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Numéro(s) recherché(s): Apostolicam Actuositatem 5-8

Apostolicam Actuositatem5Les buts à atteindre

Introduction

L'oeuvre de rédemption du Christ qui concerne essentiellement le salut des hommes embrasse aussi le renouvellement de tout l'ordre temporel. La mission de l'Eglise, par conséquent, n'est pas seulement d'apporter aux hommes le message du Christ et sa grâce, mais aussi de pénétrer et de parfaire par l'esprit évangélique l'ordre temporel. Les fidèles laïcs accomplissant cette mission de l'Église exercent donc leur apostolat aussi bien dans l'Eglise que dans le monde, dans l'ordre spirituel que dans l'ordre temporel. Bien que ces ordres soient distincts, ils sont liés dans l'unique dessein divin; aussi Dieu lui-même veut-il, dans le Christ, réassumer le monde tout entier pour en faire une nouvelle créature en commençant dès cette terre et en lui donnant sa plénitude au dernier jour. Le laïc, qui est tout ensemble membre du Peuple de Dieu et de la Cité des hommes, n'a qu'une conscience, chrétienne. Celle-ci doit le guider, sans cesse, dans les deux domaines.
Apostolicam Actuositatem6L'apostolat destiné à évangéliser et sanctifier les hommes

La mission de l'Eglise concerne le salut des hommes, qui s'obtient par la foi au Christ et par sa grâce. Par son apostolat l'Eglise et tous ses membres doivent donc d'abord annoncer au monde le message du Christ par leurs paroles et leurs actes et lui communiquer sa grâce. Cela s'accomplit principalement par le ministère de la parole et des sacrements. Confié spécialement au clergé, il comporte pour les laïcs un rôle propre de grande importance qui fait d'eux les "coopérateurs de la vérité" (III Jn 8). Dans ce domaine surtout l'apostolat des laïcs et le ministère pastoral se complètent mutuellement.

Les laïcs ont d'innombrables occasions d'exercer l'apostolat d'évangélisation et de sanctification. Le témoignage même de la vie chrétienne et les oeuvres accomplies dans un esprit surnaturel sont puissants pour attirer les hommes à la foi et à Dieu; le Seigneur dit en effet: "Que votre lumière brille devant les hommes pour qu'ils voient vos oeuvres bonnes et glorifient votre Père qui est aux cieux" (Mat. V. 16).

Cet apostolat cependant ne consiste pas dans le seul témoignage de la vie; le véritable apôtre cherche les occasions d'annoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants pour les aider à cheminer vers la foi, soit aux fidèles pour les instruire, les fortifier, les inciter à une vie plus fervente, "car la charité du Christ nous presse" (II Cor. V, 14). C'est dans les coeurs de tous que doivent résonner ces paroles de l'apôtre: "Malheur à moi si je n'évangélise pas" (I Cor. IX, 16) (1).

A une époque où se posent des questions nouvelles et où se répandent de très graves erreurs qui tendent à ruiner radicalement la religion, l'ordre moral et la société humaine elle-même, le Concile exhorte instamment les laïcs, chacun suivant ses talents et sa formation doctrinale, à prendre une part plus active selon l'esprit de l'Église, dans l'approfondissement et la défense des principes chrétiens comme dans leur application adaptée aux problèmes de notre temps.
(1) Cf. Pie XI, encycl. Ubi arcano, 23 déc. 1922: AAS 14 (1922), p. 659; Pie XII, encycl. Summi Pontificatus, 20 oct. 1939: AAS 31 (1939), pp. 442-443
Apostolicam Actuositatem7Le renouvellement chrétien de l'ordre temporel

Tel est le dessein de Dieu sur le monde: que les hommes d'un commun accord, construisent l'ordre des réalités temporelles et le rendent sans cesse plus parfait.

Tout ce qui compose l'ordre temporel: les biens de la vie et de la famille, la culture, les réalités économiques, les métiers et les professions, les institutions de la communauté politique, les relations internationales et les autres réalité du même genre, leur évolution et leur progrès, n'ont pas seulement valeur de moyen par rapport à la fin dernière de l'homme. Ils possèdent une valeur propre, mise en eux par Dieu Lui-même, soit qu'on regarde chacun d'entre eux, soit qu'on les considère comme parties de l'ensemble de l'univers temporel: "Et Dieu vit tout ce qu'Il avait fait et c'était très bon" (Gen. I, 31). Cette bonté naturelle, qui est leur, reçoit une dignité particulière en raison de leur relation avec la personne humaine au service de laquelle ils ont été créés. Enfin il a plu à Dieu de rassembler toutes les réalités aussi bien naturelles que surnaturelles en un seul tout dans le Christ "pour que celui-ci ait la primauté en tout" (Col. I, 18). Cette destination, loin de priver l'ordre naturel de son autonomie, de ses fins, de ses lois propres, de ses moyens, de son importance pour le bien des hommes, rend au contraire plus parfaites sa force et sa valeur propre; elle le hausse en même temps au niveau de la vocation intégrale de l'homme ici-bas.

Au cours de l'histoire, l'usage des choses temporelles a été souillé par de graves aberrations. Atteints par la faute originelle, les hommes sont tombés souvent en de nombreuses erreurs sur le vrai Dieu, la nature humaine et les principes de la loi morale: alors les moeurs et les institutions humaines s'en sont trouvées corrompues, la personne humaine elle-même bien souvent méprisée. De nos jours encore, certains, se fiant plus que de raison aux progrès de la science et de la technique, sont enclins à une sorte d'idolâtrie des choses temporelles: ils en deviennent les esclaves plutôt que les maîtres.

C'est le travail de toute l'Eglise de rendre les hommes capables de bien construire l'ordre temporel et de l'orienter vers Dieu par le Christ.

Il revient aux pasteurs d'énoncer clairement les principes concernant la fin de la création et l'usage du monde et d'apporter une aide morale et spirituelle pour que les réalités temporelles soient renouvelées dans le Christ.

Les laïcs doivent assumer comme leur tâche propre le renouvellement de l'ordre temporel. Eclairés par la lumière de l'Evangile, conduits par l'esprit de l'Eglise, entraînés par la charité chrétienne, ils doivent en ce domaine agir par eux-mêmes d'une manière bien déterminée. Membres de la cité, ils ont à coopérer avec les autres citoyens suivant leur compétence particulière en assumant leur propre responsabilité: et à chercher partout et en tout la justice du Royaume de Dieu.

L'ordre temporel est à renouveler de telle manière que, dans le respect de ses lois propres et en conformité avec elles, il devienne plus conforme aux principes supérieurs de la vie chrétienne et soit adapté aux conditions diverses des lieux, des temps et des peuples. Parmi les tâches de cet apostolat l'action sociale chrétienne a un rôle éminent à jouer. Le Concile désire la voir s'étendre aujourd'hui à tout le secteur temporel sans oublier le plan culturel (1).
(1) Cf. Léon XIII, encycl. Rerum Novarum: AAS 23 (1890-91), p. 647; Pie XI, encycl. Quadragesimo Anno: AAS 23 (1931), p. 190; Pie XII, message radiodiffusé, 1er juin 1941: AAS 33 (1941), p. 207.
Apostolicam Actuositatem8L'action caritative, sceau de l'apostolat chrétien

Tout apostolat trouve dans la charité son origine et sa force, mais certaines oeuvres sont par nature aptes à devenir une expression particulièrement parlante de cette charité: le Christ a voulu qu'elles soient le signe de sa mission messianique (cf. Mat. XI, 4-5).

Le plus grand commandement de la loi est d'aimer Dieu de tout son coeur et le prochain comme soi-même (Mat. XXII, 37-40). De cette loi de l'amour du prochain, le Christ a fait son commandement personnel. Il l'a enrichi d'un sens nouveau quand il voulut, s'identifiant à ses frères, être l'objet de cette charité disant: "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à Moi que vous l'avez fait" (Mat. XXV, 40). En assumant la nature humaine c'est toute l'humanité qu'il s'est unie par une solidarité surnaturelle qui en fait une seule famille; il a fait de la charité le signe de ses disciples, par ces paroles: "A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples: à cet amour que vous aurez les uns pour les autres" (Jn XIII, 35).

En ses débuts la Sainte Eglise en joignant "l'agapé" à la Cène eucharistique, se manifestait tout entière réunie autour du Christ par le lien de la charité, ainsi en tout temps elle se fait reconnaître à ce signe d'amour; tout en se réjouissant des initiatives d'autrui, elle tient aux oeuvres charitables comme à une partie de sa mission propre et comme à un droit inaliénable. C'est pourquoi la miséricorde envers les pauvres et les faibles, les oeuvres dites de chanté et de secours mutuel pour le soulagement de toutes les souffrances humaines sont particulièrement en honneur dans l'Eglise (1).

Aujourd'hui ces activités et ces oeuvres de charité sont beaucoup plus pressantes et doivent davantage prendre tes dimensions de l'univers, car les moyens de communication sont plus aisés et plus rapides, la distance entre les hommes est pour ainsi dire vaincue, les habitants du monde entier deviennent comme les membres d'une seule famille. L'action de la charité peut et doit atteindre aujourd'hui tous les hommes et toutes les détresses. Partout où se trouvent ceux qui souffrent du manque de nourriture et de boisson, de vêtements, de logement, de remèdes, de travail, d'instruction, des moyens de mener une vie vraiment humaine, ceux qui sont tourmentés par les épreuves ou la maladie, ceux qui subissent l'exil ou la prison, la charité chrétienne doit les chercher et les découvrir, les réconforter avec un soin empressé, et les soulager par une aide adaptée. Cette obligation s'impose en tout premier lieu aux hommes et aux peuples qui sont les mieux pourvus (2).

Pour que cet exercice de la charité soit toujours au-dessus de toute critique et apparaisse comme tel, il faut voir dans le prochain l'image de Dieu selon laquelle il a été créé, et le Christ Notre-Seigneur à qui est offert en réalité tout ce qui est donné au pauvre. La liberté et la dignité de la personne secourue doivent être respectées avec la plus grande délicatesse. La pureté d'intention ne doit être entachée d'aucune recherche d'intérêt propre ni d'aucun désir de domination (3). Il faut satisfaire d'abord aux exigences de la justice de peur que l'on n'offre comme don de la charité ce qui est déjà dû en justice. Que disparaissent la cause des maux et pas seulement leurs effets et que l'aide apportée s'organise de telle sorte que les bénéficiaires se libèrent peu à peu de leur dépendance à l'égard d'autrui et deviennent capables de se suffire.

Les laïcs doivent donc estimer profondément et aider, selon leur pouvoir, les oeuvres de charité et les initiatives concernant l'assistance sociale, qu'elles soient privées ou publiques, sans oublier les initiatives internationales; par elles on apporte un secours efficace aux personnes et aux peuples qui souffrent. Qu'en cela ils collaborent avec tous les hommes de bonne volonté (4).
(1) Cf. Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra: AAS 53 (1961), p. 402.
(2) Cf. Ibid.. pp. 440-441.
(3) Cf. Ibid., pp. 442-443.
(4). Cf. Pie XII, alloc. à " Pax Romana M.I.I.C. ", 25 avril 1957: AAS 49 (1957), pp. 298-299; et spécialement Jean XXIII, à la réunion du Conseil " Food and Agriculture Organisation (F.A.O.), 10 nov. 1959: AAS 51 (1959), pp. 856, 866.
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Publié: 30/11/1959