28e dimanche du temps ordinaire
1. Ils étaient dix... dix lépreux. Ils ont certainement chacun un nom mais peut-être plus de visage. Ils ont chacun une histoire, une histoire qui maintenant les met à l’écart. « Impur ! Impur » doivent-ils crier selon la législation mosaïque pour qu’on s’écarte d’eux. Au Moyen Age, les lépreux étaient majoritairement maltraités, rejetés hors des agglomérations et traités comme des animaux sauvages. Ils devaient se munir d’une crécelle pour que l’on s’écarte d’eux. La croyance selon laquelle la maladie était très contagieuse en était la raison. Ceux d’Israël étaient, en plus, considérés comme punis par Dieu parce que pécheurs. La présence d’un Samaritain encore plus pécheur que les pécheurs, plus impur que les impurs, les rend encore plus lépreux qu’ils ne sont.
2. Mais voilà Jésus sur cette route poudreuse avec sa petite équipe de disciples. Le connaissent-ils ? Ont-ils entendu parler de lui ? On ne sait mais on peut le supposer à la manière dont ils l’interpellent à distance comme il se doit : « Jésus, maître, aie pitié de nous ! » Que de fois Jésus n’a-t-il pas entendu ces mots : « Aie pitié de nous ! » Que de fois n’a-t-il pas sollicité lui-même cette pitié comme attitude pour entrer dans la souffrance de l’autre, pour aller à son aide. Pas de cette pitié qui peut mettre l’autre dans une sorte d’infériorité, mais celle qui sait redonner de la dignité qu’on leur a refusée.
3. Jésus a entendu ces lépreux que l’on ne voulait ni approcher, ni voir, ni entendre. Mais il leur demande la confiance : « Allez-vous montrer aux prêtres » leur dit-il, comme le demandait la loi mosaïque à tout lépreux guéri pour qu’il puisse réintégrer la communauté. Cette confiance sollicitée, sans preuve, sans assurance, c’est la manière de Jésus,. Rien pour Jésus ne peut se faire sans elle, sans cette foi dont il dit qu’elle peut déplacer des montagnes, réaliser l’impossible. C’est cette confiance qui va faire voir à ces dix lépreux sa puissance.
4. Mais le récit ne s’arrête pas là et le plus important reste à lire. Il y a ce Samaritain, cet hérétique ancestral. Il revient sur ses pas « en glorifiant Dieu à pleine voix ». Il n’ira pas à Jérusalem parce qu’on n’y accueille pas les Samaritains. Alors il revient non seulement manifester sa reconnaissance, mais aussi montrer qu’il a trouvé le vrai temple de Dieu. La pointe du récit est là. Ceux qui devaient être les premiers à lui accorder leur confiance ne l’ont pas fait ; ce Samaritain l’a fait. Ceux qui avaient été invités au festin ne sont pas venus mais ils viendront, « ceux du levant et du couchant, du nord et du midi pour prendre place au festin dans le Royaume de Dieu. Autrement dit : toute distance est abolie.
5. La lèpre faisait mettre à distance. On peut y voir l’image de celle qui rend la relation avec autrui difficile, voire impossible. Nous sommes tous différents et de ce fait savons bien que nous ne pouvons pas avoir « d’atomes crochus », comme on dit, avec tout le monde. Que de multiples raisons justifient. Mais nous sommes capables d’en ajouter. Ce récit nous rend tout à la fois attentionnés à ceux qui souffrent d’être mis à l’écart mais aussi à ne pas être de ceux qui mettent à l’écart. Prions-le de nous aider à l’imiter.

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.