L’avenir dans le dos

« A force de se retourner vers le passé, on a l’avenir dans le dos. » Tel est le sens d’un propos tenu, il y a bien quelques années, par un humoriste français. Il me revient à l’esprit en ces temps où beaucoup s’inquiètent du retour d’un certain conservatisme qui affecte les grandes institutions : que ce soit pour les collectivités territoriales en question, pour de multiples réformes sociales qui s’avèrent nécessaires, celle de l’école entre autres, pour le contrôle de la finance par l’Etat et mais aussi pour ce qui affecte l’Eglise catholique aujourd’hui.

Quand des catholiques par exemple veulent le retour de la messe en latin, il est évident que leur regard ne se porte pas sur les jeunes générations qui désertent l’Église mais plutôt sur ce qu’ils ont vécu dans leur enfance. Ils semblent ignorer toute la recherche théologique élaborée au cours des cinquante dernières années post-conciliaires. Quand on lit leurs exigences précises pour la messe en latin saute aux yeux une conception de l’eucharistie qui ne met l’accent que sur la présence réelle et l’adoration. La notion d’assemblée, celle du repas eucharistique qui renvoie au service du frère semblent totalement occultées.

Ce qui me paraît plus grave, au-delà même de la seule question de la messe en latin, c’est bien l’oubli d’autres traditions, celle du pape Paul VI, par exemple, disant déjà en 1964 : « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit... L’Église se fait parole. Elle se fait message. L’Église se fait conversation avec le monde. » Pour quelques syllabes mal agencées, la conversation peut devenir conservation. Des catholiques sont inquiets devant des orientations qui vont puiser dans la tradition d’avant le concile Vatican II. Ils entendent bien qu’aujourd’hui un discernement doit s’opérer entre des sensibilités qui peuvent concourir à la vitalité d’une Église qui s’inscrit dans le temps présent et non dans le retour du passé.

Le "tout engagement chrétien" qui a pu être dominant un temps provoque chez certains le "tout prière adoration". Des ajustements sont nécessaires. Il est aussi vain de critiquer ceux qui s’épanouissent dans des groupes de spiritualité comme s’ils n’étaient pas présents sur le terrain de la charité et du service, que ceux qui se sont investis dans l’engagement social comme s’ils ne vivaient pas une spiritualité fondée sur les gestes de Jésus Sauveur !

Le temps du dialogue, de l’échange, du débat semble venu. Les uns et les autres doivent s’y enrichir avec l’apport de maîtres spirituels d’hier et d’aujourd’hui qui donnent des orientations pour une vie spirituelle contemporaine. On peut relire par exemple Zundel. Il osait dire que le premier article du Credo chrétien c’est pratiquement : « Je crois en l’homme... je crois en Dieu peut n’engager à rien... je crois en l’homme engage à tout. » Ou encore Jean-Marie Ploux, auteur contemporain qui, dans son livre "Dieu n’est pas ce que vous croyez", écrit : « Un Dieu digne de l’homme, un Dieu pour l’homme ne peut être qu’un Dieu qui aide l’homme à devenir plus humain et qui le libère de ce qui, en lui ou en dehors de lui, le déshumanise. » Osons porter nos regards vers l’avenir !

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/03/2009