Le respect du Seigneur pour la liberté de ses créatures

Il y a quelques années, en lisant le texte de Luc chapitre 6 versets 12 à 19 () concernant le choix des douze apôtres par Toi, Seigneur, ce qui en premier m’avait sauté aux yeux c’est que Tu avais prié toute une nuit avant de choisir. On peut dire que c’était un choix mûrement délibéré, mûrement réfléchi. Toute une nuit de prière, ça me paraissait interminable moi qui ai du mal à rester une demi-heure par jour à faire des essais en ce sens. Mais surtout ce qui m’avait frappée, c’est que malgré la longueur de cette prière, Tu avais opté parmi les douze, pour Judas Iscariote. Bien la peine de prier si longtemps pour arriver à un choix si peu pertinent avais-je pensé ! Si c’est ça l’efficacité de la prière ?

Aujourd’hui, Deo gratias, ce qui me saute aux yeux c’est que Dieu nous laisse vraiment libre devant Lui. Nous gardons quelles que soient les circonstances bénéfiques ou maléfiques de notre vie, la liberté de Lui dire oui ou de Lui dire non. C’est ce que démontre le cheminement de ce pauvre Judas.

Car enfin, il a bénéficié d’un apprentissage hors du commun. Il a été attiré par Toi, Seigneur, dès les débuts de Ta vie missionnaire, ce qui est déjà un avantage notoire.
Personnellement, Tu le sais, il me semble que si j’avais vécu à ton époque, je me serais méfiée de Toi, prophète provocant remettant en question bon nombre de points de la religion officielle, ce qui causait des rassemblements litigieux qui risquaient d’aggraver une situation déjà très tendue entre Juifs et autorités d’occupation. On n’avait vraiment pas besoin de ces désordres, c’était évident. L’opinion du Grand Prêtre pensant qu’il y avait avantage à sacrifier un homme plutôt que tout le peuple avait quelque chose de mathématiquement satisfaisant. Je ne suis pas sûre que je me serais ralliée à cette assertion (ce qui aujourd’hui me met mal à l’aise naturellement), mais je ne suis pas sûre non plus du contraire. Mais revenons à Judas.

Lui ne s’est pas arrêté à ces considérations terre à terre, et au début, il a été séduit par Toi, Seigneur, et par ton enseignement. Choisi par Toi, avec les onze apôtres, il a bénéficié pendant deux à trois ans d’une formation exceptionnelle, il a assisté à tous tes miracles, il a pu constater le témoignage exemplaire de ta conduite, il a été en contact permanent avec Toi. Le confort matériel était certes rudimentaire, mais c’était un temps béni, presque le Paradis sur terre, il Te voyait face à face. Il y avait de quoi être motivé, entraîné, retourné, converti, je ne dirai certes pas manipulé, mais fortement influencé ça oui, et cependant il a dit non. Il a été libre de dire non !

Seigneur, aujourd’hui, ce qui m’émeut dans ce texte que je viens de lire, c’est ton respect pour notre liberté, bien qu’elle puisse nous jouer des tours pendables. Ce pauvre Judas en est un exemple frappant.

Maître du monde, ton amour pour nous, ton dessein de nous voir heureux, parfaitement heureux, s’arrête devant notre liberté. C’est stupéfiant.

Quel est le parent, qui à un moment ou à un autre n’a pas eu envie, pensant à tort ou à raison que son expérience pouvait être utile à son rejeton ou, plus grave, espérant que celui-ci pourrait réaliser les rêves auxquels il avait été obligé de renoncer, n’a pas eu envie de décider ou simplement d’orienter plus ou moins fortement l’avenir de son enfant ?

Toi pas. Et pourtant Toi, Tu sais vraiment sans possibilité de Te tromper où se trouve notre seul bonheur, notre vrai bonheur, Tu pourrais nous diriger avec bénéfice, nous orienter sûrement mais nous forcer, non. Tu nous respectes.

Tu es vraiment le Tout Autre, Seigneur. C’est à la fois admirable et marronnant ! Mais je crois que c’est quand même le côté admiration qui l’emporte.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/02/2019