Les choix de la liturgie en matière biblique

Résumé d’une intervention orale lors de l’assemblée diocésaine de la catéchèse le 11 septembre 2012 à Saint-Saulve (diocèse de Cambrai).

Antérieur à la Bible : Le projet de Dieu

La Bible n’est pas à proprement un livre sacré qui serait à placer au coeur de notre foi, un peu à la manière de ce que disent les musulmans au sujet du Coran.

Pour le chrétien catholique, ce qu’il y a de premier et de plus central, c’est le dessein de Dieu : Dieu a un projet éternel qui est de créer l’homme et de nouer une alliance immuable avec lui.

Ce projet, il se manifeste par l’Alliance avec Israël (« Ancien Testament ») et s’accomplit avec la venue du Fils de Dieu, Dieu fait homme, qui meurt et ressuscite pour nous (« Nouveau Testament »). La Bible nous fait connaître cette Alliance. Par elle nous découvrons l’œuvre de Dieu accomplie autrefois et nous croyons qu’elle continue à se réaliser aujourd’hui puisque Dieu est fidèle.

La liturgie : Dieu réalise son projet

Mais au fait, comment cette Alliance se réalise-t-elle concrètement pour nous ? Tout simplement dans l’action liturgique. Car la liturgie est l’œuvre de Dieu (« opus Dei ») avant d’être l’œuvre des hommes. Dans la liturgie, l’homme choisit de laisser Dieu agir en lui pour que l’Alliance avec Israël et l’Alliance en Jésus Christ, décrite dans la Bible puisse [1] vraiment se déployer aujourd’hui en lui. La liturgie, c’est l’Alliance de Dieu continuée au présent et concrétisée pour l’Eglise de ce temps.

Célébrer la Parole plutôt que lire la Bible

Dans la liturgie, nous ne nous réunissons donc pas pour lire la Bible (chacun peut le faire chez soi ou dans un groupe de partage) mais pour nous laisser travailler par Dieu qui s’est engagé à façonner en nous un cœur et un esprit nouveaux. Si, néanmoins, nous lisons la Bible dans la liturgie, ça n’est pas pour nous informer de ce qui y est écrit, mais pour célébrer l’Alliance que Dieu ne cesse de nouer avec l’humanité et dont les écrits bibliques constituent le témoignage authentique et inspiré.

Pour la liturgie, la question ne sera donc pas de lire toute la Bible de A à Z, mais de proclamer les textes et récits les plus significatifs de l’Alliance de Dieu avec son peuple en fonction de la nature de la célébration : ainsi, s’il s’agit de célébrer un sacrement précis (ex : le pardon), les textes bibliques choisis parleront plus spécialement du pardon. Ou encore, s’il s’agit de célébrer tel ou tel mystère du Christ, les textes bibliques évoqueront cet aspect de la personne du Seigneur. Cela peut provoquer des surprises : par exemple, pour évoquer l’incarnation du Seigneur, l’Eglise ne nous fera pas seulement lire les textes de la naissance de Jésus à Bethléem ou de la venue des mages, mais elle nous fera également entendre le prologue de saint Jean, le baptême du Seigneur et même les noces de Cana. Car l’objectif n’est pas seulement de raconter des faits, mais d’en donner le sens.

Pourquoi lire encore l’Ancien Testament ?

Peut-être, certains chrétiens seront surpris que la liturgie nous donne à proclamer, à écouter et à célébrer des textes de l’Ancien Testament. Après tout, l’Alliance avec le Christ n’a-t-elle pas tout récapitulé ? Pourquoi donc entendre encore ces vieilles histoires ? La réponse est finalement assez simple et elle tient en un mot : fidélité.

Dieu est fidèle à sa parole, il n’est pas comme les hommes qui changent d’avis comme de chemise et qui renoncent si vite à un engagement. L’Alliance du Nouveau Testament ne vient pas comme un plan B destiné à supplanter l’Alliance avec Israël qui aurait échoué. Aussi, l’Église aime faire entendre les textes de l’Ancien Testament [2] pour montrer en quoi, déjà, on peut y découvrir en filigrane, l’annonce de la venue du Christ. C’est pour cela que la réforme liturgique issue de Vatican II a fait le choix d’inclure pratiquement chaque dimanche, au cours de la messe, un récit de l’Ancien Testament qui est en résonance avec l’Évangile du jour.

Ainsi donc l’Église, dans sa liturgie, fait le choix de tels ou tels textes bibliques. Elle le fait parce que son souci n’est pas d’abord de faire entendre toute la Bible, mais plutôt de mettre l’assemblée en contact avec le Christ. Elle choisit donc les passages bibliques qui favoriseront le mieux cette mise en relation afin que le salut de Dieu communiqué dans les sacrements soit vraiment accueilli par chaque membre de l’assemblée liturgique.

[1Au singulier, car il n’y a qu’une seule Alliance !

[2On remarquera que lorsque l’on parle d’Ancien Testament, on ne veut pas dire “ testament périmé”. Un ancien n’est pas quelqu’un de périmé. Et de même que la venue des petits-enfants n’envoie pas les grands-parents au cimetière, le Nouveau Testament ne rend pas caduque l’Ancien Testament.

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Bertrand ESTIENNE

Prêtre du diocèse de Cambrai, France

Publié: 01/10/2012