23e dimanche du temps ordinaire
1. « De grandes foules faisaient route avec Jésus. » En route vers Jérusalem, en route vers son arrestation. Ainsi commence le récit. Il se retourne et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs et même sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple… Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. » On est surpris. N’a-t’il pas dit inlassablement « aimez-vous les uns les autres » ? Qui plus que lui a parlé de l’amour qui doit faire des hommes une grande famille sous le regard du Père ? Qui plus que lui s’est mis en tenue de service pour nous montrer combien l’entraide devait être mise au premier rang ?
2. Jésus a dû se rendre compte que cette foule qui le suivait attendait autre chose que ce qu’il leur proposait. On a accouru vers lui parce que l’on n’a vu en lui qu’un guérisseur de malades, d’impotents pour certains, un libérateur pour d’autres, du pain à volonté pour tous. Autre chose que de la souffrance. En fait, une réponse à toutes leurs attentes terrestres. Jésus s’en est toujours défendu. Il n’a cessé de leur dire qu’ils se trompaient, ceux qui le suivaient dans l’attente de la santé, du pain, des premières places. Il s’est enfui, lorsqu’après la distribution du pain et des poissons multipliés, on voulut le faire roi. Sa mission, sa route, n’est pas de donner plus de richesse, plus de santé, plus de pouvoir. Sa mission, celle qu’il propose à ses disciples, est autre.
3. On doit la chercher dans sa dernière parole : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple ! » Selon le dictionnaire et l’avis commun, porter sa croix, c’est accepter les épreuves, faire avec, comme on dit. Telle n’est la pensée de Jésus. Les philosophes grecs, les stoïciens du temps de Jésus, le disaient déjà : « Accepte ce que tu ne peux changer ! » Jésus a voulu dire autre chose. Il n’a pas dit : « Souffrez et vous serez mes disciples. » Ce que Jésus a porté et qui l’a mis en croix, c’est le péché du monde comme Jean le Baptiste l’avait annoncé. Le péché du monde, le péché des origines, le péché d’Adam et d’Eve selon l’auteur du livre de la Genèse, c’est de vouloir être « comme des dieux », de se substituer à Dieu pour décider du bien et du mal. C’est ce qu’on fait ceux qui l’avaient traité de diable, de blasphémateur et pour cela l’ont condamné. Sur la croix, le péché du monde a été rendu visible mais pour y être crucifié, lui, par l’acceptation de Jésus.
4. Les hommes n’ont jamais renoncé à décider du bien et du mal. Les dictateurs se prévalent de faire le bien de leurs victimes. Les démocrates se déchirent sur les choix à faire : ce qui est mauvais aux yeux des uns est bon pour ceux qui le voient ailleurs. Il ne faut pas regarder aussi haut pour le cacher chez nous.
Mère Teresa disait à ses sœurs :
« Les gens sont souvent déraisonnables, illogiques et centrés sur eux-mêmes,
Pardonne-les quand même...
Si tu es gentil, les gens peuvent t’accuser d’être égoïste et d’avoir des arrières pensées,
Sois gentil quand même...
Si tu réussis, tu trouveras des faux amis et des vrais ennemis,
Réussis quand même...
Si tu es honnête et franc, il se peut que les gens abusent de toi,
Sois honnête et franc quand même...
Ce que tu as mis des années à construire, quelqu’un pourrait le détruire en une nuit,
Construis quand même...
Si tu trouves la sérénité et la joie, ils pourraient être jaloux,
Sois heureux quand même...
Le bien que tu fais aujourd’hui, les gens l’auront souvent oublié demain,
Fais le bien quand même...
Donne au monde le meilleur que tu as, et il se pourrait que cela ne soit jamais assez,
Donne au monde le meilleur que tu as quand même...
Tu vois, en faisant une analyse finale, c’est une histoire entre toi et Dieu, cela n’a jamais été entre eux et toi. »
Méditation
A bout de bras, Seigneur, tu as porté
Les croix des hommes et leurs blessures
En venant marcher à leurs côtés
Et les mener par les chemins de droiture.
Sur les bras de la croix, tu t’es laissé crucifier
Pour ne pas échapper au sort des maltraités
Et connaître les bourreaux et leur cruauté
Qui ne savaient pas quel amour ils ont fait exploser.
Sous les bras de la croix tu es descendu, reposé,
Remis à nouveau entre les mains des hommes
Pour qu’ils puisent présenter au Père Bien-Aimé
La seule offrande digne de l’Amour qu’il leur donne.
Ne laisse pas, Seigneur, mes bras se refermer
Sur la botte de tous mes vains espoirs déçus.
Que mon regard, à ta croix suspendu,
Les ouvre à celui qui me les tend, tout à côté.

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.