Les premiers pas

Un dessin de Millet qui a inspiré Van Gogh

A diverses époques, les artistes ont aimé porter leur regard sur les réalités les plus quotidiennes de notre vie. Ainsi, ils font advenir les plus simples gestes et les vies les plus banales au statut d’œuvre d’art.

Nous voici dans le jardin d’une simple maison. Le dessin est de Millet, le peintre du célèbre Angélus.

L’artiste saisit une scène touchante, sans en gommer les réalités besogneuses.

Brouette, bêche, potager… qui a jamais bêché son jardin connaît le poids de fatigue et les membres douloureux.

Quant au linge à laver et à étendre, ici sur la haie du jardin, le progrès nous en a fait oublier le caractère pénible.

Ne nous leurrons pas : l’œuvre d’art n’efface pas la part douloureuse de la vie des hommes. Elle en souligne la réalité et ouvre notre regard sur son éminente dignité.

Ni amoindrie, ni exaltée. Saisie avec réalisme et cœur, la vie d’une famille devient objet de contemplation.

Nous ne savons pas qui sont cet homme et cette femme. S’ils sont époux ou amants, si leur vie est en ordre ou éclatée, paisible ou blessée.

Car ce qui les occupe et les émerveille est aussi ce qui retient notre attention : les premiers pas d’un enfant. Un petit d’homme tout juste émerveillé de voir ses efforts et sa persévérance récompensés. Un petit d’homme qui hésite encore à s’aventurer seul hors du giron maternel. Un petit d’homme qui trouve l’audace de se lancer parce qu’il sait que d’autres bras aimants sont impatients de l’accueillir.
Expérience universelle, autant que la naissance d’un petit, la croissance, l’amour, la mort.

Ce dessin de Millet a été contemplé par un autre artiste qui le reprit. Il s’agit de Van Gogh. Grâce à sa technique vibrante et fraîche, il donne au sujet une dimension nouvelle. Les dominantes de vert, de bleu, de blanc subliment les bases ocres. Ainsi, sans jamais oublier la simplicité du sujet initial, Van Gogh nous invite à nous émerveiller plus encore de ces premiers pas. La vie éclate en une palette tendre et vivifiante.

C’est au cœur de cette vie que nous pouvons contempler les bras des trois personnages.
Ceux du petit enfant, tendus, peut-être apeurés mais confiants.
Ceux de la femme, attentive à soutenir sans décourager.
Ceux de l’homme, tendus sans aucun calcul, pleins de la joie d’accueillir bientôt l’enfant, lui-aussi sans calcul.
Trois paires de bras ouverts.
Aucun calcul, si ce n’est celui de veiller sur le plus faible et de lui permettre de grandir.

Savons-nous préserver la même gratuité dans nos communautés ? Savons-nous contempler la vie qui se présente à nous, en contempler l’éminente dignité voulue par Dieu lui-même ?
Sans doute est-il plus facile de s’émerveiller des premiers pas d’un enfant… certes…
Mais pourtant, n’est-il pas fondamental de faire grandir en nous ce regard d’Evangile qui peut donner à chacun audace et soutien pour marcher en ce monde ?

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Venceslas DEBLOCK

Prêtre du diocèse de Cambrai, responsable de la Commission d’art sacré.

Publié: 01/05/2023