26e dimanche du temps ordinaire
1. Que des riches ne s’occupent guère des pauvres, Jésus a dû le constater de son temps comme nous, dans le nôtre. De l’emploi de l’argent, il en est souvent question dans ses entretiens avec ses disciples mais aussi avec ceux qui en étaient très pourvus. D’ailleurs cette parabole s’adresse aux pharisiens dont il est dit qu’ils « aimaient l’argent ». En fait, la plupart de ces fervents observateurs de la Loi étaient de condition modeste. Jésus ne s’adresse qu’à ceux qui se font valoir par leur fortune. Souvenons-nous de la veuve qui verse discrètement de son nécessaire dans le trésor du Temple, alors que d’autres font ostensiblement valoir leur générosité. Le récit de cette parabole se lit sur trois tableaux.
2. Ce premier tableau, noirci à dessein, donne à voir un homme riche « vêtu de pourpre et de lin fin » et un Lazare couvert, lui, d’ulcères. Ce riche est entouré de ses nombreux invités ; Lazare, lui, est assis par terre, seul, au portail de son palais. L’un fait « chaque jour des festins somptueux » ; Lazare qui aurait bien n’en avoir des miettes, voit des chiens, ces animaux tenus pour impurs, venir se nourrir de ses plaies. Oui, il y a un abîme entre eux.
3. Le deuxième tableau les montre dans un état inverse après leur mort. Celui qui était en bas du portail est maintenant en haut, à la première place, près d’Abraham, le père des croyants. Celui qui avait de quoi faire de riches banquets est en bas, dans le souterrain sombre et froid shéol (qui n’est pas notre enfer) où il n’y a une goutte d’eau pour se rafraîchir. La raison à cela : « Mon enfant, rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie et, Lazare, le mal pendant la sienne. Maintenant, lui, il trouve ici la consolation, et toi, la souffrance. » Chacun son tour, dirions-nous, nous aussi. Un autre abîme les sépare à nouveau. Pourtant Lazare n’a rien fait d’autre que d’être pauvre. Il n’est pas reproché à ce riche de n’avoir pas vu, ni secouru Lazare. On peut l’imaginer mais cela n’est pas écrit.
4. L’enseignement, il faut le chercher dans le dialogue non rompu d’un fils avec son Père, Abraham. Il accepte sans discuter que l’abîme qui les sépare ne peut-être franchi. Mais il a une demande : « Père, je te prie d’envoyer Lazare dans la maison de mon père. En effet j’ai cinq frères ; qu’il leur porte son témoignage, de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de torture. » On ne peut pas dire qu’il manque de générosité. Demander ce service à Lazare n’est-il pas une forme de repentir qu’il lui adresse ? Mais voilà. Il est un temps où on ne peut plus demander à d’autres de faire ce qu’on n’a pas fait. Il est de notre temps de ne pas demander à d’autres de faire ce qu’on ne fait pas. Le message est clair. Identique à celui de la parabole entendue dimanche dernier : ne vous laissez pas enfermer dans le monde que vous vous construisez. Faites bon usage des biens qui vous sont confiés comme à des gestionnaires afin de vous faire des « amis qui vous accueilleront dans les demeures éternelles ». Avec des biens périssables, faites des biens impérissables.
Méditation
Je n’ai donné qu’un petit sourire
Et il est devenu soleil dans les yeux
De qui n’avait rien pour se réjouir
Quand le temps l’a fait vieux.
Je n’ai donné qu’une petite parole
A celui qui me demandait l’obole.
Et il a su qu’il ne m’était pas indifférent,
Plus riche maintenant que d’argent
Je n’ai donné qu’un peu de mon temps
Pour aller écouter dans le silence
Qui n’avait que la solitude comme présence
Et j’ai entendu son discret remerciement.
Je n’ai donné qu’un peu de mon trop plein
A celui qui n’avait que trop de riens
Et si nombreux étaient ses besoins
Que j’ai appris à aller bien plus loin.

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.