Habité ou habitué

Quand, avec beaucoup de tact, Christiane évoque des célébrations liturgiques, elle dit percevoir si le célébrant est un « habitué » ou un « habité ». Elle explique comment ces moments sont importants pour elle, essentiels pour sa foi catholique. Elle attend du prêtre et aussi des animateurs laïcs qu’ils ne soient pas de simples acteurs liturgiques, tellement soucieux de la mise en œuvre fidèle du rite, qu’ils peuvent laisser croire qu’ils en oublient sa signification profonde : le rite pour lui-même, ne laissant aucune place à l’implication personnelle.

Cette remarque de Christiane ne peut laisser indifférents, en premier lieu, ceux qui dans la liturgie catholique sont garants de l’accomplissement des rites, prêtres ou laïcs. Les participants eux aussi peuvent s’interroger : quand je participe à une célébration, quelle foi m’anime à ce moment-là ? Suis-je habité d’une présence qui laisse entrevoir une vie spirituelle, une relation vivante avec Dieu qui donne cohérence à mon existence ? Suis-je satisfait de la seule observance de la pratique rituelle ?

Christiane me fait part de ce texte de Charles Péguy : « La mort pour ainsi dire essentielle de l’être est atteinte quand l’être atteint la limite de son habitude, la limite de sa mémoire… Du bois mort c’est du bois extrêmement habitué. Et une âme morte, c’est une âme extrêmement habituée… une âme morte est une âme tout entière envahie de tout fait… »

Le propos de Charles Péguy nous fait quitter l’expérience religieuse. Il vise d’autres pratiques humaines : suis-je, par exemple, un habitué de la relation humaine ? Un bon pratiquant de la technique de l’écoute ? Dans la rencontre de l’autre suis-je habité de ce qui m’anime profondément avec mes convictions, mes sentiments ? Y a-t-il cohérence entre ce que je dis et les sentiments qui m’animent ?
Tout cela ne peut que rendre vivante et authentique une relation humaine au-delà même de la chaleur communicative.

Entre "habité" et "habitué", une seule lettre de différence : deux attitudes très différentes, deux manières de se situer dans une célébration, tout particulièrement à cause des propos de Christiane, autant du côté des acteurs que des participants. Elle attire notre attention sur des risques de dérapage facilement observés dans le discours politique, par exemple, où la langue de bois semble la plus prisée : paroles jetées en l’air, paroles politiquement correctes qui ne rejoignent pas le vécu des auditeurs. La parole liturgique n’est pas qu’informative ; elle crée la réalité de ce qu’elle annonce, elle n’est pas constituée, “toute faite“, comme le dirait Péguy. Elle est constituante, c’est-à-dire une Parole qui nourrit et qui fait grandir pour la rencontre du Christ autant celui qui la prononce que celui qui la reçoit.

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Michel AMALRIC

Prêtre du diocèse d’Albi, chargé de la communication.

Publié: 01/01/2009