Sciences, clercs et religieux à la période baroque et révolution scientifique (v. 1600 - 1750)

Le présent compendium contient les noms des clercs ou des membres d’un ordre religieux dont la contribution historique au développement de la culture scientifique semble solidement avérée. Il ne prétend pas être exhaustif, et les informations rassemblées ci-dessous manquent parfois de précision du simple fait de leur concision. Certains des personnages mentionnés ont parfois négligé la théologie au profit des sciences, tandis que d’autres ont parfois fait le choix inverse, et que d’autres encore ont trouvé leur bonheur en parvenant à établir un certain équilibre entre toutes les dimensions de leur vocation.
La notice ci-dessous mentionne rarement ce qu’il en a été pour chacun, et ne cherche à juger personne. Le choix des noms retenus ici, qui se veut aussi objectif que possible, comporte malgré tout inévitablement une part de subjectivité et d’ignorance de la part de l’auteur.
 Ces articles sont publiés avec la permission de l’association Foi-et-Culture-Scientifiquedu diocèse d’Evry. Revue Connaitre- N° 39 - juillet 2013

1. Sciences physico–mathématiques

Le modèle héliocentrique et l’affaire Galilée

En l’année 1600, Giordano Bruno (1548–1600) est condamné et brûlé par l’Inquisition romaine à cause de ses idées philosophiques jugées hérétiques. Bruno a été dominicain avant de quitter l’habit religieux. Bien que sa contribution à la science de son époque apparaisse tout au plus comme marginale, il s’est intéressé aux mathématiques et à l’astronomie. Un autre dominicain dont la philosophie tend vers l’empirisme, Tommaso Campanella (1568–1639), féru d’astrologie, effectue de longs séjours en prison entre 1592 et 1629. Il est condamné successivement par l’Inquisition, les autorités civiles espagnoles de Naples, puis une nouvelle fois par l’Inquisition. Le XVIIe siècle qui s’ouvre ainsi de manière dramatique est aussi celui qui voit en 1633, toujours sous la responsabilité directe de l’Inquisition, la tenue du procès d’un scientifique d’une toute autre envergure que Bruno et Campanella, à savoir Galilée. Après sa condamnation, Galilée, assigné à résidence jusqu’à la fin de sa vie, entreprend un travail de rédaction qui lui permet de s’imposer définitivement comme le fondateur principal de la mécanique moderne, et par là comme le plus grand scientifique de son siècle avec Newton.

Contribution des jésuites

La condamnation de Galilée ternit quelque peu, du moins indirectement, la réputation des jésuites qui comptent dans leurs rangs l’astronome Orazio Grassi (1583–1654), l’un des opposants de Galilée impliqué dans les polémiques ayant préludé à son procès. En 1633, presque tous les jésuites semblent avoir été sincèrement convaincus de la fausseté de la théorie héliocentrique, y compris peut-être Clavius qui toutefois ne s’est pas directement impliqué dans la controverse. Seuls quelques-uns comme vraisemblablement Francesco-Maria Grimaldi (1613–1663), Jean-Baptiste Riccioli (1598–1691), et un peu plus tard certainement Honoré Fabri (1607– 1688), semblent avoir penché en faveur du modèle héliocentrique. Les études récentes de l’historien Annibale Fantoli ont clairement mis en évidence la responsabilité directe du pape Urbain VIII dans la condamnation de Galilée.

Urbain VIII s’était en effet senti personnellement caricaturé, voire trahi, par la parution du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde publié par Galilée en 1632. Galilée demeura intimement persuadé de l’implication des jésuites dans son épreuve ; il s’était habitué à les percevoir comme des « concurrents » sur le plan scientifique et il lui était facile de constater leur réserve, voire leur hostilité vis-à-vis de ses idées nouvelles en astronomie, tout comme leur attitude peu chaleureuse à son propre égard. En réalité cependant, Galilée semble avoir nettement sous-estimé le ressentiment qu’Urbain VIII nourrissait contre lui depuis la publication du Dialogue. Les jésuites, de leur côté, commirent une autre erreur non moins importante : celle de sous-estimer la valeur scientifique de leur contradicteur, autrement dit peut-être, celle de surévaluer quelque peu leurs propres capacités scientifiques... Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que grâce à l’influence du jésuite Roger Boscovich (1711–1787), la censure papale sur le modèle héliocentrique s’efface par étapes progressives.

Malgré ce retard en astronomie, à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, les jésuites s’imposent rapidement comme les meilleurs scientifiques de la Cour de l’empereur de Chine. Affaire Galilée mise à part, la contribution jésuite au progrès des sciences durant la première moitié du XVIIe siècle demeure impressionnante. Les jésuites diffusent des ouvrages techniques dans toute l’Europe, lesquels prennent parfois une envergure encyclopédique, comme dans le cas des travaux de Jean-Baptiste Riccioli (1598–1691), déjà cité plus haut. Rien qu’en mathématiques, depuis la fondation de la Compagnie de Jésus jusqu’à sa suppression en 1773, six cent trente et un jésuites ont publié chacun au moins un ouvrage de géométrie. Parmi les meilleurs jésuites mathématiciens et géomètres figurent François d’Aguilon (1546–1617) dont le traité d’optique illustré par le peintre Rubens inspirera les œuvres ultérieures du peintre, Paul Guldin (1577–1643), Grégoire Saint-Vincent (1584–1667), Jean-Charles de la Faille (1597–1652), André Taquet (1612–1660), Alphonse-Antonio de Sarasa (1618–1667), Claude de Challes (1621–1678) et Vincenzo Riccati (1707–1775).

Deux découvertes fondamentales en physique peuvent aussi être attribuées aux jésuites de la même période : Francesco-Maria Grimaldi (1613–1663), déjà cité plus haut, découvre en 1618 la diffraction optique accompagnée d’interférence ondulatoire, observation qui encourage le jeune français Ignace Pardies (1636–1673) à rechercher une description ondulatoire de la réfraction. Notons que la découverte de Grimaldi a déjà été partiellement faite par le physicien persan Alhazen, initiateur de la théorie corpusculaire de la lumière au XIe siècle. Là où Alhazen interprète la lumière de façon corpusculaire, Grimaldi le fait de façon plus ondulatoire. En 1629, Nicolo Cabeo (1585–1650) découvre un premier phénomène de répulsion électrostatique.

l’objet jamais construit immaginé par Francesco Lana Terzi
« Dieu ne permettra jamais qu’une telle machine soit construite, car tout le monde comprend bien qu’aucune ville ne serait à l’abri d’attaques. Des poids en fer, des boules de feu et des bombes pourraient être lâchées depuis une altitude importante. »

Le conservatisme des jésuites en astronomie ne les empêche pas non plus de se montrer fortement novateurs dans bien d’autres domaines encore. En témoignent les très nombreuses publications d’Athanasius Kircher (1602–1680) qui, malgré (ou peut-être en partie aussi grâce à) leur manque de rigueur, stimulent l’imagination et la créativité des scientifiques du XVIIe siècle. En témoignent aussi les calculs de Francesco Lana Terzi (1631–1687) sur la sustentation en ballon qui préludent aux essais de son confrère Bartolomeu de Gusmão (1685–1779), membre de la Compagnie de Jésus jusqu’en 1701, aux spéculations plus théoriques du dominicain Joseph Galien (1699–1762) et, finalement, aux tentatives couronnées de succès des frères Montgolfier. La construction d’un petit véhicule à propulsion à vapeur par Ferdinand Verbiest (1623–1688) en 1678 (l’objet, décrit dans la revue Astronomica Europea, avait été seulement conçu pour servir de jouet à l’empereur de Chine), ou encore les recherches innovatrices de Girolamo Saccheri (1667–1733) en géométrie non-euclidienne, sont également à mettre au crédit des jésuites de cette époque.
Le travail mathématique de Stephano degli Angeli est cité ci-dessous. Jacques-Philippe Lallemant et Michel le Tellier fondent en 1701 le Journal de Trévoux (sous-intitulé : Mémoires pour servir l’Histoire des Sciences et des Arts), qui sert de forum pour la publication des travaux des jésuites et de leurs amis jusqu’en 1767.

En Italie

D’autres clercs que les jésuites comptent aussi parmi les meilleurs intellectuels de leur temps, dont notamment Fausto Veranzio (1551–1617), Paolo Sarpi (1552–1623), Redento Baranzano (1590–1622), Giambattista Odierna (1597–1660) et Giovanni Alfonso Borelli (1608–1679). Verantius, évêque d’origine croate, publie en 1616 à Venise un livre de Machines Nouvelles présentant des nouveaux types de moulins à vent, funiculaires, ponts, et diverses machines hydrauliques. Autre vénitien, Sarpi, religieux servite, apprend à Galilée la découverte hollandaise des lentilles de verre qui permet à celui–ci d’inventer la lunette astronomique. Baranzano, religieux barnabite, enseigne la physique à Annecy d’une manière favorable à la théorie copernicienne. Cet enseignement est publié en 1617, mais Baranzano se voit contraint d’ajouter à son ouvrage un préambule faisant pratiquement office de rétractation dès 1618. Grâce à l’intervention de l’évêque François de Sales, Baranzano n’est pas sanctionné et peut continuer son enseignement à Annecy. Odierna, sicilien, est un érudit féru d’astrologie auquel on doit aussi des observations concernant ce qu’il baptise des nébuleuses, la diffraction de la lumière par un prisme ou encore la zoologie. Borelli fonde en quelque sorte la biomécanique.

À ces cinq derniers personnages s’ajoutent trois amis de Galilée, à savoir le carme Paolo Antonio Foscarini (1565–1616), précoce défenseur de la théorie copernicienne, le bénédictin Benedetto Castelli (1578–1643) et Magiotti Raffaello (1597–1656). Castelli, scientifique novateur (notamment en hydraulique), a aussi le mérite de savoir former de jeunes scientifiques dont le laïc Evangelista Torricelli, inventeur du baromètre à mercure. L’invention de Torricelli donne lieu à de nombreuses discussions en Europe dans les années suivantes, l’enjeu étant de mieux comprendre la nature du « vide » et de faire le deuil des conceptions aristotéliciennes devenues obsolètes en la matière. Le religieux minime Emmanuel Maignan (1601–1676), qui démontre expérimentalement l’absence de propagation du son dans le vide, contribue au progrès des connaissances sur ce sujet. Castelli contribue également à la formation scientifique du religieux jésuate [1] Bonaventura Cavalieri (1598–1647), mathématicien et géomètre particulièrement estimé de Galilée, ainsi que de Michelangelo Ricci (1619–1682), homme d’Église qui finira cardinal sans avoir jamais été ordonné prêtre. Ricci publie très peu lui- même, mais échange de nombreuses correspondances avec plusieurs mathématiciens européens dont, entre autres, le prêtre belge René de Sluze (1622–1685), qu’il a connu à Rome. Directement influencés par Cavalieri, le jésuite Stephano degli Angeli (1623–1697) et le prêtre Pietro Mengoli (1626–1686) travaillent eux aussi en mathématiques. Les travaux de Mengoli, connus de Wallis et Leibnitz, jouent un certain rôle dans l’histoire de la genèse du calcul infinitésimal. Une génération après Mengoli, les travaux du camaldule (ordre religieux issu des bénédictins) Luigi Guido Grandi (1671–1742) poursuivent la lancée des progrès mathématiques italiens. Grandi participe à la première édition florentine de l’œuvre de Galilée ; il expérimente aussi un moteur à vapeur de sa conception.

En France

L’abbé Nicolas de Peiresc (1580–1637), mécène fortuné intéressé aussi bien par l’astronomie, l’anatomie que par la botanique, soutient financièrement un cercle de savants dont fait partie pendant plusieurs années le prêtre philosophe et physicien Pierre Gassendi (1592–1655). Gassendi s’intéresse à la théorie atomique héritée des grecs et s’efforce de l’insérer dans un cadre philosophique plus moderne d’inspiration chrétienne. Lui-même et Peiresc sont convaincus de bonne heure par les idées de Galilée en astronomie. Après la condamnation de ce dernier, Peiresc écrit à Rome pour demander l’annulation de la peine infligée au savant, hélas en vain. Le prêtre belge Godefroy Wendelin (1580–1667) et son correspondant Peiresc sont les premiers à montrer que la troisième loi de Kepler s’applique aux satellites de Jupiter, confirmant ainsi son caractère universel.
Durant le XVIIe siècle, en plus de Peiresc, deux autres ecclésiastiques français jouent aussi un rôle de « catalyseur » au sein du monde scientifique. Le premier est Marin Mersenne (1588–1688), de l’ordre des frères minimes, qui correspond avec de nombreux scientifiques européens et facilite souvent la publication de leurs travaux. Il compose lui–même, entre autres, un traité d’acoustique et est le premier, suivi par Gassendi, à entreprendre la mesure de la vitesse du son. La contribution à l’astronomie du prêtre Ismaël Boulliau (1605–1694), qui fait partie du cercle se réunissant autour de Mersenne, compte parmi l’une des plus remarquables de l’époque séparant Galilée de Newton. Boulliau montre que, s’il existe une force gravitationnelle s’exerçant sur les astres, celle-ci doit décroître proportionnellement au carré de la distance. Après Mersenne, l’oratorien Nicolas Malebranche (1638–1715) réunit un autre cercle de savants qui acquiert la réputation de constituer le meilleur groupe de mathématiciens français de la fin du XVIIe siècle.
Malebranche, lui-même plus philosophe que mathématicien, joue aussi un rôle historique important dans la diffusion des techniques mathématiques inventées par Descartes. Les écrits de Descartes se trouvent en effet plus ou moins prohibés en France de 1663 à 1720 du fait, entre autres, de l’opposition des jésuites français au cartésianisme. L’un des membres les plus éminents du cercle se réunissant autour de Malebranche est le prêtre mathématicien Pierre Varignon (1654–1722) dont les travaux font référence au delà des frontières françaises.

Outre Peiresc, Mersenne et Malebranche déjà cités, plusieurs autres clercs jouent encore un rôle original au service de la diffusion des idées dans la communauté scientifique francophone : Jean-Baptiste Duhamel (1623–1706) devient secrétaire perpétuel de l’Académie Royale des Sciences à partir de 1666. Jean Gallois (1632–1707) assure de 1666 à 1674 la publication du Journal des Sçavans, sorte de revue scientifique francophone pluridisciplinaire. L’abbé Noël-Antoine Pluche (1688–1761) publie le Spectacle de la Nature, ouvrage de vulgarisation scientifique et « best-seller » européen qui contribue à donner à la jeunesse le goût des sciences. Parmi les astronomes, la France compte notamment le prêtre de Sarlat Jean Tarde (1561–1636) (copernicien, auteur d’une Théorie du Télescope), le prêtre parisien Jean Picard (1620–1682), inspirateur de la fondation de l’Observatoire de Paris, son ami lyonnais Gabriel Mouton (1618–1694), le chartrois Charles-Laurent Cassegrain (1629–1693), inventeur du système de télescope qui porte son nom, Alexandre-Guy Pingré (1711–1793) qui, en lien avec l’Académie des Sciences, part à Haïti observer un transit de Vénus permettant de mesurer plus précisément la distance Terre-Soleil, ou encore l’abbé Nicolas-Louis de Lacaille (1713–1762) qui effectue de nombreuses mesures dans l’hémisphère austral pour le compte de l’Académie des Sciences.
Sur un plan plus technologique, le capucin François-Marie de Paris (1634–1714) invente un photomètre. En horlogerie, l’abbé René-Just Hautefeuille (1647–1724) invente une sorte de ressort spiral utilisé dans les montres (invention revendiquée indépendamment par Hooke et par Huygens).
Jean Truchet (1657–1729), entré chez les Carmes à l’âge de dix-sept ans et plus connu sous le nom de père Sébastien, fournit un grand nombre de modèles de machines pour les filières des tireurs d’or de Lyon, le blanchissage des toiles à Senlis et la fabrique des monnaies.

En Angleterre

Le prêtre anglican Edmond Gunter (1581–1626) invente divers instruments de mesure dont une sorte de règle à calcul. À titre anecdotique, c’est à Gunter que l’on doit le mot « cosinus ». En s’appuyant notamment sur certaines mesures de Gunter, le pasteur calviniste britannique Henry Gellibrand (1597–1636) découvre la dérive séculaire du champ magnétique terrestre. Toujours en Angleterre, un mathématicien de tout premier plan, John Wallis (1616–1703), prêtre anglican, élève du prêtre épiscopalien William Oughtred (1574–1660) auquel on doit l’utilisation du signe « × » pour noter la multiplication, contribue fortement à poser les fondements du calcul infinitésimal. C’est aussi à Wallis que l’on doit l’introduction du symbole mathématique « ∞ » servant à indiquer l’infini. Un autre prêtre anglican, Isaac Barrow (1630–1677), joue un certain rôle dans l’élaboration du calcul infinitésimal, notamment de fait de son influence sur Newton. Barrow intervient en faveur de ce dernier en 1669 pour faire de lui son successeur à la chaire de mathématiques de l’université de Cambridge. En 1660 est fondée la Royal Society, six ans avant l’Académie Royale des Sciences de Paris. Son principal fondateur et premier secrétaire est le futur évêque Chester (anglican) John Wilkins (1614–1672).
Au moins quatre autres prêtres anglicans exercent une influence durable sur le développement des sciences : James Gregory (1638–1675), l’un des meilleurs mathématiciens de son siècle, invente un télescope qui porte son nom. John Flamsteed (1646–1719) excelle dans la fabrication de télescopes et d’instruments de navigation. Il répertorie plus de trois mille étoiles. James Bradley (1693–1762) découvre l’aberration de la lumière, première preuve expérimentale directe de la rotation de la Terre autour du Soleil. Enfin, Thomas Bayes (1702–1761) énonce un théorème de probabilités qui porte désormais son nom.

En Allemagne

Le pasteur luthérien Wilhelm Schickard (1592–1635) invente en 1623 la première machine à calculer, bien avant Blaise Pascal. Le pasteur Kaspar Neumann (1648–1715) est l’un des pionniers germanophones de la démographie statistique. Le bénédictin d’origine écossaise vivant à Erfurt, Andrew Gordon (1712–1751), met au point plusieurs appareils électro-statiques, préparant ainsi les grandes découvertes de l’électromagnétisme qui se succéderont à partir du milieu du XVIIIe siècle. Le pasteur Jacob-Christian Schäffer (1718–1790) invente la première machine à laver, à propos de laquelle il publie en 1767 Die Bequeme und Höchstvortheilhafte Waschmaschine.

D’autres avancées européennes

Le chanoine belge Anselmus de Boodt (1550–1632) (qui n’est pas prêtre) compte parmi les principaux fondateurs de la minéralogie. En thermodynamique, le prêtre français Edme Mariotte (1620–1684) précise les conditions d’application (température constante) de la loi découverte par l’anglais Robert Boyle (1627–1691) pour les gaz parfaits. Le religieux piariste italien Paolo del Buono (1625–1659), membre de l’Académie florentine del Cimento et inventeur de divers instruments serait sans doute parvenu également au même résultat que Boyle et Mariotte s’il avait pu mener jusqu’au bout le programme expérimental qu’il envisageait dans une lettre adressée à son mécène Léopold de Médicis. La loi dite aujourd’hui de Boyle-Mariotte constitue l’un des premiers jalons de l’essor de la science thermodynamique.
En Suède, l’évêque Erik Benzelius le jeune (1675–1743) fonde le premier magazine scientifique de Suède, Acta Literaria Suecia, qui paraît de 1720 à 1739.

Le tchèque Anton Maria Schyrleus de Rheita (1597–1660), capucin puis prêtre diocésain, conçoit un prototype de télescope binoculaire que le capucin Chérubin d’Orléans (1614–1697) construit en France avec succès.
En Pologne et en Russie respectivement, Jan Brozek (1585–1652) (catholique) et Léon Magnitzky (1669–1739) (orthodoxe) permettent à leurs compatriotes d’avoir accès aux développements mathématiques en cours à leur époque.

2. Sciences de la vie

La période baroque est le témoin d’une effervescence scientifique qui concerne aussi les sciences de la vie. Au Danemark, Gaspar Bartholin le vieux (1585–1629), théologien puis chanoine protestant, compose un ouvrage de référence en anatomie et décrit pour la première fois la fonction du nerf olfactif. Le prêtre anglican John Ray (1628–1705) joue un rôle clé dans le développement des sciences naturelles en Grande Bretagne. Il correspond notamment avec son confrère anglican John Banister (1650–1692), envoyé en Amérique par l’évêque de Londres Henry Compton, botaniste lui aussi, pour explorer les ressources botaniques et entomologiques de la Virginie tout en accomplissant son travail religieux de pasteur. Toujours en monde anglophone, le prêtre anglican William Derham (1678–1735) contribue à la diffusion des travaux de John Ray. Son confrère Stephen Hales (1677–1761) est considéré comme l’un des fondateurs de l’étude du fonctionnement des plantes.
Dès la fin du XVIe siècle et jusqu’à la suppression de la Compagnie de Jésus en 1773, de nombreux jésuites s’intéressent à la faune et la flore de l’Amérique du Sud en publiant de précieuses informations. Parmi eux se trouvent notamment Barnabé Cobo, Antonio Ruiz de Montoya, Pedro Lozano, Nicolás del Techo, Martín Dobrizhoffer, Pedro Montenegro, Florián Paucke, Ramón Termeyer, Gaspar Juárez et Tomás Falkner.
Le danois Niels Stenssen (Nicolas Steno) (1638–1686), après s’être distingué très jeune en anatomie, publie un traité de géologie qui fait de lui l’un des fondateurs de cette discipline. Devenu missionnaire catholique et évêque à la fin de sa vie, il est béatifié en 1987.
Charles Plumier (1646–1704), de l’ordre des frères minimes, initié à la botanique par le cistercien italien Paolo Boccone (1633–1707) (lequel compte parmi les naturalistes ayant contribué à l’adoption de la pomme de terre comme légume en Europe), contribue à l’exploration de la faune et la flore des Antilles. Ses illustrations sont remarquablement précises. On lui doit, entre autres, la présentation du fuchsia, du magnolia et du bégonia aux Européens. Le confrère minime de Plumier, Louis Feuillée (1660–1732), qui effectue beaucoup de mesures astronomiques, est aussi botaniste et publie un guide de l’Histoire des Plantes Médicinales répertoriant une centaine de plantes médicinales en provenance du Pérou et du Chili. Le jésuite George-Joseph Camel (ou Kamel) (1661–1706), en l’honneur de qui la fleur du « camélia » a reçu son nom européen, décrit la faune et la flore des Philippines. Le moine et botaniste italien Bruno Tozzi (1656–1743) s’intéresse particulièrement aux champignons, algues, lichens et bryophytes. Le jésuite Pierre-Nicolas le
Chéron d’Incarville (1706–1757) renseigne ses correspondants sur la botanique chinoise.

Les découvertes scientifiques ne sont pas nécessairement toujours austères, comme l’illustre la découverte partiellement accidentelle de la fabrication du champagne par le moine d’origine italienne Dom Pérignoni (? –1716). Les chrétiens protestants ne sont pas en reste car, une cinquantaine d’années plus tard, l’invention du soda est faite par Joseph Priestley (1733–1804), pasteur protestant émigré aux États-Unis. Priestley, dont la philosophie assez proche du matérialisme s’écarte quelque peu de celle des courants protestants traditionnels, compte aussi parmi les premiers scientifiques à avoir isolé l’oxygène, préparant ainsi le terrain aux travaux de Lavoisier.

[1À ne pas confondre avec « jésuite ».

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François BARRIQUAND

Prêtre du diocèse de Créteil, scientifique et sinologue.

Publié: 01/01/2014