L’élaboration de la doctrine catholique de l’Esprit-Saint

De conflits en Conciles, l’élaboration d’une identité.

Faut-il fixer les débuts du "souffle" à l’Annonciation ou à la Pentecôte ? Procède-t-il "du Père" ou faut-il dire "et du Fils" ? etc... Si la Bible ne dit rien de l’identité de l’Esprit, les Eglises ne tardèrent pas à tenter de la définir, creusant le fossé entre l’Orient et l’Occident.

Quand faire commencer l’histoire de l’Esprit-Saint ? On le trouve à la première page de la Bible : "Le souffle (l’Esprit) de Dieu planait à la surface des eaux." Mais dans cette page, comme dans tout l’Ancien Testament, son identité est encore incertaine, ce qui est attesté par les traductions : souffle (ruah), ou déjà Esprit, Ne serait-il pas plus judicieux de fixer ses débuts à l’Annonciation ? "L’Esprit-Saint viendra sur toi", dit l’ange à Marie. Ou à la Pentecôte ? Les apôtres "furent tous remplis d’Esprit-Saint ", Mais aucun de ces actes ne lève le voile sur son identité.

Si, dans l’Ecriture, l’action de l’Esprit-Saint est signalée à chaque étape de l’histoire du salut, lui-même semble vouloir rester dans l’ombre. Saint Augustin remarque qu’à la différence du Père et du Fils, on n’a guère étudié son "caractère propre", ni scruté son mystère. Son visage se dérobe. Ce qu’il est, c’est son secret. Il n’est pas étonnant que, chez les théologiens, il passe pour l’"inconnu", ou le "méconnu". Pour ainsi dire vidé (kénose) des "traits d’une personne particulière", il ne se rend visible qu’au moyen de symboles : le souffle, le vent, le feu, la colombe...

Le concile de Constantinople

Pourtant, très tôt, il a fallu s’intéresser à la nature de l’Esprit-Saint, surtout quand des hérétiques, disciples d’Arius, lui dénièrent l’identité de nature avec le Père et le Fils, En Orient, il y eut d’autres courants, vers les années 360, les plus connus étant les "Pneumatomaques" - les combattants contre l’Esprit - pour qui l’Esprit n’était qu’un instrument de Dieu.

La réaction ne se fit pas attendre. Athanase d’Alexandrie, tout comme Basile de Césarée, firent remarquer que si l’Esprit n’était pas Dieu, son action divinisante ne pouvait être qu’inopérante ; comment pourrait-il produire ce qu’il n’est pas lui-même ? La question fut portée devant un concile qui se réunit à Constantinople en 381. Les actes de ce Concile, auquel participèrent 150 évêques, sont perdus, mais la foi qu’il fit sienne nous est connue par le Symbole justement appelé de Nieée-Constantinople : "Je crois en l’Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père. Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire".

La question du "Filioque"

Ce Concile mit fin à cinquante ans de conflits en affirmant que l’Esprit possède la même divinité que le Père et le Fils. Causa finita est ! La cause est entendue ! En fait, elle allait rebondir ail leurs, avec la question du Filioque. Alors que le Concile se contente de dire que l’Esprit "procède du Père", on ajoutera dans l’église latine : "et du Fils" ! Cet ajout fut introduit au temps de Charlemagne, sans l’accord de l’Orient. Tel est le paradoxe : l’Esprit-Saint, qui est Esprit d’unité, devenait un objet de division. A vrai dire, dès 809, Léon III refusa de rendre le Filioque obligatoire et, comme l’atteste une bulle de Benoît XIV (1742), l’église romaine ne fait pas de la non-insertion du Filioque dans le Symbole un camus belli. C’est dans cette tradition de tolérance que s’est placé Jean-Paul II, lors de la célébration du 15ème centenaire de Constantinople I, à la Pentecôte de 1981, en faisant supprimer le Filioque dans le Credo chanté à Saint-Pierre de Rome.

Au-delà des divergences théologiques, légitimes et aujourd’hui clarifiées, il faudrait un acte concret de réconciliation. On a suggéré que, dans un geste d’humilité, les églises d’Occident renoncent à l’insertion du Filioque dans le Symbole, mais que, réciproquement, les Orientaux cessent de le considérer comme une formule hérétique !

L’Esprit-Saint a connu d’autres avatars au fil des siècles. Dans l’écriture, il est davantage connu dans ce qu’il fait que dans ce qu’il est. Or ce qu’il fait n’est pas une oeuvre différente de celle du Christ, tout comme celle du Christ n’est pas différente de celle du Père. C’est la même a.uvre de salut qui se poursuit grâce à l’"Esprit de vérité" (Jn 14, 17), Esprit dont le Christ assure qu’il "restera avec vous pour toujours". Mais il peut aussi être méconnu. Le Christ met en garde : "Le monde est incapable de l’accueillir parce qu’il ne le voit pas et qu’il ne le connaît pas".

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Marcel NEUSCH a.a.
Publié: 21/12/1997