Apprendre à marcher

Julien, 16 mois, apprend à marcher. Depuis bien des semaines ses parents, ses grands-parents, guettent ses premiers pas. Ils attendent de pouvoir s’exclamer : « Ça y est, il marche ! » Pour l’instant il se tient debout appuyé sur une chaise. S’il avance... un vrai chambardement ! Quand, on le sollicite pour avancer, bien droit sur ses deux jambes, en le tenant par la main, il ne se sent pas sûr de lui et la lâche aussitôt pour se retrouver les fesses par terre.

À le voir ainsi faire, je réalise l’importance du temps nécessaire à tout apprentissage. La marche et le langage bien acquis, l’enfant n’en est encore qu’au tout début. Avec beaucoup d’hésitations, d’avancées et de reculs, il lui faudra encore du temps pour apprendre à courir, à travailler, à étudier, à devenir citoyen, homme ou femme, mari ou épouse, parent... ! Julien appartient à la génération de ceux et celles qui seront appelés à changer plusieurs fois de métier au cours de leur existence. Il devra faire des apprentissages successifs pour acquérir de nouvelles compétences.

Les rythmes de la vie sont devenus si rapides, les rapports au temps tellement calculés (on dit bien : le temps, c’est de l’argent) qu’on peut être tenté de ne pas composer avec lui. Les fondations d’une maison sont à peine creusées qu’on voudrait y habiter déjà ! L’impatience nous guette et pourtant nous savons que si nous n’avons pas la sagesse d’attendre, cela peut se retourner contre nous. Que d’enfants, par exemple, passent à côté de leur l’enfance tant ils sont propulsés, dans le monde des "grands" et des problèmes qui ne sont pas de leur âge. C’est ainsi que plus tard des adultes de quarante, quarante-cinq ans en arrivent à vivre l’adolescence qu’on leur a volée.

Notre civilisation industrielle et citadine nous coupe de la nature qui vit, au rythme des saisons, le moment des semailles et celui des germinations, dont nous ne sommes pas les maîtres. « Pour faire un arbre... pour faire un homme, mon Dieu que c’est long ! » avons-nous chanté. Sans s’en douter, Julien, s’exerçant à assurer ses premiers pas me lançait, l’autre soir, une invitation à la patience, au respect du temps. Il faisait devant moi l’éloge de la lenteur. Il me rappelait que, pour avancer, il faut faire, encore et toujours, un pas après l’autre.

Quand nous pensons pouvoir dire de quelque chose : « Ça y est... ça marche », ne serait-il pas bon de s’interroger si cela ne pourrait pas, peut-être, marcher mieux encore si l’on consentait à se donner un peu plus de temps pour observer et réfléchir, c‘est à dire apprendre à progresser ?

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/03/2019