30e dimanche du temps ordinaire
1 « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. » Il s’agit à nouveau de la prière. Dimanche dernier Jésus invitait à la persévérance qui est signe de confiance, loin d’une mise en demeure du Seigneur. Aujourd’hui il s’agit de l’attitude du priant. Jésus, selon l’habitude de son temps, utilise la parabole, un récit fictif, amplifié, exagéré. Jamais, en effet, un pharisien ne se reconnaîtrait dans le personnage cité. Jamais non plus un collecteur d’impôts, à la solde des Romains, n’oserait s’approcher du Temple sans d’abord avoir renoncé à sa charge.
2 La parabole est adressée à ceux « qui étaient convaincus d’être justes et méprisaient les autres ». Pour le croyant juif, le juste devant Dieu est celui qui observe les commandements de la Loi de Moïse : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et le prochain comme toi-même ! » Il devait y ajouter toutes les pratiques rituelles rendues obligatoires sous peine d’être considéré comme pécheur. On entend bien, en arrière-fond, les reproches que les pharisiens les plus scrupuleux adressaient à Jésus et à des disciples. L’un d’entre eux n’avait-il pas été collecteur d’impôts ? Lui-même n’avait-il pas affirmé que le sacro-saint sabbat était fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ? Ni l’un, ni l’autre n’étaient des justes aux yeux de leurs coreligionnaires. La parabole est la réponse de Jésus à leurs critiques.
3 Ce pharisien imaginé, pourtant féru des Ecritures, se condamne lui-même à un double titre. Les psaumes lui avaient appris que « Dieu est le seul juste juge » ( ), et que devant lui « nul vivant n’est juste » (). En se mettant à l’égal de Dieu pour juger autrui à l’aune de ce qu’il se dit être, il a effacé de sa mémoire l’ineffaçable première ligne du Décalogue « Dieu est unique ». En ajoutant le mépris, ce sentiment qui met par terre celui qui se tenait à distance, il se condamne à nouveau en contrevenant à son deuxième commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » En se valorisant au prix du mépris, il a péché contre le ciel et contre la terre, comme le reconnaîtra ce fils revenu se prosterner son père qu’il avait abandonné.
4 En contrepoint, Jésus donne à voir cet homme « qui se tenait à distance ». « Il n’osait pas lever les yeux », implorant la miséricorde pour ce pécheur qu’il se reconnaissait être. Les contrastes entre les deux priants son marqués. L’un en avant, l’autre à distance ; l’un debout, l’autre dans la prosternation ; l’un dans l’autosatisfaction et le jugement, l’autre dans l’imploration.
5 Nous partageons bien sûr l’avis de Jésus. Nous ne pensons pas être rangés derrière ce pharisien, déplaisant dans son orgueil, et nous n’osons pas davantage nous identifier à ce publicain, attachant dans son humilité. Mais entre ces deux extrêmes, il y a beaucoup de places si nous pensons au regard, à celui qu’on porte sur soi, à celui que l’on veut voir porté sur soi par l’autre, à celui que l’on porte sur lui. On doit au philosophe grec, Chilon de Sparte, l’adage repris par Socrate « Connais-toi toi-même (Gnothi seauton - Γνῶθι σεαυτόν, en grec ancien). Il a été repris et commenté à l’infini. Comme par saint Augustin : « S’il t’advient de dire : “Cela suffit, je suis parvenu à la perfection” alors tout est perdu. Car c’est la fonction de la perfection de nous faire connaître notre imperfection. » François de Sales, évêque de Genève au 16e siècle, écrit à une sœur de la congrégation des Visitandines : « Soyez égale et juste en vos actions : mettez-vous toujours en la place du prochain, et mettez-le en la vôtre, et ainsi vous jugerez bien. Ressouvenez-vous donc d’examiner souvent votre cœur, s’il est tel envers le prochain, comme vous voudriez que le sien fût envers vous, si vous étiez en sa place. »
Prière
Les yeux sont comme les fenêtres de l’âme
Qui donnent à voir ce qui y est caché
Le regard est leur seul messager
Porteur de ses joies et ses drames.
Mais, Seigneur, ne le laisse pas l’enfermer
Dans une froide indifférence ;
Devant ceux que mes yeux ont croisé
Attendant que j’en voie la souffrance.
Donne-moi de le rendre plus attachant
Pour ressembler à celui que tu as montré
A tous ceux qui, en t’approchant,
Ont su qu’ils n’étaient pas des oubliés.

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.
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