus ça va, et plus il semble qu’il n’y a plus de règle pour entamer la vie commune. Plus encore, la loi essaye de s’adapter, d’encadrer les nouveaux comportements sociaux à mesure de leur surgissement. Il est d’ailleurs étonnant de constater qu’il y a un certain mépris chez les jeunes couples pour le rite social du mariage à la mairie : « Le mariage à l’église, oui, mais à la mairie, ça ne veut rien dire. » Bien souvent seul le mariage à l’église est digne de foi ou du moins de célébration. Et ce ne sont pas forcément les plus “catho” qui disent cela. C’est regrettable. Nous avons tous besoin de rites qui marquent objectivement et publiquement où nous en sommes dans notre vie.
Le rite des fiançailles se fait de plus en plus rare, de fait. Mais on a intégré la cohabitation comme rite d’approche du mariage. C’est un nouveau rite, celui de la mise en ménage. Mais il est chargé d’ambiguïtés telles qu’il empêche les futurs conjoints d’être au clair sur leur décision de mariage.

Considérons les fiançailles comme ce temps où le jeune homme et la jeune fille sont désormais sûrs de leur amour, qu’ils ont décidé de se marier, d’avoir des enfants et qu’ils ont réservé la date de leur mariage dans l’année.
La difficulté pour aider à réfléchir au sujet des relations sexuelles lorsqu’on est devenu “sûr(e)” de l’autre est de prendre de la distance. La décision étant clairement prise, le prêtre, l’aumônier, le couple ou les amis consultés auront tendance à consentir à ce qui n’est qu’une anticipation sur un état de vie et une date alors que les cœurs et les corps sont prêts. On sait par ailleurs qu’une grande majorité des couples qui se présentent au mariage ont déjà dormi ensemble au moins une fois quand ils ne vivent pas ensemble depuis un certain temps. Il est probable que ces moments, à défaut d’être légitimes, ne manquaient sans doute ni de tendresse ni de dignité. Et je ne connais pas de prêtre qui les aurait refusés au sacrement pour ce seul motif.

Néanmoins, les questions suivantes doivent être posées :
Pourquoi vous mariez-vous dans un an et pas demain ? Les réponses des fiancés fusent très vite : « parce nous n’avons pas pu louer de salle avant ; c’était la seule date possible pour réunir les familles ; l’Église elle-même exige trois mois de délais pour célébrer notre mariage [2] ; et si nous nous mettons ensemble c’est parce que cela fait déjà deux ou trois ans que nous nous connaissons et nous nous attendons et c’est trop dur d’attendre encore six mois. » Comment ne pas comprendre, voire consentir ? Qui oserait jeter la pierre ? Pourtant le dialogue peut se poursuivre.
Est-ce que prendre une décision de mariage pour dans 6 mois ou un an est un facteur de mûrissement instantané pour chacun des membres du couple ou bien le temps d’attente va-t-il contribuer à cette maturité ? Et alors pourquoi ne pas respecter ce temps ? Car en réalité regarder l’autre comme une personne dont on se dit “qu’un jour peut-être...” et le regarder comme celui ou celle qui vous a dit le “oui” de la promesse change radicalement la situation. Le temps des fiançailles n’est pas inutile pour libérer une parole avec celui ou celle que l’on a choisi(e). S’accueillir comme fiancés, vivre dans la confiance la préparation d’un mariage (pas seulement de la célébration mais aussi du temps du mariage) ; éprouver sa propre confiance envers celui ou celle que l’on ne voit pas tous les jours et qui vous a promis sa fidélité ; éprouver sa propre fidélité dans le quotidien. Rien de tout cela ne se gagne en une seconde. Le temps et les délais avivent vos désirs, ils les éduquent aussi et de cette éducation vous en aurez bien besoin dans l’avenir. Enfin que vous direz-vous d’original, que vous ne vous serez jamais dit le jour de votre mariage et qui scellera définitivement votre alliance ?
Il a fallu du temps aux fiancés pour se choisir définitivement. Il en faut aussi pour leur entourage. La mise en ménage avant le mariage ou les relations sexuelles sans cohabitation font croire parfois que vous êtes seuls au monde. En fait, il n’y a rien de plus social que les relations de couples. Ceux qui vous entourent ont aussi besoin de temps pour vous accueillir et vous recevoir comme couple. Donnez-leur ce temps.
Il reste que si lors d’une soirée en amoureux, vos gestes n’ont pas su se retenir et ont devancé le jour tant attendu, ce n’est pas forcément la fin du monde. Vous seuls êtes capables d’en évaluer la portée morale et la dignité. Demeurez néanmoins ouverts aux appels de l’Église.

A l’approche du mariage, il m’est déjà arrivé de proposer aux couples cohabitants de s’abstenir l’un de l’autre. Le jeûne et le silence des corps est aussi un chemin pour se préparer au mariage, non pas de manière formelle mais pour creuser le désir et la capacité d’accueil de l’autre et du don de soi.
Certains diront qu’en insistant sur la patience je survalorise l’acte sexuel dans la vie d’un couple. Possible. Mais vouloir à tout prix le précipiter est une autre manière de le survaloriser. Je pense cependant que mieux vaut attendre un peu trop que d’aller un peu trop vite.

Enfin, pour les cœurs brûlants, il reste aussi la possibilité d’avancer la date du mariage de quelques mois. Attendre trop longtemps lorsque toutes les conditions sont réunies (maturités psychologiques et économiques, des corps et des cœurs, ...) poserait alors la question d’une peur mal gérée quant à l’engagement ou d’inhibitions (venant d’une trop grande identification à la mère, ou de tendances homosexuelles latentes, ...) quant à l’exercice ordinaire de la sexualité en couple. En général les motivations profondes de ceux ou celles qui diffèrent sans cesse et sans raison apparente la décision du mariage échappent à la conscience de la personne elle-même.

B. Le mariage à l’essai

Le mariage à l’essai consiste à “se tester” dans la vie commune, à voir comment cela se passe tant au niveau sexuel que de la vie quotidienne. Mieux vaut, disent les cohabitants, vivre un échec avant qu’après le mariage. Bien des ambiguïtés viennent entacher ce beau projet. Ceux qui s’y lancent gagneraient en lucidité à les connaître. Cela pourrait éviter bien des échecs dans le mariage alors que la cohabitation s’était si bien passée.

Première ambiguïté : "S’assurer de tout".

« Justement, puisqu’il s’agit de poser les fondations de notre couple, nous voudrions savoir si sur ce plan-là aussi, nous nous entendrons. Tu comprends, le mariage c’est tellement sérieux... Et puis il y a tellement de couples qui divorcent parce qu’ils ne s’entendent pas au niveau sexuel... »

L’argument, habile, est souvent utilisé comme prétexte pour passer à l’acte d’autant qu’il a toutes les apparences de la prudence et d’une certaine “sagesse”. Mais il s’agit surtout de la sagesse du monde, elle ne va pas toujours bien loin et manque singulièrement d’espérance et de confiance [3].
Sachez tout d’abord que mener vie commune n’est pas une garantie de succès pour un mariage, cela se saurait, cela se sait ! L’Institut National d’Études Démographiques a publié récemment les statistiques suivantes : dans les 10 ans qui suivent le mariage à la mairie, 27,6 % des couples français divorcent. Ils se répartissent ainsi : 15,6 % pour ceux qui ont cohabité ensemble avant le mariage et 12 % pour ceux qui n’ont pas cohabité avant leur mariage [4]. La conclusion est claire : la cohabitation n’est pas un facteur de réussite de la vie de couple au contraire ! S’abstenir de cohabiter n’est pas non plus un facteur de réussite absolue. Ce sont les statistiques d’un service officiel de l’Etat français et qu’on ne peut soupçonner d’une quelconque partialité. Que cela se dise. Sur ce plan-là aussi, il faut passer des idées reçues au réel. Sachons résister, chiffres en main, à la pression sociale.
En fait, dit Xavier Lacroix, le facteur le plus déterminant pour la solidité et la durée d’un couple est ailleurs. Il est dans la force de la résolution avec laquelle chacun s’engage dans une histoire désormais commune. Nous avons tous connu de ces couples qui avaient un grand nombre de points communs et qui ont été brisés au premier obstacle. En revanche, nous en connaissons aussi qui, malgré une somme de handicaps et de difficultés ont su construire une relation finalement solide et heureuse. [5]

Essayons d’analyser plus finement encore les ambiguïtés de la cohabitation qui fragilisent les projets de mariage.

a) Comme du Canada Dry.

Si la cohabitation est inefficace, c’est parce qu’on lui fait jouer un rôle qu’elle ne peut remplir. En effet, sans le vouloir, vous allez vous tromper mutuellement sur ce qu’est vraiment le mariage. Ce que vous allez vivre aura l’odeur et le goût de la vie conjugale mais ne le sera pas. Vous allez faire du “Canada Dry” [6].

  • On n’essaye pas l’autre. Il ou elle n’est pas une machine qu’on peut tester en laboratoire. Nous-mêmes, ne serions-nous pas blessés de savoir que l’on nous essaye ? Ne valons-nous pas toujours plus que ce que nous avons pu montrer de nous-mêmes ?
  • On n’essaye pas sa fécondité et à ce titre, vous ne pourrez vous donner vraiment l’un à l’autre. Il y aura toujours une réserve entre vous deux. Or le propre du mariage n’est-il pas le don inconditionnel ?
  • On n’essaye pas le “Pour toujours”. De deux choses l’une : ou c’est pour toujours ou c’est du provisoire. Mais on ne peut provisoirement vivre le “pour toujours”. Tant que demeure la possibilité de dire non, l’orientation des cœurs et des psychologies s’en trouve marquée fortement.
  • Si jamais ça ne marchait pas, cela ferait aussi mal qu’après le mariage. Quoi qu’ils en disent, ceux qui se lancent dans “le mariage à l’essai” ont tout de même beaucoup investi d’eux-mêmes. De plus, on ne peut revenir sur sa virginité.
  • On a parfois tellement peur que l’autre nous quitte puisqu’il ne s’est pas engagé à rester que l’on n’ose pas se montrer sous son vrai jour. Et donc on se marie sans jamais s’être “révélé(e)” à l’autre. D’où les échecs qui suivent ce genre de cohabitation parce qu’on se marie avec “un(e) autre”.
  • Enfin, la plupart du temps, votre couple n’a pas atteint une des maturités indispensables à un mariage : l’indépendance économique.

Mais le comble, c’est que contrairement à ce qu’on pourrait imaginer lorsqu’on se met ensemble, on parle moins de l’ensemble des choses qui font la solidité d’un couple. La fascination, légitime sans doute, de la découverte des relations sexuelles et de la vie commune oblitère les échanges entre les deux partenaires tant au niveau de la profondeur et de la qualité des partages que de l’éventail des domaines abordés. J’ai encore en mémoire l’expression de ce couple qui disait qu’effectivement que « depuis qu’ils étaient ensemble, ils se parlaient moins ». Quel dommage ! Car c’est le dialogue profond, confiant et vrai qui fonde la solidité d’un couple. Et même lorsqu’on a pris le temps de dialoguer avant son mariage, la vie commune est tellement exigeante en attentions diverses que l’on n’a plus forcément le temps de se parler des différents aspects de la vie de couple. Ce n’est pas pour rien que dans les Équipes Notre-Dame [7], il est rappelé aux couples qu’ils ont le devoir de s’asseoir chaque mois pour parler entre eux.

Bref ! le jour de votre mariage, si vous n’avez pas été suffisamment attentifs à tout cela, il vous faudra reprendre sur d’autres bases un certain nombre d’éléments de la vie conjugale.

b) L’engagement, ce n’est pas rien.

Avoir l’engagement pour toujours derrière soi, ce n’est pas du tout pareil que de l’avoir devant !
Vous savez comme moi que lorsqu’on emprunte une autoroute, avant un échangeur, on a le choix entre plusieurs solutions, même si on s’est déjà décidé en partant de Paris d’aller à Marseille plutôt qu’à Bordeaux. Mais tant qu’on n’a pas bifurqué définitivement sur le bon embranchement, on n’y est pas pour de bon, il y en a d’autres possibles et l’on demeure attentif aux différents panneaux de signalisation.
Il en est de même pour la vie de couple. Il y a une certaine insécurité, instabilité avant le mariage. La femme le ressent parfois plus que l’homme.
Lorsque la bifurcation est prise, il y a une détente qui se produit dans l’attention à la direction générale. On se concentre désormais sur le mode de la conduite, les temps d’arrêts, de restauration, les petits détours, les surprises ...
On sous-estime beaucoup trop l’influence et l’importance de l’engagement définitif et formel que représente la célébration du mariage. Ce qui va sans dire va souvent beaucoup mieux lorsque c’est dit ! Trop de couples se préparant au mariage et ayant vécu avant ensemble me disent qu’après le mariage, ce sera comme avant. C’est rarement le cas ! Après le mariage, la situation psychologique et affective du couple se trouve transformée, transfigurée peut-être.
Même si l’image est faible, vous savez bien que lorsqu’on est embauché à l’essai, on ne travaille pas de la même manière qu’une fois embauché définitivement. On fait plus d’efforts pour que ça marche mais on n’ose pas toujours s’opposer à son chef. Or les conflits d’orientation, de projet et de leur mise en œuvre sont les lieux principaux où se décident l’avenir d’une entreprise.
Il en est de même dans un couple. Un couple de fiancés me disait qu’ils étaient sûrs de leur amour parce qu’ils se disputaient. Quoique paradoxale, cette phrase avait beaucoup de justesse. En effet, leur amour était suffisamment fort pour assumer la vérité de leurs différences et les partager à l’autre quitte à risquer un petit conflit. Ils étaient sûrs que cela ne remettrait pas en cause l’élan de leur amour.

c) Les gestes de l’amour.

C’est vrai que certains couples ont rompu pour incompatibilité radicale sur la manière de vivre leur sexualité [8]. Mais avaient-ils pris le temps d’en parler avant, de s’exprimer mutuellement leurs désirs. Par ailleurs, ne croyez-vous pas que le rapport au plaisir peut évoluer chez l’un comme chez l’autre, qu’il peut se “travailler” simplement parce qu’il “vous travaille”.
Il en sera ainsi tout au long de votre vie conjugale, sans cesse il faudra être à l’écoute de l’autre, de ses désirs, de ses fatigues.

Honnêtement, si vous vous aimez vraiment, ne saurez-vous pas trouver les gestes de la tendresse et de l’amour avec le même respect et la même patience qui vous auront habités le temps de vos fiançailles ? Sans doute, comme pour tous les couples qui ont connu une “première fois”, il y aura peut-être des maladresses. Qu’importe. Petit à petit, vous deviendrez familiers l’un à l’autre.
Enfin, même si c’est très important à vos yeux, et il est normal que cela le soit, le plus intime de la vie conjugale n’est pas le tout du mariage. Il faut lui donner sa place, toute sa place mais pas toute la place.
Et ne croyez pas non plus ceux qui en parlent trop facilement autour de vous. Contrairement à ce que laissent entendre et voir les productions cinématographiques, ce n’est pas toujours le feu d’artifice. Là n’est pas forcément l’essentiel. La tendresse, un dialogue profond et vrai peuvent avoir un retentissement tout aussi heureux sur le couple qu’un rapport sexuel vécu dans le respect et le don mutuels.

Deuxième ambiguïté : "Enfin, on serait comme tout le monde."

Subir une pression.

Plus ou moins consciemment, tous ceux qui ont des relations sexuelles avant leur mariage, et parfois de manière volage, ont une influence sur votre propre comportement au point que parfois vous vous demandez si vous êtes “normal” et s’il ne faudrait pas que vous aussi vous passiez à l’acte pour être comme tout le monde. Par ailleurs, d’autres peuvent s’adresser explicitement à vous et vous provoquer directement sur ce point de votre vie. Certains se sont ainsi retrouvés beaucoup plus vite qu’ils ne l’avaient prévu dans le lit d’un ou d’une autre.
Je pense que c’est sûrement une des pressions les plus dures que vous ayez à vivre : le désir des autres sur vous est au moins aussi fort que votre désir à vous. Je crois, qu’à ce titre, votre situation de jeunes est plus rude à vivre qu’il y a une trentaine d’années. On pourrait évoquer à ce sujet là, les ébats amoureux de vos voisins de chambre en résidence universitaire dont le niveau sonore se joue allègrement de l’épaisseur des cloisons. Ce n’est pas du tout facile à vivre !
Il est, de fait, difficile de tenir une place originale, différente et minoritaire dans un groupe majoritaire. Les plus nombreux font plus ou moins pression sur le petit nombre afin qu’ils deviennent comme eux. C’est souvent un moyen pour le groupe majoritaire de se rassurer sur sa propre pratique.

Devenir témoin.

C’est bien là que vous éprouvez à travers les choix de vie que vous faites que votre foi vous invite à poser des actes en contradiction avec l’esprit du monde. C’est vrai, être témoin [9] de l’Esprit du Christ, c’est parfois exigeant. C’est parfois crucifiant. Dans sa dernière encyclique, Veritatis Splendor, le pape évoque longuement la dimension du témoignage lié à la foi [10]. Il exprime avec beaucoup de netteté que si on peut être témoin pour sa foi, la vie morale est un des lieux qui visibilise la qualité de notre foi :
Dans cette encyclique qui s’adresse en priorité aux évêques, le pape se situe d’abord à un niveau très général (la fameuse première ligne du tableau de la 4e partie). Il ne faut donc pas se tromper sur la manière de lire un tel texte. Il tire un peu vers le prophétique. En d’autres termes, l’exigence du témoignage à travers la vie quotidienne relève de l’appel que Dieu nous lance sans cesse : “Jusqu’où m’aimes-tu ?” ; “Es-tu prêt(e) à donner ta vie pour moi ?” ; “Crois-tu que dans le quotidien, dans l’agir de chaque jour, dans la mise en œuvre d’une morale se joue aussi la sainteté ?” “La sainteté peut-elle se jouer ailleurs que dans le quotidien ?”
Les évêques de France dans le catéchisme pour adultes au § 604 disent encore ceci : « La pression sociale est telle qu’il faut parfois de l’héroïsme aux jeunes pour ne pas céder à la mode... et à leur faiblesse. »

Vous qui tenez à Dieu, à son amour et qui essayez d’en vivre vraiment, vous verrez combien vos amis seront heureux de vous voir vivre dans la recherche persévérante de la fidélité aux appels que Dieu lance. Si vous choisissez pour votre couple la patience, à travers vous, à cause de votre témoignage d’autres reprendront peut-être confiance en eux. En voyant que c’est possible de s’attendre, peut-être qu’ils oseront imaginer et vivre ce qu’ils ne croyaient plus possible dans leur couple ou qu’ils désiraient plus ou moins secrètement mais qu’ils n’avaient pas les moyens d’exprimer.

Troisième ambiguïté : Personne n’a décidé.

Lorsqu’on vit ensemble, le temps de la découverte passé (pourtant jamais fini), petit à petit le couple s’installe dans une vie commune. Chacun s’aperçoit des différences d’éducation, de culture, de manière de faire et de vivre de l’autre. Et comme on ne s’investit pas autant sans faire un minimum d’efforts, on les fait en espérant que cela “va marcher”. Or je m’aperçois lors de l’accueil des fiancés que s’ils sont capables de donner une date pour leur première rencontre, pour “leur mise en ménage”, ils ont plus de mal à donner une date précise pour la décision de leur mariage. « C’est dans la logique des choses » ; « Ça s’est fait comme ça »...
Étonnant. Se marier est une décision d’une telle ampleur pour la vie des personnes concernées qu’il importe que ce soit une véritable décision, et une décision motivée. La vie commune empêche trop souvent de prendre du recul par rapport à la vie que l’on mène, à l’autre que l’on essaye d’aimer. Comme pour un tableau, on a trop souvent le nez sur les détails et pas assez de vue d’ensemble.

Quatrième ambiguïté : "Ca coûtera moins cher".

En vivant ensemble, ça coûtera moins cher à nos parents.
Pas si sûr. La plupart du temps, vous mettez tout l’argent en commun et vous vous débrouillez. En tout cas on ne demande pas moins.
Il vaut la peine de s’arrêter un instant sur la manière dont on utilise l’argent pour construire sa vie de couple. Ce genre d’argument est souvent utilisé comme ultime prétexte lorsqu’on a rien d’autre pour justifier le passage à l’acte. Faire porter le poids de la décision sur l’économique est en général à la limite de l’honnêteté intellectuelle et il conviendrait de s’intéresser vraiment à la motivation profonde qui nous fait utiliser un tel “argument”.
Remarquez aussi l’ambiguïté d’un argument “intellectuel” pour légitimer une pratique. Il est normal et même nécessaire d’user de la raison pour conduire sa vie. Mais parfois, le Mauvais Esprit use d’arguments intellectuels pour influencer la conduite de notre vie. C’est bien pour cela que le critère de la raison n’est pas le seul à devoir être mis en œuvre. La prière, l’écoute des autres et bien d’autres sont à notre disposition. A nous de découvrir le faisceau d’indices qui nous paraît le plus heureux pour conduire notre vie.
En tout cas, l’argument économique est vraiment pauvre. C’est le cas de le dire. Le sens de la vie, ça ne s’achète pas !

L’argent est cependant un réel problème pour les jeunes qui ont atteint une véritable maturité dans leur couple qui souhaitent se marier mais qui n’ont pas de travail. Dans la période de crise actuelle faut-il attendre de sortir de la précarité du travail et acquérir une stabilité économique pour se marier ? Ou bien peut-on se marier dans l’incertitude du proche avenir et dans la dépendance économique des parents. Cela est une vraie question qui concerne un certain nombre de couples, surtout parmi les moins favorisés.

Cinquième ambiguïté : Fuir la solitude

Il faut avoir éprouvé la solitude et la sinistrose qu’elle engendre dans une piaule d’étudiant pendant un week-end prolongé pour comprendre que beaucoup se disent : « Plus jamais ça. » La solitude est par ailleurs la crainte numéro un des jeunes de 20 ans. Les groupes de copains (« si t’y vas, j’y vais »), l’incapacité à vivre dans le silence (le baladeur sur les oreilles) en sont des signes évidents.

Pour remédier à cette solitude, il arrive parfois que l’on se mette en couple. Mais se mettre en couple avec un autre n’est quand même pas un remède à cette solitude. Même si l’on a choisi quelqu’un qui nous était sympathique, il demeure que c’est d’abord la solitude qui est fuie avant la vie de couple qui est choisie. La peur de la solitude n’est pas forcément suffisamment forte pour se lancer dans une vie de couple mais elle représente un argument non négligeable des les motivations de la décision. L’autre ne peut être le médicament de mes difficultés affectives. Il y a bien d’autres manières “de ne pas être seul”. L’amitié, c’est aussi un type de relation de qualité dont nous avons tous besoin.

Enfin, il conviendrait de s’intéresser à cette incapacité à vivre le silence. Si l’on ne peut se retrouver face à soi-même sans la distraction permanente d’une radio ou d’une télé constamment allumée, qu’est-ce que cela veut dire ?

Sixième ambiguïté : Et la fécondité ?

Quel que soit le choix des couples pour réguler ou éviter la naissance d’un enfant, le risque de grossesse n’est jamais nul ! Vous ne verrez aucune statistique vous présenter des chiffres à 100 % de réussite. Il y a des actes manqués qui sont très réussis, comme le dit Xavier Thévenot [11]. C’est alors que se pose gravement la question : « Que faire devant une grossesse ? »
Avorter ? Mais cela devient un problème éthique considérable.
Se marier ? Mais est-ce bien une motivation sérieuse pour se marier ? Quel rôle fait-on jouer à l’enfant dans la décision du mariage ? Comment seront gérées les crises du couple dans l’avenir... ?

Il y a certainement bien d’autres ambiguïtés. Nous avons cité ici les principales. On comprendra, à les lire, la réticence des moralistes chrétiens à approuver les “mariages à l’essai”. L’enjeu n’en vaut pas la chandelle, le risque est trop gros de voir la tentative échouer. Si ce n’est pas avant le mariage, ce peut être après. La cohabitation n’est pas du tout une garantie de succès. La moitié des divorces en France concerne des couples qui ont cohabité avant leur mariage ! Cela mérite votre réflexion. Mieux vaut prendre le temps de se fréquenter durablement et de dialoguer sérieusement sur les sujets essentiels. Or rien n’est anodin dans un couple.

C. Les erreurs, les pièges.

Combien d’entre vous, après une soirée réussie, où l’on a bu un peu d’alcool, se sont laissés faire. Un peu par désir, un peu par hasard, souvent sans préméditation. Les filles, désormais, ne sont d’ailleurs pas moins entreprenantes que les garçons.
Savez-vous que les soirées dansantes ne sont pas construites au hasard. Pourquoi croyez-vous que l’on commence toujours par des danses énergiques et lorsque tout le monde s’est bien dépensé arrivent les slows ? Le contraste des danses, l’invitation au repos dans les bras de l’autre, le rapprochement des corps, tout cela favorise des rencontres que l’on n’a pas forcément souhaitées. Mieux vaut être lucide sur soi-même, sur sa manière de “tenir l’alcool” et de gérer ses élans affectifs.
Autre erreur bien connue : les gestes de tendresse ne sont pas anodins. Ils appellent toujours la caresse suivante, un peu plus intime, un peu plus osée. Il n’est pas toujours facile de résister au désir de l’abandon et de la découverte. Là aussi, il faut se connaître pour savoir jusqu’où on souhaite aller.

D. Le vagabondage sexuel

Tous nous connaissons des jeunes qui parfois ne comptent plus leurs partenaires ou leurs conquêtes. Il ne s’agit même plus d’avoir quelqu’un avec qui vivre pendant l’année universitaire. Dans les cas extrêmes cela relève du donjuanisme. Ce donjuanisme est pour ceux qui le vivent parfois une source de souffrance importante. Il est parfois bon de prendre conseil auprès d’un psychologue.
Pour des raisons variées et souvent complexes, il arrive que tel ou telle se sente le besoin de vérifier sa virilité ou sa capacité de séduction dans des relations sexuelles. Il peut s’agir de se venger des hommes ou des femmes lorsqu’on a été trompé(e) et déçu(e) ; on peut être victime de la peur face à l’excès du devoir de réussite en matière de relations sexuelles... Tout cela de manière plus ou moins inconsciente bien sûr.
On tombe ici dans le mythe de Blanche Neige : miroir, joli miroir de la sexualité, dis-moi si je suis beau, si je suis belle. Comme si la vie sexuelle disait toute la beauté d’une personne. Comme si certains ayant compris nos désirs irraisonnés ne pouvaient nous utiliser et nous tromper nous-mêmes ?
En voulant se croire libre de toutes règles, Don Juan devient esclave d’une seule : l’incapacité à aimer durablement et à en prendre le risque sérieusement. On finit par perdre le sens des mots comme “Je t’aime”, des gestes et des caresses. Tous les moralistes rappellent à quel point les jeunes qui se lancent dans le vagabondage sexuel risquent de ne pas mûrir et de se rendre incapables de rentrer un jour dans une relation de couple vraie et heureuse.

Pour sortir d’un tel engrenage, il y a parfois tout un travail psychologique sur le rapport à son corps, au plaisir, à la réussite sexuelle pour les réinscrire dans un ensemble plus vaste. C’est un des chemins indispensables pour comprendre que les corps ne tirent pas d’eux-mêmes le sens de la vie. Des discussions et un travail sérieux sur le sens des gestes seront très utiles. Ils aideront ces jeunes à unifier leur être : corps, intelligence, âme, désir, foi... Le surgissement d’une personne qui vous aime vraiment et que petit à petit vous choisissez d’aimer peut être cette grâce. Le pardon de Dieu aussi peut aider à percevoir à quel point une telle course au plaisir était vaine alors que le retour provisoire au moins au silence du corps peut être un chemin vivifiant.
En tout état de cause, s’il n’est jamais trop tard, il faut bien se dire qu’une pente descendue pendant de longs moins ne se remonte pas en 5 minutes. Le temps de la reconstruction est souvent plus long que celui de l’orage. Mais ce qui compte en définitive c’est l’orientation de notre vie et le chemin sur lequel nous avons enfin décidé d’avancer.
Les cinéphiles se souviendront de ce beau film tiré de l’œuvre de Kundera : L’insoutenable légèreté de l’être [12]. Thomas, qui est le personnage principal, est un chirurgien réputé et Don Juan. Personne ne résiste à sa séduction et il le sait. Autant il est léger en amour, autant il est inconséquent en politique. Mais un jour, il choisit d’assumer son choix politique puis petit à petit son mariage. Être léger était à long terme insoutenable ! On notera avec intérêt que c’est l’ensemble de la vie qui a mûrie progressivement. C’est la dynamique qui est belle.

E. Le viol

Le viol est une des formes les plus abominables des relations sexuelles. Il faut avoir rencontré des jeunes filles violées qui vous disent leur souffrance et leur haine pour savoir à quel point ceux qui commettent de tels crimes peuvent faire du mal bien au delà de l’acte lui-même.
Car au delà de la virginité prise et volée, mais pas donnée, au delà de la violence faite à une intériorité, demeure désormais souvent le soupçon sur l’homme et la peur de croire en un amour possible où le respect du corps de chacun existe vraiment. Mais hélas, là n’est pas le pire. Le pire est que cette hideuse violence faite à des jeunes filles [13] a semé en elles des germes de haine envers le violeur qui continuent de les détruire de l’intérieur.
Que de temps il faut alors pour sortir d’un engrenage de destruction intérieure tant au niveau de la reconquête de soi (ne plus se dégoûter) que de la découverte risquée et patiente que tous les hommes ne sont pas des “salauds”. Il s’agit là d’un vrai combat qui peut prendre des années et qui peut faire saigner l’ancienne blessure en bien des circonstances.
Et si, mesdemoiselles, lors d’une confidence sur votre passé douloureux, le garçon que vous fréquentiez vous quitte définitivement, dites-vous bien qu’il n’était pas digne de vous. En même temps, puisque vous aviez pris le risque de lui partager votre souffrance, c’est que vous commenciez à l’assumer suffisamment à l’intérieur de vous-mêmes.

F. L’inceste

D’une certaine manière, l’inceste est sans doute la forme la plus grave, la plus destructrice des relations sexuelles. En général, il s’agit de relations incestueuses entre père et fille, plus rarement entre un frère et sa sœur. Ce n’est pas aussi rare qu’on voudrait le croire.
Si l’inceste est un interdit fondamental, et universel, c’est-à-dire quelles que soient les sociétés observées, c’est qu’il permet à chaque homme et chaque femme de se structurer à sa place dans une famille et dans une société et d’intégrer les différences de l’espace, du temps et des générations et celle des sexes. Personne ne peut se passer d’intégrer ces grandes différences sans problèmes de relations graves et difficiles à porter.
Madame Badinter dans son ouvrage L’un est l’autre relisait l’histoire de l’interdit de l’inceste comme un moyen de pression pour obliger l’échange des femmes et donc obliger à une vie économique avec l’échange des dots. La vie économique n’ayant plus besoin de l’échange des femmes pour exister, l’inceste devenait possible [14]. Un tel discours est gravissime et irresponsable. Il a pour conséquence de détruire la famille où se déploient les éléments structurants de toute relation humaine.
On constate, hélas, que la jeune fille qui subit des relations incestueuses ne peut plus faire la différence entre un amant et un père. Elle rentre dans la confusion des générations. Cela pose souvent une crise d’identité forte. Pouvoir en parler est le début de la reconquête de soi. Cela nécessite parfois de rencontrer un psychothérapeute.

Conclusion

Pour creuser encore la question, plus encore que pour la conclure, vous pouvez relire le chapitre ou votre vie avec les quatre critères que donnent X. Lacroix et essayez de voir à quelle catégorie de relations sexuelles se réfèrent les différentes pratiques des jeunes ayant des relations sexuelles avant le mariage : fonctionnelles, érotiques, signes de tendresse, signes d’alliance. Y a-t-il des cas où on peut vraiment tout distinguer ?

"Appelons fonctionnelles les relations qui répondent surtout à des désirs psychologiques tels que prouver sa virilité ou sa féminité, vérifier son pouvoir de séduction, quitter symboliquement l’enfance et entrer dans la vie adulte, défier les parents, découvrir un territoire inconnu, éprouver des sensations nouvelles, ... certains psychologue qualifient cette sexualité d’opératoire. Elle tient un peu le rôle de ces rites de passage qui font défaut à notre société. Mais très souvent, elle reste narcissique et égocentrique, marquée par les besoins affectifs de l’enfance et de l’adolescence.

Dans la sexualité à dominante érotique, c’est surtout le plaisir qui est recherché. Découverte de la volupté, jeu avec les ressources inexplorées du corps, aspiration à l’extase charnelle. S’incarner, exister comme corps, rien que comme corps. Cette fête des sens est un des meilleurs cadeaux de l’existence, mais quel goût prend-elle à la longue, si elle est coupée de tout contexte relationnel ?

Beaucoup privilégient aujourd’hui le pôle tendresse, associant sexualité et sentiment. La majorité des jeunes affirment qu’ils refuseraient de faire l’amour avec une personne qu’ils n’aimeraient pas. Ce rapprochement entre sexualité et amour est à la fois source de valeurs et cohérent avec le langage des gestes de tendresse qui, de diverses manières, tendent à exprimer des attitudes telles que l’accueil, l’ouverture à l’autre, la possession réciproque, l’attente, le don. Mais tout n’y est pas limpide pour autant. La présence du sentiment n’est pas une garantie d’authenticité de l’amour.

Comprendre l’union comme incarnation de l’alliance, c’est à la fois prendre au sérieux les significations que nous venons d’évoquer et se situer dans la perspective selon laquelle le sens ultime du corps, comme celui de toute l’existence, tend vers l’alliance comprise comme le don réciproque des personnes. Nous entrons alors dans une interprétation globale de l’existence, selon laquelle le contexte du don sans retour vient donner sa plénitude de sens à l’union des corps. Tel est le sens profond, pour la pensée chrétienne actuelle, du lien entre sexualité et mariage." [15]

[1Fuchs Eric, Le désir et la tendresse, Labor et fides, 1979, p. 9.

[2Je pense personnellement qu’elle devrait demander au moins 6 mois voire un an afin de permettre une véritable préparation au mariage. Lorsqu’on se prépare à vivre 50 ans ou plus ensemble, l’enjeu en vaut la peine.

[3Repères éthiques, Thévenot Xavier, Salvator, p. 26 sv. On lira avec intérêt le chapitre intitulé : “Cohabitation juvénile, mariage à l’essai, relations extra-conjugales.”

[4Statistiques citées par Xavier Lacroix, Le mariage... tout simplement, Les éditions de l’Atelier, 1999, p. 94.

[5Lacroix Xavier, le mariage ... tout simplement, Les éditions de l’Atelier, 1999, p. 94.

[6Canada Dry : une boisson qui a le goût de l’alcool, la couleur de l’alcool, mais qui n’est pas de l’alcool, disait une publicité de la marque.

[7Les Équipes Notre-Dame sont un mouvement de spiritualité de couples. Une branche pour les jeunes pas encore mariés existe : les ENDJ.

[8On peut se référer au chapitre concernant les trois dimensions de la sexualité : Le plaisir, le relationnel et la fécondité.

[9Témoin = Martyr en grec.

[10Jean-Paul II, Veritatis Splendor n° 91, Ed. du Cerf, p. 146-147, 1993.

[11Thévenot Xavier, Repères éthiques, Ed. Salvator, p. 29.

[12Kundera Milan, L’insoutenable légèreté de l’être, Gallimard, folio N°2077, 1991.

[13Parfois aussi pour de jeunes garçons, mais beaucoup plus rarement.

[14Badinter Elisabeth, L’un est l’autre, Le livre de poche n° 10, pp. 248-249.

[15Lacroix Xavier, Le mariage ... tout simplement, Editions de l’Atelier, 1999 pp. 56-57.

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Bruno FEILLET

Évêque de Séez, ancien équipier de PSN.

Publié: 01/02/2007
Les escales d'Olivier