Le dénombrement de Bethléem, de Pieter Brueghel l’Ancien

Peinture de 1566, de Pieter Brueghel, Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles. 115,5 cm x 164,5 cm.
Le sujet en est le recensement, à Bethléem, de Marie et Joseph.

Pieter Brueghel, dit l’Ancien 1527/28-1569

Le nom de Brueghel, de quelque manière qu’il s’écrive, désigne toute une famille de peintres flamands. Pieter Brueghel l’Ancien est le premier et le plus célèbre de la dynastie.
De nombreux moments de sa vie demeurent indéterminés ; ainsi en est-il pour le lieu et la date de sa naissance que l’on situe entre 1525 et 1530. En 1551, il est membre de la Guilde des peintres d’Anvers. Il entreprend un voyage en Italie. A son retour, il se fixe à Bruxelles et se marie tardivement en 1563. Il meurt à Bruxelles en 1569.

Il connaît, de son vivant, un grand succès. Après sa mort ses œuvres sont abondamment copiées (au 16e siècle la copie était une pratique habituelle et reconnue). Ainsi Le Dénombrement de Bethléem est-il souvent reproduit. P. Brueghel lui-même a traité ce thème à 5 reprises. On recense, à ce jour, 14 copies anciennes de cette œuvre.

L’esprit de son œuvre picturale

Certains tableaux sont des reflets des situations de son époque, époque bouillonnante, souvent violente dans les domaines économique, social, politique, religieux. P. Brueghel, certes, rend avec objectivité les détails de la vie quotidienne de son temps. Se mêlant au peuple, il a vécu au milieu de celui-ci les scènes qu’il a ensuite représentées, pittoresques, festives, violentes, joyeuses, douloureuses. Il peint ses contemporains tels qu’ils sont ; il le fait avec réalisme et perspicacité. Mais, au-delà, il veut que ses tableaux évoquent un sens de la grandeur, de l’universel. Ceci est spécialement sensible dans ses tableaux de paysages.

Le dénombrement de Bethléem

Le thème en est le texte de l’évangile selon saint Luc, chapitre 2, versets 1 à 5 () :
« Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ; Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David, pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte... »

Le tableau

P. Brueghel représente l’arrivée de Marie et Joseph à Bethléem, près de l’auberge qui sert de bureau de recensement. Une arrivée qui passe inaperçue. Le couple s’avance au milieu des personnes qui s’adonnent à leurs activités quotidiennes. Les unes attendent leur tour au bureau de recensement, d’autres vaquent à leurs occupations, indifférentes à ce couple.

Relevons quelques activités représentées : la neige est balayée, on se déplace à l’aise sur l’étang gelé car la barrique est prise dans la glace. Des enfants s’amusent : patinage, batailles de boules de neige. Au premier plan, on égorge un porc ; c’est un moment fort important de la vie familiale, qui se situe habituellement en hiver…

C’est au cœur de cet environnement banal et quotidien que s’avance Marie montée sur un âne, accompagnée de Joseph qui marche devant elle, sans la regarder, sans regarder qui que ce soit.

La scène se situe dans un paysage hivernal aux caractéristiques nordiques bien différentes de celles du Moyen-Orient.

Au fond, à droite, un château en ruines,

à gauche une église proche d’un ensemble de maisons.

Un insolite soleil rouge attire le regard, au milieu d’un grand arbre dénudé.

Peut-on proposer une signification à cette peinture ?

A partir du texte évangélique, ce n’est pas une scène religieuse que P. Brueghel propose d’emblée, mais un moment de la vie d’une bourgade rurale. L’élément religieux semble relégué au second plan, sinon totalement occulté.

Faut-il cependant renoncer à chercher une signification religieuse à ce tableau ? Je ne le pense pas.

Le mystère de l’incarnation ?

Le Fils de Dieu s’est fait homme, c’est-à-dire s’est fait un homme, un Juif. Né juif, il a vécu au milieu de ses contemporains juifs, membre du peuple juif, à une époque déterminée.

Ne craignons pas d’humaniser le Fils de Dieu : il y va de la réalité, de la vérité de l’incarnation.

Le regard que porte P. Brueghel sur l’arrivée anonyme de Marie qui va accoucher ne nous dévoile-t-il pas un élément essentiel de la vérité de l’incarnation : le Fils de Dieu est devenu l’un de nous, un homme parmi les hommes ? Ne sommes-nous pas ainsi au cœur de la foi chrétienne ?

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Michel DELVAL

Prêtre du diocèse d’Arras, professeur d’ecclésiologie à la Catho de Lille. (1930-2015)

Publié: 01/12/2023