Directeur de la publication:
Père Philippe LOUVEAU
Maître des pages:
Jim WANDERSCHEID
Comité de rédaction:
Père Thierry BUSTROS
Olivier JULLIEN DE POMMEROL
Denise PELLETIER

Les évènements graves qui se sont passés jeudi à Jérusalem nous obligent à interrompre le service normal de ce serveur. Avec l'aide de nos correspondants sur place, nous allons essayer de vous tenir au courant quotidiennement des derniers événements.

Sortie vers serveur paroissial normal

Lire les récits de nos correspondants à Jérusalem

Matthieu | Marc | Luc | Jean

Exclusif: Interview de Hanne et de Caïphe

Le commentaire

de Thierry BUSTROS

Avant la fête de la Pâque...

Comme chaque année, tout Jérusalem s'apprête à célébrer l'une des trois grandes fêtes liturgiques obligeant à monter en pèlerinage vers la ville sainte. Autrefois, Dieu a libéré son peuple de la servitude des Egyptiens, c'est la fête de la Pâque. Chacun est invité à se souvenir de cet événement, de cette sortie d'Egypte, et la solennité comporte un repas au cours duquel on mange l'agneau pascal.
Jésus et ses disciples, eux aussi, se préparent à fêter la Pâque. Mais pour lui, cette fête prend un tout autre sens: c'est lui l'agneau immolé, qui délivre l'homme de la servitude du péché et de la mort.

...dans une libre fidélité motivée par l'amour...

Jean ne raconte pas dans le détail tout ce qui se passe durant la dernière soirée de Jésus avec ses disciples. Non, ce qu'il veut, c'est mettre en lumière le sens des événements qui se passeront au cours des journées qui viennent. Jean veut que nous considérions cette soirée comme la réalisation du "passage" dont la sortie d'Egypte n'était qu'une annonce. Ces événements, il veut les mettre sous le signe de l'amour: "Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout." Ce qui motive Jésus, c'est de réaliser la volonté de son Père, mais c'est aussi son amour pour tout être humain. Jésus assume donc en toute liberté ce qui va se passer, dans une libre fidélité à son Père, motivée par son amour pour l'homme.

...Jésus met en pratique un commandement nouveau...

Pour faire percevoir à ses disciples la force de l'amour que Dieu propose, il se met à leur laver les pieds. C'est une action humiliante, que les juifs n'imposent même pas à leurs propres serviteurs. Seuls les païens attendaient de leurs esclaves un tel dévouement. Dieu estime tellement sa créature, il aime tellement l'homme, qu'il se fait son esclave.

...folie pour Pierre, mais sagesse de Dieu...

C'est impensable, c'est fou, et la réaction de Pierre est bien compréhensible. "Ce que je veux faire tu ne le sais pas maintenant...", lui dit Jésus. Au souvenir du passage à travers le désert était joint celui du don de la loi divine, accordée par l'intermédiaire de Moïse. Jésus durant le repas, est celui qui donne aux siens un commandement nouveau, capable de remplacer tous les autres; commandement qui exprime la Sagesse de Dieu: Celui qui veut être le Maître doit d'abord se faire le serviteur de tous. Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.

...et qui, avec le temps, rend l'homme disciple et héritier du Christ...

C'est à la condition d'accepter dès maintenant le geste d'humilité du Christ, qui se met à son service pour le purifier, que Pierre pourra ensuite comprendre et partager la condition du maître, et passer avec lui de la souffrance à la gloire. L'amour qui assume le service le plus humble pour sauver les hommes, c'est cela qui doit être l'attitude du disciple du Seigneur. Une telle attitude rend l'homme porteur de l'Evangile au coeur du monde, en même temps qu'elle lui vaut d'être reconnu comme fils de Dieu, promis à la vie éternelle.

Après une entrée triomphale dans Jérusalem le week-end dernier, ce qui n'a pas plu du tout aux autorités religieuses, Jésus, plus connu sous le nom du "Nazaréen", fait encore parler de lui.

La soirée n'a pas été de tout repos pour Jésus et ses disciples et beaucoup se demandent si ceci est l'assaut final donné par les autorités contre "le provocateur". Alors que la population n'a pas vraiment pris conscience de ce qui se passe, essayons de reconstituer chronologiquement les faits.

Un repas avec ses disciples

Comme nous sommes à quelques jours avant la Pâque, Jésus a réuni ses amis cet après-midi dans les faubourgs de Jérusalem pour célébrer le jour des pains sans levain. Il a envoyé Pierre et Jean, deux de ses fidèles compagnons, chercher un endroit pour manger.

Avant de passer à table, Jésus a donné une nouvelle leçon à ses disciples, en leur lavant les pieds. "Ce geste humiliant, qu'on n'impose même pas aux esclaves, est à comprendre comme une preuve d'amour de Jésus pour ses amis", nous a dit Pierre, que nous avons interrogé à ce sujet.

Jésus a semblé plus préoccupé que d'habitude. Dans la soirée, au cours du repas, il a prononcé des mots qui en disent long sur la suite des événements de la nuit. De source sûre, on nous a informé qu'au cours du repas il prévoyait son arrestation. Il a pris une coupe de vin en disant: "Prenez-la et partagez entre vous. Car je vous déclare: Je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne jusqu'à ce que vienne le règne de Dieu. Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang versé pour vous." Il a pris aussi un bout de pain et le partageant avec ses amis, il a dit: "Ceci est mon corps donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi." Grandes interrogations sur les visages de ses disciples, qui ne comprennent pas vraiment le sens de ces gestes. Mais ils sont habitués à ce que Jésus parle souvent en symboles et partagent le pain et le vin sans questionner. Est-ce que ce visionnaire qu'est Jésus savait ce qui l'attendait?

Le repas s'est poursuivi dans le calme quand soudain, on a appris qu'un complot a été minutieusement préparé contre Jésus. C'est même Jésus qui l'a révélé en disant: "L'un de vous va me livrer, un qui mange avec moi." Jésus connaîtrait donc le traître, où à défaut de savoir qui c'est, aurait été informé qu'un des douze n'est pas loyal? En tout cas, il n'en fallait pas plus pour casser l'ambiance bon enfant du début. Chacun a commencé à convaincre Jésus que ce n'est pas lui et a exprimé sa déception que Jésus puisse penser ainsi d'eux. Pour mettre fin aux cris et discussions, Jésus a finalement désigné le traître: Judas Iscariote, fils de Simon. Stupéfaction générale, car tout le monde connaît Judas depuis longtemps. Jamais ils n'auraient cru que Judas pourrait faire une chose pareille, lui, auquel on avait même confié la caisse commune. Judas n'a pas essayé de nier, mais a quitté la salle immédiatement.

Soirée au Mont des Oliviers

Après le repas, ils sont sortis pour aller, comme d'habitude, au Mont des Oliviers. Jésus a continué de discuter avec eux de loyauté et de fidélité. Les discussions ont été parfois véhémentes, surtout quand Pierre a pris la parole. Ce solide pêcheur, droit dans ces bottes, ne se laisse pas si facilement convaincre et il a fini par s'opposer directement en disant: "Même si tous tombent, eh bien, pas moi!" Mais Jésus non plus, n'a pas envie de céder ce soir-là, car la réplique est venue immédiatement: "Tu me renieras cette nuit-même!"

Un peu plus loin, dans le domaine de Gethsémani, au-delà du torrent de Cédron, Jésus s'est écarté un peu de ses disciples pour prier. D'après Pierre, Jacques et Jean, qui l'ont suivi, il s'est laissé tomber par terre en invoquant le Père de l'aider. Ses disciples l'ont laissé tranquille et se sont installés pour essayer de dormir un peu. Mais plusieurs fois, Jésus est revenu les réveiller en leur demandant de veiller. Sans succès d'ailleurs, tout le monde est trop fatigué ce soir.

Soudain, le calme a été rompu. Judas Iscariote est revenu. Et pas seul, cette fois-ci. Il était à la tête d'un commando recruté par les grand-prêtres et les pharisiens. Une troupe considérable, cagoulée, avec torches et armes. Judas s'est approché pour saluer Jésus et immédiatement, les soldats se sont emparés de lui.

Réveillés par le bruit, les disciples sont arrivés en courant. Pierre a sorti son glaive et a tenté de s'opposer. Il y a eu une brève bagarre entre les soldats et les disciples, tandis que Jésus attendait. Dans la mêlée, Malchus, serviteur du grand prêtre, a été blessé à la tête. C'en était trop pour Jésus, qui est intervenu alors et les a appelé au calme.

Blasphème durant l'audience

Ligoté, Jésus a été conduit sous escorte chez Hanne, le beau-père du grand-prêtre Caïphe, tandis que ses disciples ont provisoirement été laissés en liberté. Personne, sauf Pierre (encore lui), n'a suivi le commando en ville.

Au cours de la nuit a commencé l'interrogatoire de Jésus. Dans la salle d'audience numéro 4 du palais, à moitié remplie, 23 témoins à charge ont été appelés à la barre par les avocats de la partie civile. Beaucoup se sont contredits, de sorte que tout laisse à croire que pas mal de faux témoignages ont été faits. Les spectateurs, peu nombreux d'ailleurs, se sont demandés à qui peut bien profiter cette mascarade d'interrogatoire.

Jésus, assis dans le box des accusés avec un garde de chaque côté, avait l'air fatigué. Autre irrégularité, aucun avocat n'était près de lui. Renseignements pris, il paraît que vu l'heure avancée, aucun avocat n'ait pu être trouvé pour la défense. Sous ces conditions, on comprend aisément que Jésus ait refusé de répondre aux accusations portées contre lui.

Caïphe, avec sa stature imposante, était calme au début de la séance. Mais petit à petit, devant le silence de Jésus, il a perdu patience et a commencé à le stresser de plus en plus. Finalement il est arrivé à arracher quelques mots de l'accusé. Sur la question: "Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni?", Jésus a répondu: "Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout Puissant et venant avec les nuées du ciel." Toute la salle s'est levée et a commencé à crier d'indignation. Dans le vacarme, la voix du président de la cour n'était plus audible. Les policiers présents ont tenté en vain de rétablir l'ordre. Finalement, il y a eu interruption de séance et la salle a été évacuée.

Une heure plus tard, on a appris que Jésus a été mis-en-examen pour blasphème et écroué à la prison du palais, dans le bloc de haute sécurité. Les spectateurs, qui ont attendu soit dehors, soit dans les couloirs, ne l'ont plus vu cette nuit. Il a quitté la salle d'audience par un autre accès pour échapper à la foule.

Pierre, quand à lui, s'est réchauffé dans la cour. Plusieurs personnes l'ont reconnu comme un des disciples de Jésus. Mais il a nié connaître le Nazaréen, avant de s'enfuir dans la ville.

Voilà tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle des événements de la journée. Il est évident que dès que d'autres nouvelles nous parviendront, nous vous informerons immédiatement.

Photos: © Vanni Tealdi

Jim WANDERSCHEID

Interview de Hanne et de Caïphe

Entretiens réalisés par
Olivier JULLIEN DE POMMEROL

Hanne et Caïphe ont accepté de s'entretenir avec Olivier Jullien de Pommerol, après les événements. Découvrez leur commentaire de ce qui s'est passé en exclusivité sur notre serveur.

  • Quel est votre sentiment ce soir, après l'arrestation de Jésus?

    HANNE: Moi, Hanne, grand prêtre, beau-père de Caïphe, président actuel du sanhédrin [Cour suprême de la Palestine, n.d.l.r.], je suis content! II y a des mois que ce Nazaréen nous gène, le voici enfin devant moi. L'agitation se faisait sentir de partout, même de très loin: Même Saül, notre représentant à Tarse nous a envoyé ses cousins Andronique et Junias pour nous demander des explications sur lui, nous avons déjà tenu un conseil pour y réfléchir.

    CAÏPHE: Oui, j'en ai même conclu: "Il vaut mieux qu'un seul homme meurt pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière".

  • Jésus ne s'est pas opposé à l'arrestation: A-t-il abandonné le combat qu'il livrait contre vous?

    HANNE: On a bien manoeuvré... Il valait bien 30 deniers! Enfin, je l'ai sous les yeux, cet agitateur! Je l'ai interrogé, il me faut des aveux. Mais quel toupet, quelle insolence, impossible d'obtenir quoi que ce soit. Il a même osé dire: "C'est au grand jour que j'ai parlé au monde, j'ai toujours enseigné à la synagogue et dans le temple où tous les juifs s'assemblent." ... Caïphe va lui faire un beau procès.

  • Beaucoup se demandent: Pourquoi cette arrestation? Ne fallait-il pas plutôt arriver à un accord par la négociation?

    CAÏPHE: De quel droit cet homme vient-il troubler notre actuelle tranquilité? La Loi, ici, c'est nous! Les romains nous laissent libres de gérer nos villes: le calme doit y régner si nous voulons garder nos pouvoirs.
    Il prêche la révolte, nous avons des tas de témoins: "...il a transformé l'eau en vin...", "...il s'est laissé parfumer les pieds par un pécheresse...", "...il a guéri un paralysé le jour du sabbat...", "...il a été manger chez un collecteur d'impôts...", "...il a parlé à une samaritaine...", "...Mathieu, un de sa bande, est lui-même collecteur d'impôts...", "...on dit qu'il a ressuscité Lazare...", "...on affirme qu'il pardonne les péchés..."
    Ce n'est pas tout, il parle et enseigne dans le temple! Comment voulez-vous que l'ordre soit respecté? Il a même déclaré: "Je détruirai ce temple fait de main d'homme et en trois jours, j'en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme."
    Pour qui se prend-il? Mais, à ces extravagants témoignages, il ne répond rien. Mais finalement, j'ai eu l'idée géniale: je lui ai posé la vraie et seule bonne question: "Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le fils de Dieu?" Il a eu le toupet de me répondre: "Tu l'as dit."
    Et voila! Il se prend pour Dieu, il blasphème... Le pire des crimes devant la loi juive. Seule la mort peut venger Dieu. Il ne reste plus qu'à obtenir la ratification du gouverneur romain. Pilate a tellement peur d'une révolution, il n'y aura qu'à lui dire qu'il veut prendre le pouvoir comme "roi des juifs" et l'affaire est dans le sac...