A Haïti...

Témoignages reçus le 16 octobre 2019, puis le 17 novembre, et maintenant le 14 janvier 2020 d’un prêtre, curé de paroisse dans le diocèse des Gonaïves.

Le 14 janvier 2020

Heureuse Année 2020 à toute l’équipe de Port Saint Nicolas.

Une année s’en va une année s’en vient. On dirait que la situation en Haïti reste toujours la même ; oui, elle n’est pas au beau fixe. Aujourd’hui, il y a comme un bras de fer entre le Pouvoir Exécutif (Président) et le Pouvoir Législatif (Parlementaires), sans oublier les autres membres de l’Opposition politique, au détriment du peuple haïtien qui croupit dans sa misère noire et amère. Certes, les enfants retournent à l’école depuis mardi 7 janvier, officiellement. Mais, rien ne dit que cela va continuer compte tenu de la situation socio-politico-économique. Il y a encore des inquiétudes qui planent. Les protestataires n’entendent pas lâcher prise. Ils veulent à tout prix la démission du Président de la République qui selon eux, a menti au peuple parce qu’il n’a pas su réaliser, accomplir ses promesses envers le pays ; comme s’il pouvait tout faire tout seul…

Le Président rejette toute idée de démission ; car selon lui, il doit chasser, finir avec le système de transition qui n’apporte rien au pays. En réalité, ici il dit vrai. Cela fait plus de trente ans que nous connaissons à chaque fois des transitions. Une façon pour les corrompus du système d’asseoir leur capital et de faire leur beurre. Pauvre Haïti !

Il est un fait que le Président est incapable. Il n’est pas à la hauteur de sa responsabilité. Malheureusement pour nous, haïtiens ! Il n’a aucune culture politique. Il est tombé dans le piège du système qu’il dénonce aujourd’hui et qui vraisemblablement l’empêche de réaliser, ne serait-ce que le minimum dans le pays. Ils s’enrichissent sur le dos du petit peuple naïf. Et vous savez quoi : quant à faire confiance à l’un ou à l’autre parti, c’est-à-dire, entre le Gouvernement en place (Président) et l’Opposition politique, c’est là que se joue le grand dilemme. A force d’être trahi, le peuple n’a plus confiance en l’un ou l’autre camp. Tout ça c’est bien triste ! Et le pire aujourd’hui, tandis que les deux camps se font la guerre, le phénomène des gangs armés fait rage ; semant la mort ça et là, ils rançonnent, kidnappent, luttent pour le contrôle des territoires, etc. C’est la peur qui s’installe partout dans le pays… Permettez ici que j’exprime mes condoléances au peuple français pour le couple français qui a été tué en Haïti tandis qu’il était venu pour adopter un enfant haïtien. Ils sont morts dans leur ministère, celui de faire le bien. Le Bon Dieu voit, Lui qui sonde les cœurs et les reins ; qu’Il les accueille dans sa belle maison, cité des joies éternelles !

Tout est luxe dans ce pays, même les besoins basiques et élémentaires, tels : électricité, eau potable, infrastructures routières, etc. Même nos grandes villes ne sont pas électrifiées, ne disposent pas de système d’eau potable, ne sont pas asphaltées, ... voire les endroits les plus reculés. Voilà pourquoi la présence de l’Église catholique dans les milieux reculés, mais aussi dans les villes, est un d’un plus grand bien. Elle prend en compte la formation humano-spirituelle du peuple. Là où l’État est quasiment absent, c’est l’Église catholique qui vole au secours des gens. Sachant toutefois que nous disposons de peu de moyens. Vous comprenez pourquoi, malheureusement, nous n’hésitons pas à frapper à la porte des hommes et des femmes de bonne volonté, pour nous accompagner dans notre mission qui est d’accompagner, aider nos frères et sœurs dans les coins les plus démunis, autant que faire se peut.

L’Église est porteuse de civilisation au milieu de ces gens qui sont des marginalisés, des laissés-pour-compte. Pour reprendre le feu pape Léon XIII : "L’homme est le premier chemin que l’Église doit parcourir en accomplissant sa mission." Si ailleurs, dans certains pays, les fidèles accompagnent et aident leur prêtre à pourvoir aux besoins de la paroisse, ici en Haïti, et surtout dans les milieux reculés comme là où je fais mon ministère, c’est le prêtre qui doit répondre aux besoins de ses fidèles, de jour comme de nuit, ils viennent frapper à nos portes pour obtenir à manger, de l’argent pour payer les frais scolaires des enfants, frais de médicaments, etc. Partout ici, en Haïti, le prêtre est vu comme un agent de développement. Et comme le dit le psalmiste : « Les yeux de tous sont tournés vers lui, ils espèrent. »

S’il vous plaît, priez pour Haïti, priez pour nous. Et nous, nous vous promettons d’en faire autant pour vous.


Le 17 novembre
Je m’excuse auprès de vous pour mon silence indépendant pourtant de ma volonté. En effet, depuis le 18 octobre, je n’ai plus eu de connexion internet. Problème dû à la crise que traverse le pays. Les techniciens n’ont aucun moyen d’accéder aux sites de la compagnie où se trouvent les antennes pour les alimenter en essence et aussi vérifier les éventuels problèmes. Je ne sais pas pour combien de temps encore la connexion est là.

(...) Vous avez compris que les médias internationaux boudent ou encore ignorent ce qui se passe en Haïti depuis tantôt dix semaines. C’est comme si on en a marre de nous. Il y a urgence alimentaire, urgence scolaire, urgence pour tout et en tout.
L’Église catholique en Haïti (la Conférence Épiscopale Haïtienne, la Conférence des Religieux, les fidèles...) a multiplié les appels pour trouver un dénouement à la crise. Les acteurs politiques gardent leurs positions qui encouragent une violence sans précédent. Nous sommes comme une nation prise en otage par ses propres dirigeants avares du pouvoir même si c’est au détriment du peuple pour lequel ils se réclament être représentants.

S’il vous plaît, priez pour nous !

Bénédictions !


Le 16 octobre
Aucun autre pays n’a autant souffert tantôt de catastrophes naturelles tantôt des crises socio-économico-politiques qui provoquent des dégâts considérables. Dans un pays où la pauvreté fait rage, ces évènements prennent une ampleur démesurée, car chaque coup de vent, chaque secousse, chaque incendie d’un bureau de l’État, parfois d’un commissariat apporte son lot d’urgence humanitaire et retarde d’autant le développement de l’île. Et cela n’est pas sans conséquences terribles dans ce pays.

L’heure est grave aujourd’hui ! [Presque] rien ne fonctionne : les activités scolaires sont paralysées (ouverture des classes le 9 septembre, mais les élèves n’ont pas pu boucler même les deux premières semaines de classe), il n’y a pas de carburant, les gangsters, à la solde des hommes politiques, s’exécutent en plein jour en semant la peur et la mort partout dans le pays, le président pris en sandwich affiche au grand jour son impuissance, son incapacité à gouverner le pays. Nous ne sommes pas loin d’une guerre civile. Nous avons envie de crier avec le psalmiste : « D’où le secours nous viendra-t-il ? » Mais nous sommes confiants, car rien n’est impossible au Dieu Très-haut.

Nous nous recommandons à vos prières dans l’espoir que bientôt le jour nouveau s’élèvera.

Je travaille dans une section rurale à 60 kilomètres de la ville la plus proche. Nous avons besoin des hommes et des femmes de bonne volonté pour nous venir en aide. Car ici, il nous manque quasiment tout. Même les structures les plus élémentaires font défaut. Il y a urgence encore !

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Auteur connu par la rédaction

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Publié: 14/01/2020