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Numéro(s) recherché(s): Dignitatis Humanae 9-14

Dignitatis Humanae9La liberté religieuse à la lumière de la Révélation

La doctrine de la liberté religieuse a ses racines dans la Révélation

Ce que ce Concile du Vatican déclare sur le droit de l'homme à la liberté religieuse a pour fondement la dignité de la personne, dont, au cours des temps, l'expérience a manifesté toujours plus pleinement les exigences. Qui plus est, cette doctrine de la liberté a ses racines dans la Révélation divine, ce qui, pour les chrétiens, est un titre de plus à lui être saintement fidèles. En effet, bien que la révélation n'affirme pas explicitement le droit à l'immunité de toute contrainte extérieure dans le domaine religieux, elle découvre dans toute son ampleur la dignité de la personne humaine, elle montre en quel respect le Christ a tenu la liberté de l'homme dans l'accomplissement de son devoir de croire à la parole de Dieu, et elle nous enseigne de quel esprit doivent se pénétrer dans leur action les disciples d'un tel Maître. Tout cela met bien en relief les principes généraux sur lesquels se fonde la doctrine de cette déclaration sur la liberté religieuse. Et tout d'abord, la liberté religieuse dans la société est en plein accord avec la liberté de l'acte de foi chrétienne.
Dignitatis Humanae10Liberté de l'acte de foi

C'est un des points principaux de la doctrine catholique, contenu dans la parole de Dieu et constamment enseigné par les Pères (1), que la réponse de foi donnée par l'homme à Dieu doit être volontaires; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré lui (2). Par sa nature même, en effet, l'acte de foi a un caractère volontaire puisque l'homme, racheté par le Christ Sauveur et appelé par Jésus Christ à l'adoption filiale (3), ne peut adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père (4), il met raisonnablement et librement sa foi en Dieu. Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu'en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes. Partant, un régime de liberté religieuse contribue, de façon notable, à favoriser un état de choses dans lequel l'homme peut être sans entrave invité à la foi chrétienne, peut l'embrasser de son plein gré et la confesser avec ferveur par toute sa vie.
(1) Lactantius, Divinarum Institutionum, Lib. V, 19: CSEL 19, pp. 463-464; PL 6, 614-616 (cap 20).; St Ambroise, Epistola ad Valentianum Imp., Ep. 21: PL 16, 1005.; St Augustin, Contra litteras Petiliani, Lib. II, cap. 83: CSEL 52, p. 112; PL 43, 315; cf. C. 23, q. 5, c. 33 (ed. Friedberg, col. 939); idem, Epistola ad Virgilium et Theodorum Episcopos Massialiae Gallariarum, Registrum Epistolarum, I, 45: MGH Ep.1 p.72; PL 77, 510-511 (lib.I, ep. 47); idem, Epistola ad Ioannem Episcopum Constantinopolitanum, Registrum Epistolarum. III, 52: MGH Ep. 1, p. 210; PL 77, 649 (lib. III, ep. 53); cf. D. 45, C. 1 (ed. Friedberg, col. 160); Conc. Tolet. IV, c. 57: Mansi 10, 633; cf. D. 45, c. 5 (ed. Friedberg, col. 161-162).; Clément III, X, V, 6, 9: (ed. Friedberg, col. 774).; Innocent III, Epistola ad Arelatensem Archiepiscopum, X, III, 42, 3: (ed. Friedberg, col. 646).
(2) CIC, c. 1351.; Pie XII, Allocutio ad Praelatos auditores caeterosque officiales et administras Tribunalis S. Romanare Rotae, 6/10/1946: AAS 38 (1946), p. 394. Idem, encycl. Mystici Corporis, 29/06/1943: AAS 35 (1943), p. 243.
(3) Ep 1,5.
(4) Jn 6,44.
Dignitatis Humanae11Manière d'agir du Christ et des apôtres

Dieu, certes, appelle l'homme à le servir en esprit et en vérité; si cet appel oblige l'homme en conscience, il ne le contraint donc pas. Dieu, en effet, tient compte de la dignité de la personne humaine qu'il a lui-même créée et qui doit se conduire selon son propre jugement et user de la liberté. Cela est apparu au plus haut point dans le Christ Jésus; en qui Dieu s'est manifesté lui-même pleinement et a fait connaître ses voies. Le Christ, en effet, notre Maître et Seigneur (1) doux et humble de coeur (2) a invité et attiré les disciples avec patience (3). Certes, il a appuyé et confirmé sa prédication par des miracles, mais c'était pour susciter et fortifier la foi de ses auditeurs, non pour exercer sur eux une contrainte (4). Il est vrai encore qu'il a reproché leur incrédulité à ceux qui l'entendaient, mais c'est en réservant à Dieu le châtiment au jour du jugement (5). Lorsqu'il a envoyé ses apôtres dans le monde, il leur a dit: "Celui qui aura cru et aura été baptisé, sera sauvé; mais celui qui n'aura pas cru sera condamné" (Marc 16,16). Mais, reconnaissant que de l'ivraie avait été semée avec le froment, il ordonna de les laisser croître l'un et l'autre jusqu'à la moisson, qui aura lieu à la fin des temps (6). Ne se voulant pas Messie politique dominant par la force (7), il préféra se dire Fils de l'Homme, venu "pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mc 10,45). Il se montra le parfait Serviteur de Dieu (8), qui "ne brise pas le roseau froissé et n'éteint pas la mèche qui fume encore" (Mt 12,20). Il reconnut le pouvoir civil et ses droits, ordonnant de payer le tribut à César, mais en rappelant que les droits supérieurs de Dieu doivent être respectés: "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu" (Mt 22,21). Enfin, en achevant sur la croix l'oeuvre de la rédemption qui devait valoir aux hommes le salut et la vraie liberté, il a parachevé sa révélation. Il a rendu témoignage à la vérité (9), mais il n'a pas voulu l'imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume, en effet, ne se défend pas par l'épée (10), mais il s'établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s'étend grâce à l'amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes (11).

Instruits par la parole et l'exemple du Christ, les apôtres suivirent la même voie. Aux origines de l'Eglise, ce n'est pas par la contrainte ni par des habilités indignes de l'Evangile que les disciples du Christ s'employèrent à mener les hommes à confesser la Christ comme Seigneur, mais avant tout par la puissance de la parole de Dieu (12). Avec courage, ils annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur "qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1 Tm 2,4); mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l'erreur, leur attitude était faite de respect, manifestant ainsi comment "chacun d'entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même" (Rm 14,12) (13), et, par conséquent, est tenu d'obéir à sa propre conscience. Comme le Christ, les apôtres s'appliquèrent toujours à rendre témoignage à la vérité de Dieu, pleins d'audace pour "annoncer la parole de Dieu avec assurance" (Ac 4,31) (14) devant le peuple et ses chefs. Une foi inébranlable leur faisait en effet tenir l'Evangile comme étant en toute vérité une force de Dieu pour le salut de tous les croyants (15). Rejetant donc toutes les "armes charnelles" (16), suivant l'exemple de douceur et de modestie donné par le Christ, ils prêchèrent la parole de Dieu avec la pleine assurance qu'elle était une force divine capable de détruire les puissances opposées à Dieu (17) et d'amener les hommes à croire dans le Christ et à le servir (18). Comme leur Maître, les apôtres reconnurent, eux aussi, l'autorité civile légitime: "Que chacun se soumette aux autorités en charge... Celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu" (Rm 13,1-2) (19). Mais, en même temps, ils ne craignent pas de s'opposer au pouvoir public qui s'opposait lui-même à la sainte volonté de Dieu: "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (Ac 5,29) (20). Cette voie, d'innombrables martyrs et fidèles l'ont suivie en tous temps et en tous lieux.
(1) Jn 13,13.
(2) Mt 11,29.
(3) Mt 11,28-30; Jn 6,67-68.
(4) Mt. 9,28-29; Mc 9,23-24;6,5-6.; Paul VI, encycl. Ecclesiam suam, 6/8/1964: AAS 56 (1964), pp. 642-643.
(5) Mt 11,20-24; Rm 12,19-20; 2 Th 1,8.
(6) Mt 13,30.40-42.
(7) Mt 8-10; Jn 6,15.
(8) Es 42,1-4.
(9) Jn 18,37.
(10) Mt 26,51-53; Jn 18,36.
(11) Jn 12,32.
(12) 1 Co 2,3-5; 1 Th 2,3-5.
(13) Rm 14,1-23; 1 Co 8,9-13;10,23-33.
(14) Ep 6,19-20.
(15) Rm 1,16.
(16) 2 Co 10,4; 1 Th 5,8-9.
(17) Ep 6,11-17.
(18) 2 Co 10,3-5.
(19) 1 P 2,13-17.
(20) Ac 4,19-20.
Dignitatis Humanae12L'Eglise marche sur les pas du Christ et des apôtres

L'Eglise, donc, fidèle à la vérité de l'Evangile, suit la voie qu'ont suivie le Christ et les apôtres lorsqu'elle reconnaît le principe de la liberté religieuse comme conforme à la dignité de l'homme et à la révélation divine, et qu'elle encourage une telle liberté. Cette doctrine, reçue du Christ et des apôtres, elle l'a, au cours des temps, gardée et transmise. Bien qu'il y ait eu parfois dans la vie du peuple de Dieu, cheminant à travers les vicissitudes de l'histoire humaine, des manières d'agir moins conformes, bien plus même contraires à l'esprit évangélique, l'Eglise a cependant toujours enseigné que personne ne peut être amené par contrainte à la foi.

Ainsi, le ferment évangélique a-t-il longtemps agi dans l'esprit des hommes et beaucoup contribué à faire reconnaître plus largement, au cours des temps, la dignité de la personne humaine, et à faire mûrir la conviction qu'en matière religieuse cette personne doit, dans la cité, être exempte de toute contrainte humaine.
Dignitatis Humanae13Liberté de l'Eglise

Parmi les choses qui concernent le bien de l'Eglise, voire le bien de la cité terrestre elle-même, et qui, partout et toujours, doivent être sauvegardées et défendues contre toute atteinte, la plus importante est certainement que l'Eglise jouisse de toute la liberté d'action dont elle a besoin pour veiller au salut des hommes (1). Elle est sacrée, en effet, cette liberté dont le Fils unique de Dieu a doté l'Eglise qu'il a acquise de son sang. Elle est si propre à l'Eglise que ceux qui la combattent agissent contre la volonté de Dieu. La liberté de l'Eglise est un principe fondamental dans les relations de l'Eglise avec les pouvoirs publics et tout l'ordre civil.

Dans la société humaine et devant tout pour voir oublic, l'Eglise revendique la liberté en tant qu'autorité spirituelle, instituée par le Christ Seigneur et chargée par mandat divin d'aller par le monde entier prêcher l'Evangile à toute créature (2). L'Eglise revendique également la liberté en tant qu'elle est aussi une association d'hommes ayant le droit de vivre dans la société civile selon les préceptes de la foi chrétienne (3).

Dès lors, là où existe un régime de liberté religieuse, non seulement proclamée en paroles ou seulement sanctionnée par des lois, mais mise effectivement et sincèrement en pratique, là se trouvent enfin fermement assurées à l'Eglise les conditions, de droit et de fait, de l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de sa divine mission, indépendance que les autorités ecclésiastiques ont revendiquées dans la société avec de plus en plus d'insistance (4). En même temps, les fidèles du Christ, comme les autres hommes, jouissent, sur le plan civil, du droit de ne pas être empêchés de mener leur vie selon leur conscience. Il y a donc bon accord entre la liberté de l'Eglise et cette liberté religieuse qui, pour tous les hommes et toutes les communautés, doit être reconnue comme un droit et sanctionnée juridiquement.
(1) Léon XIII, lettre Officio sanctissimo, 22/12/1887: AAS 20 (1887), p. 269. Idem, lettre Ex litteris, 7/04/1887: AAS 19 (1886), p. 465.
(2) Mc 16,15; Mt 28,18-20.; Pie XII, encycl. Summi Pontificatus, 20/10/39: AAS 31 (1939), pp. 445-446.
(3) Pie XI, lettre Firemissimam constantiam, 28/03/1937: AAS 29 (1937), p. 196.
(4) Pie XII, alloc. Ci riesce, 6/12/1953: AAS 45 (1953), p. 802.
Dignitatis Humanae14Fonction de l'Eglise

Pour obéir au précepte divin: "Enseignez toutes les nations" (Mt 28,19), l'Eglise catholique doit s'employer, sans mesurer sa peine, à ce "que la parole de Dieu accomplisse sa course et soit glorifiée" (2 Th 3,1).

L'Eglise demande donc expressément à ses fils "qu'avant tout se fassent des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes... Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu, notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (2 Tm 2,1-4).

Mais les fidèles du Christ, pour se former la conscience, doivent prendre en sérieuse considération la doctrine sainte et certaine de l'Eglise (1). De par la volonté du Christ, en effet, l'Eglise catholique est maîtresse de vérité; sa fonction est d'exprimer et d'enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l'ordre moral découlant de la nature même de l'homme. En outre, les chrétiens doivent aller avec sagesse au-devant de ceux qui sont au-dehors, et s'efforcer "dans l'Esprit-Saint, avec une charité sans feinte, dans la parole de vérité" (2 Co 6,6-7) de répandre la lumière de vie en toute assurance (2) et courage apostolique, jusqu'à l'effusion de leur sang.

Car le disciple a envers le Christ son maître le grave devoir de connaître toujours plus pleinement la vérité qu'il a reçue de lui, de l'annoncer fidèlement et de la défendre énergiquement, en s'interdisant tout moyen contraire à l'esprit de l'Evangile. Mais la charité du Christ le presse aussi d'agir avec amour, prudence, patience, envers ceux qui se trouvent dans l'erreur ou dans l'ignorance de la foi (3). Il faut donc prendre en considération tant les devoirs envers le Christ, Verbe vivifiant, qui doit être annoncé, que les droits de la personne humaine et la mesure de grâce que Dieu, par le Christ, a départie à l'homme, invité à accueillir et à professer la foi de son plein gré.
(1) Pie XII, message radiophonique, 23/03/1952: AAS (1952), pp. 270-278.
(2) Ac 4,29.
(3) Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11/04/1963: AAS 55 (1963), pp.299-300.
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Publié: 30/11/1959