De la Cène à nos célébrations

2000 ans d’évolution

La veille de sa mort, Jésus apprend à ses disciples le geste qui va devenir le signe des chrétiens : désormais, c’est au partage du pain, Corps du Christ, que l’on reconnaîtra les chrétiens ! C’est aussi à ce signe qu’ils se rassembleront.

Au cours des siècles, les chrétiens se sont transmis ce signe et la célébration eucharistique est restée le temps par excellence du rassemblement des chrétiens et cela malgré les formes diverses qu’elle a pu prendre au cours des siècles et dans les différents pays ! Nos reporters ont remonté le temps pour nous faire découvrir l’histoire de l’eucharistie et de la célébration des chrétiens.

« Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : “Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi.” Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : “Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi.” Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu ’il vienne. »

En 56, à Corinthe...

Ce dimanche de l’été 56, un groupe de chrétiens, comme on commence à les appeler, se réunissent dans la maison de Chloé, une commerçante de Corinthe : quelques riches, des pauvres, des adultes, des veuves, des jeunes. Tous ont été marqués par la parole de Paul qui, il y a déjà quelques années, a débarqué à Corinthe. Tous ou presque ont été baptisés dans l’amour de Jésus-Christ et ils se retrouvent là pour un repas, comme le font aussi les Juifs. Mais, pour eux, il ne s’agit plus simplement d’un repas qui permet la rencontre et la prière... pour eux, il s’agit du repas du Seigneur !
Avant de partager le repas terrestre, on va célébrer le Christ ressuscité, en écoutant la parole du Christ qu’ont transmise les apôtres, cette parole qu’on commence à noter de-ci, de-là. Ces courts récits servent bien, car on peut les transmettre de communauté en communauté. Et le “prophète” de la communauté commente et explique le passage choisi. Et puis, tous ils se rappellent que Jésus leur a demandé de partager le pain en mémoire de Lui. Ils redisent les paroles de Jésus, le pain et le vin circulent autour de la table de l’un à l’autre.
Tout de suite après, au cours du repas, va se faire le partage des biens : les plus riches vont aider les plus pauvres ou les veuves, le Christ ne les avait-il pas invités, ce même soir du Jeudi saint à faire de même, en lavant les pieds de ses apôtres.
Et puis, la soirée se termine par des hymnes et des chants au Christ ressuscité...

Au 5e siècle, à Rome...

Les choses ont bien changé ! Les chrétiens ne sont plus minoritaires. Le christianisme vient même d’être reconnu par l’empereur comme religion officielle. On se réunit maintenant dans d’immenses basiliques (chez les Romains, la basilique était la maison du peuple). La basilique est le lieu de rencontre des chrétiens, mais on sépare bien le lieu de rencontre qu’est l’atrium (devant la basilique) et le lieu de célébration à l’intérieur. La table est devenue un autel où le prêtre officie. L’assemblée qui est fort nombreuse se rassemble dans la nef, autour de la chorale qui soutient le chant. Désormais rien n’est trop beau pour Dieu : peintures sur les murs, vêtements liturgiques précieux.

1218, quelque part en France...

Le monde a bien changé... Les chrétiens se réunissent toujours dans les basiliques, on les appelle églises maintenant. Mais ils ne comprennent plus le latin et la messe est devenue un spectacle mystérieux et sacré ! Le prêtre célèbre à voix basse et il tourne le dos au peuple. L’autel n’est plus au centre, il est placé au fond du chœur. Les chrétiens ne communient plus que très rarement, une à trois fois par an. Ce qui importe pour le chrétien, c’est de voir le plus de fois possible le prêtre élever l’hostie pour l’adorer... On dirait
que la messe n’est plus que l’affaire du prêtre !

En 1591...

Toutes ces déviations ont rendu nécessaire une réforme. Plusieurs ont essayé, mais se sont heurtés à des réticences. D’autres ont quitté l’Église et ont formé l’Église protestante. Devant cette situation, les catholiques décident eux aussi de faire une réforme, mais dans cette période de tensions, ils vont plus chercher à accentuer les différences qu’à les aplanir, pour bien marquer ce qui les sépare des protestants. Les protestants célèbrent dans la langue parlée, les catholiques ont gardé le latin ! Les protestants se posent des problèmes quant à la présence réelle de Christ dans l’eucharistie, les catholiques vont sortir faire des processions avec le Saint Sacrement, pour bien montrer que le Christ est présent dans l’eucharistie. Le prêtre se trouve, en définitif, encore plus coupé des laïcs.

En 1756... Versailles

En ce dimanche de juin, la foule est là à l’église St Louis, pour “entendre la messe” ! On y donne la nouvelle messe composée par le compositeur de la cour ! La messe est devenue un spectacle : on assiste à la messe. La musique et le chant ont pris une part démesurée. Le prêtre célèbre au loin, dans un chœur baroque fastueux. Les laïcs, eux, s’occupent à des dévotions qui n’ont souvent rien à voir avec la messe !

En 1988, dans la région des Alpes...

Un samedi de juillet, des Scouts Pionniers sont en camp. Chaque équipe est réunie et prépare, après répartition des rôles, une partie de la célébration qu’ils vont animer demain au village tout proche. Les uns préparent les chants accompagnés à la guitare. Ils ont imprimé une feuille pour que les gens puissent participer. Une autre équipe a pensé l’accueil : tous les gens présents participeront à la constitution d’une fresque rappelant le travail de la semaine.
Après le partage de l’eucharistie, on a prévu un “apéro” pour mieux faire connaissance avec les gens du village.
Le curé est heureux car, le même jour, il devra célébrer trois autres fois, et il se dit : « Heureusement qu’il y a eu le concile Vatican II il y a un peu plus de vingt ans ! » Les célébrations sont de plus en plus prises en charge par les laïcs : ils ne sont plus passifs... et le prêtre s’exprime dans la langue du pays... il a rejoint la foule et célèbre à nouveau face au peuple. Cela favorise le dialogue et la rencontre du prêtre et de la communauté.

Partout sur la terre, des prêtres prononcent les paroles et accomplissent les gestes de Jésus au soir de la Cène

Au Brésil

Dans un quartier populaire, une cabane sert de chapelle. Construite par lui, le peuple s’y réunit en grand nombre le dimanche. La célébration est directe, vivante, on évoque les problèmes de la vie. Le prêtre stimule les chrétiens et redonne force. Le peuple chante et frappe dans les mains mais s’exprime aussi par une foi très populaire entachée parfois de superstitions. On aime s’y retrouver car la rencontre rappelle à chacun le Dieu qui libère et la force vitale de la communauté.

Au Cameroun

En brousse, le père arrive... c’est la foule des grands jours... peu de place dans la grande église bâtie au cœur du village. C’est la fête.
Les tam-tams accompagnent les chants. On a du mal à ne pas s’exprimer avec son corps tant le rythme nous porte dans la prière !

En Inde

Une petite communauté est rassemblée pour l’eucharistie : une table basse installée au centre du groupe sert d’autel. Tous, prêtres et laïcs, sont assis en tailleur. Des chants portés par une musique lancinante montent vers Dieu : les chrétiens prient, en frères, avec les traditions ancestrales de leur pays.
Heureux mariage d’une mystique incomparable et de la fraternité évangélique pas toujours facile dans un pays marqué par le système des castes.

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Alain SCHMITT a.a.

Ancien aumônier des Scouts de France (pionniers)

Publié: 01/06/2018