Après une entrée triomphale dans Jérusalem le week-end dernier, ce qui n'a pas plu du tout aux autorités religieuses, Jésus, plus connu sous le nom du "Nazaréen", fait encore parler de lui.
La soirée n'a pas été de tout repos pour Jésus et ses disciples et beaucoup se demandent si ceci est l'assaut final donné par les autorités contre "le provocateur". Alors que la population n'a pas vraiment pris conscience de ce qui se passe, essayons de reconstituer chronologiquement les faits.
Un repas avec ses disciples
Comme nous sommes à quelques jours avant la Pâque, Jésus a réuni ses amis cet après-midi dans les faubourgs de Jérusalem pour célébrer le jour des pains sans levain. Il a envoyé Pierre et Jean, deux de ses fidèles compagnons, chercher un endroit pour manger.

Avant de passer à table, Jésus a donné une nouvelle leçon à ses disciples, en leur lavant les pieds. "Ce geste humiliant, qu'on n'impose même pas aux esclaves, est à comprendre comme une preuve d'amour de Jésus pour ses amis", nous a dit Pierre, que nous avons interrogé à ce sujet.
Jésus a semblé plus préoccupé que d'habitude. Dans la soirée, au cours du repas, il a prononcé des mots qui en disent long sur la suite des événements de la nuit. De source sûre, on nous a informé qu'au cours du repas il prévoyait son arrestation. Il a pris une coupe de vin en disant: "Prenez-la et partagez entre vous. Car je vous déclare: Je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne jusqu'à ce que vienne le règne de Dieu. Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang versé pour vous." Il a pris aussi un bout de pain et le partageant avec ses amis, il a dit: "Ceci est mon corps donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi." Grandes interrogations sur les visages de ses disciples, qui ne comprennent pas vraiment le sens de ces gestes. Mais ils sont habitués à ce que Jésus parle souvent en symboles et partagent le pain et le vin sans questionner. Est-ce que ce visionnaire qu'est Jésus savait ce qui l'attendait?
Le repas s'est poursuivi dans le calme quand soudain, on a appris qu'un complot a été minutieusement préparé contre Jésus. C'est même Jésus qui l'a révélé en disant: "L'un de vous va me livrer, un qui mange avec moi." Jésus connaîtrait donc le traître, où à défaut de savoir qui c'est, aurait été informé qu'un des douze n'est pas loyal? En tout cas, il n'en fallait pas plus pour casser l'ambiance bon enfant du début. Chacun a commencé à convaincre Jésus que ce n'est pas lui et a exprimé sa déception que Jésus puisse penser ainsi d'eux. Pour mettre fin aux cris et discussions, Jésus a finalement désigné le traître: Judas Iscariote, fils de Simon. Stupéfaction générale, car tout le monde connaît Judas depuis longtemps. Jamais ils n'auraient cru que Judas pourrait faire une chose pareille, lui, auquel on avait même confié la caisse commune. Judas n'a pas essayé de nier, mais a quitté la salle immédiatement.
Soirée au Mont des Oliviers
Après le repas, ils sont sortis pour aller, comme d'habitude, au Mont des Oliviers. Jésus a continué de discuter avec eux de loyauté et de fidélité. Les discussions ont été parfois véhémentes, surtout quand Pierre a pris la parole. Ce solide pêcheur, droit dans ses bottes, ne se laisse pas si facilement convaincre et il a fini par s'opposer directement en disant: "Même si tous tombent, eh bien, pas moi!" Mais Jésus non plus, n'a pas envie de céder ce soir-là, car la réplique est venue immédiatement: "Tu me renieras cette nuit-même!"
Un peu plus loin, dans le domaine de Gethsémani, au-delà du torrent de Cédron, Jésus s'est écarté un peu de ses disciples pour prier. D'après Pierre, Jacques et Jean, qui l'ont suivi, il s'est laissé tomber par terre en invoquant le Père de l'aider. Ses disciples l'ont laissé tranquille et se sont installés pour essayer de dormir un peu. Mais plusieurs fois, Jésus est revenu les réveiller en leur demandant de veiller. Sans succès d'ailleurs, tout le monde est trop fatigué ce soir.

Soudain, le calme a été rompu. Judas Iscariote est revenu. Et pas seul, cette fois-ci. Il était à la tête d'un commando recruté par les grand-prêtres et les pharisiens. Une troupe considérable, cagoulée, avec torches et armes. Judas s'est approché pour saluer Jésus et immédiatement, les soldats se sont emparés de lui.
Réveillés par le bruit, les disciples sont arrivés en courant. Pierre a sorti son glaive et a tenté de s'opposer. Il y a eu une brève bagarre entre les soldats et les disciples, tandis que Jésus attendait. Dans la mêlée, Malchus, serviteur du grand prêtre, a été blessé à la tête. C'en était trop pour Jésus, qui est intervenu alors et les a appelés au calme.
Blasphème durant l'audience
Ligoté, Jésus a été conduit sous escorte chez Hanne, le beau-père du grand-prêtre Caïphe, tandis que ses disciples ont provisoirement été laissés en liberté. Personne, sauf Pierre (encore lui), n'a suivi le commando en ville.
Au cours de la nuit a commencé l'interrogatoire de Jésus. Dans la salle d'audience numéro 4 du palais, à moitié remplie, 23 témoins à charge ont été appelés à la barre par les avocats de la partie civile. Beaucoup se sont contredits, de sorte que tout laisse à croire que pas mal de faux témoignages ont été faits. Les spectateurs, peu nombreux d'ailleurs, se sont demandé à qui peut bien profiter cette mascarade d'interrogatoire.
Jésus, assis dans le box des accusés avec un garde de chaque côté, avait l'air fatigué. Autre irrégularité, aucun avocat n'était près de lui. Renseignements pris, il paraît que vu l'heure avancée, aucun avocat n'ait pu être trouvé pour la défense. Sous ces conditions, on comprend aisément que Jésus ait refusé de répondre aux accusations portées contre lui.
Caïphe, avec sa stature imposante, était calme au début de la séance. Mais petit à petit, devant le silence de Jésus, il a perdu patience et a commencé à le stresser de plus en plus. Finalement il est arrivé à arracher quelques mots de l'accusé. Sur la question: "Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni?", Jésus a répondu: "Je le suis, et vous verrez le Fils de l'homme siéger à la droite du Tout Puissant et venant avec les nuées du ciel." Toute la salle s'est levée et a commencé à crier d'indignation. Dans le vacarme, la voix du président de la cour n'était plus audible. Les policiers présents ont tenté en vain de rétablir l'ordre. Finalement, il y a eu interruption de séance et la salle a été évacuée.
Une heure plus tard, on a appris que Jésus a été mis-en-examen pour blasphème et écroué à la prison du palais, dans le bloc de haute sécurité. Les spectateurs, qui ont attendu soit dehors, soit dans les couloirs, ne l'ont plus vu cette nuit. Il a quitté la salle d'audience par un autre accès pour échapper à la foule.
Pierre, quand à lui, s'est réchauffé dans la cour. Plusieurs personnes l'ont reconnu comme un des disciples de Jésus. Mais il a nié connaître le Nazaréen, avant de s'enfuir dans la ville.
Voilà tout ce qu'on peut dire à l'heure actuelle des événements de la journée. Il est évident que dès que d'autres nouvelles nous parviendront, nous vous informerons immédiatement.
Photos: Vanni TEALDI
Interview de Hanne et de Caïphe
Entretiens réalisés par
Josué GÉDONIM
Hanne et Caïphe ont accepté de s'entretenir avec Josué GÉDONIM, après les événements. Découvrez leur commentaire de ce qui s'est passé en exclusivité sur notre serveur.
Quel est votre sentiment ce soir, après l'arrestation de Jésus ?
HANNE: Moi, Hanne, grand prêtre, beau-père de Caïphe, président actuel du sanhédrin [Cour suprême de la Palestine, n.d.l.r.], je suis content ! Il y a des mois que ce Nazaréen nous gêne, le voici enfin devant moi. L'agitation se faisait sentir de partout, même de très loin : Même Saul, notre représentant à Tarse nous a envoyé ses cousins Andronique et Junias pour nous demander des explications sur lui, nous avons déjà tenu un conseil pour y réfléchir.
CAïPHE: Oui, j'en ai même conclu :
« Il vaut mieux qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière. »
Jésus ne s'est pas opposé à l'arrestation : A-t-il abandonné le combat qu'il livrait contre vous ?
HANNE: On a bien manoeuvré... Il valait bien 30 deniers! Enfin, je l'ai sous les yeux, cet agitateur ! Je l'ai interrogé, il me faut des aveux. Mais quel toupet, quelle insolence, impossible d'obtenir quoi que ce soit. Il a même osé dire :
« C'est au grand jour que j'ai parlé au monde, j'ai toujours enseigné à la synagogue et dans le temple où tous les juifs s'assemblent. » ... Caïphe va lui faire un beau procès.
Beaucoup se demandent: Pourquoi cette arrestation ? Ne fallait-il pas plutôt arriver à un accord par la négociation ?
CAïPHE: De quel droit cet homme vient-il troubler notre actuelle tranquillité ? La loi, ici, c'est nous ! Les romains nous laissent libres de gérer nos villes : le calme doit y régner si nous voulons garder nos pouvoirs.
Il prêche la révolte, nous avons des tas de témoins : il a transformé l'eau en vin, il s'est laissé parfumer les pieds par un pécheresse, il a guéri un paralysé le jour du sabbat, il a été manger chez un collecteur d'impôts, il a parlé à une samaritaine, Matthieu, un de sa bande, est lui-même collecteur d'impôts, on dit qu'il a ressuscité Lazare, on affirme qu'il pardonne les péchés...
Ce n'est pas tout, il parle et enseigne dans le temple ! Comment voulez-vous que l'ordre soit respecté ? Il a même déclaré :
« Je détruirai ce temple fait de main d'homme et en trois jours, j'en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme. »
Pour qui se prend-il ? Mais, à ces extravagants témoignages, il ne répond rien. Mais finalement, j'ai eu l'idée géniale : je lui ai posé la vraie et seule bonne question:
« Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le fils de Dieu ? » Il a eu le toupet de me répondre :
« Tu l'as dit. »
Et voila ! Il se prend pour Dieu, il blasphème... Le pire des crimes devant la loi juive. Seule la mort peut venger Dieu. Il ne reste plus qu'à obtenir la ratification du gouverneur romain. Pilate a tellement peur d'une révolution, il n'y aura qu'à lui dire qu'il veut prendre le pouvoir comme roi des juifs et l'affaire est dans le sac.
Jésus et ses disciples, eux aussi, se préparent à fêter la Pâque. Mais pour lui, cette fête prend un tout autre sens: c'est lui l'agneau sacrifié, qui délivre l'homme du péché et de la mort.