3e dimanche de Pâques

1. On comprend les réticences des disciples qui, n’ayant jamais vu revenir un mort sur terre, ont besoin de voir tous les signes qui disent la vie. « Nous avons vu le Christ » avaient dit les onze à Thomas et il ne les a pas crus. Lui, il voulait le toucher. Aujourd’hui Jésus prend un autre chemin. « Avez-vous quelque chose à manger ? » demande aujourd’hui Jésus à ces pêcheurs du lac. Ses disciples. Un repas porte, un repas, un acte essentiel sustentateur de la vie, pour leur signifier qu’il est bien vivant. Pierre y trouvera l’argument indiscutable pour convaincre le centurion Corneille : « Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection. »

2. Les commentateurs de ce récit ont tout de même buté sur le fait que Jésus ait pu demander et manger. Comment, s’est-on demandé, Celui qui n’est plus corporel, qui entre au cénacle toutes portes fermées, qui disparaît de la table des disciples d’Emmaüs sans crier gare, peut-il demander une nourriture corporelle ? Question inutile pour les disciples car l’enseignement, pour, eux est ailleurs. Il tient en peu de mots : Celui qu’ils avaient connu, avec qui ils avaient cheminé, mangé et bu, Celui-là était bien à nouveau avec eux. Celui que Dieu avait relevé d’entre les morts était le même que Celui qu’ils avaient connu sans être le même. Le même sans être le même ! Qu’importe la manière de le dire.

3. « Nous avons mangé et bu avec lui. » Le repas et les invitations à un repas tiennent une grande place, plus que les prières, dans les récits bibliques. Chacun d’eux apporta un plus de vie. Abraham offrit l’hospitalité à ces trois anges et se vit annoncer une nombreuse descendance contre toute attente. Les Hébreux de Moïse virent tomber la manne et leur faim en fut apaisée. Les évangiles ne sont pas en reste. Jésus fut invité à des noces à Cana et le maître de maison assura au marié que plus belle serait la fête. Jésus accepta l’invitation de Simon, le chef des pharisiens. Ce notable qui n’avait pas fait laver les pieds de son hôte, une pratique de l’hospitalité incontournable dans ce pays où l’on marchait pieds-nus, assista au pardon accordé à une fille publique. Le refus de l’invitation de ce maître aux noces de son fils par les invités discourtois le conduisit à inviter les bons comme les mauvais et la salle fut remplie. Il fut l’hôte des sœurs de Lazare qui virent son retour à la vie. Les disciples d’Emmaüs écoutèrent l’inconnu qui les avait rattrapés sur la route de leur désolation et ne le reconnurent à leur table qu’au moment de la fraction du pain. Des repas sustentateurs, incontournables de la vie, les ont tous conduits à un plus de vie.

4. Celui de la Pâque de Jésus avec ses disciples, la Cène, n’eut plus de commune mesure avec eux. Jésus en fit le mémorial du double événement de sa Mort-Résurrection. Le corps et le sang, « ceci est mon corps, ceci est mon sang » y sont évoqués séparément par Jésus pour signifier sa mort. Mais il s’y donne pour qu’ils partagent sa vie : « Prenez et mangez, prenez et buvez. » Dès lors les disciples comprirent que la mort et la vie n’étaient plus des événements s’excluant irrémédiablement. Paul s’est fait un devoir missionnaire de proclamer que la mort n’est pas une porte verrouillée, qu’elle n’a pas le dernier mot de notre histoire mais qu’elle est et sera réécrite à l’encre indélébile en caractères nouveaux.

5. Jésus a demandé à ses disciples, ce soir de pêche, à être leur invité. Aujourd’hui, c’est lui qui nous invite à sa table. Pour que nous l’invitions à la nôtre. Dans le livre de l’Apocalypse, on lit : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai le repas avec lui et lui avec moi. » Il nous faut le méditer. Dans une émission récente consacrée à l’histoire passée des paysans et des paysannes qui vivaient de peu, l’une d’entre elles a rappelé que, bien que nombreux à table, un couvert était toujours ajouté pour qui frapperait à la porte à ce moment-là. Qui, quand, comment ? Il appartient à chacun de le voir passer.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 14/04/2024