Rendre service, oui, mais jusqu’à quel point ?

L’autre jour, Seigneur, lors d’un échange entre amis chrétiens de notre groupe de prières, l’une d’entre nous se disait désemparée et même choquée par Ton attitude vis-à-vis de la femme syro-phénicienne qui venait te réclamer la guérison de sa fille gravement malade. À sa requête insistante, d’après saint Matthieu (), Tu as répondu par la négative, prétextant que Ta mission s’adressait aux seules brebis perdues d’Israël et qu’il n’était pas bon de donner le pain des enfants aux petits chiens. Ta réponse lui paraissait méprisante, indigne de Toi, voire incompréhensible.

Il est certain que l’expression « chien d’infidèle » n’existait pas de ton temps Seigneur, puisqu’elle a pris naissance avec Mohamed et l’Islam. Mais certains de notre groupe ont pensé que tu avais exprimé tout haut ce que pensaient tout bas tes Apôtres. On n’est jamais très tendre avec ceux qui ne pensent pas comme nous, notamment en matière de religion. Mais brisons-la. Pour ma part je préfère entendre la version de saint Marc () qui relate la même scène et où il est clairement indiqué, que, fatigué par les réclamations incessantes de tes concitoyens et par les discutions malveillantes des autorités religieuses, Tu étais arrivé dans la région de Tyr, avec le désir profond de rester ignoré pour Te reposer. Dans ta réponse abrupte, je vois le signe de ta grande lassitude et je suis émue par cette faiblesse qui te rend très humain et par conséquent très proche de nous.

Notre groupe a reconnu finalement que les deux attitudes étaient acceptables. Il peut arriver en effet qu’à force de rendre service, de donner de son temps, de ses ressources intellectuelles, financières, spirituelles, on peut avoir le sentiment d’être vidé, écartelé, et de ne plus pouvoir assumer ce rôle épuisant. II faut savoir doser notre disponibilité, en évitant de vider complètement ce qu’on peut appeler notre vase sous peine de devenir inefficace. Il faudrait savoir donner uniquement ce qui déborde. Mais la dosette nécessaire pour calculer le dosage souhaitable entre le désir de rendre service et la possibilité d’être valable dans cet agir n’est pas facile à évaluer. Dans certains cas le simple bon sens est peut être suffisant pour aider à résoudre ces problèmes délicats. Ce qui implique de savoir et de pouvoir dire NON. Mais, si soi-même on est assez indécis sur ce qu’il convient de faire, on a intérêt à solliciter l’avis de ceux qui nous connaissent bien, et qui n’étant pas impliqués, peuvent avoir une vision plus claire de la situation ; on peut à tort très facilement se persuader qu’on est indispensable ; la correction fraternelle peut nous aider à nous remettre à l’heure.

J’en déduis qu’il est bon et normal pour un humain et à plus forte raison pour un chrétien d’être au service du prochain malheureux, mais que pour être efficace il faut savoir se ressourcer à tous points de vue pour être utile. Sinon, on risque de s’agiter sans bénéfice pour personne. D’où l’intérêt de faire des retraites, des week-end, de réfléchir, de faire partie d’un groupe de prières ou d’être suivi par ce qu’on appelle un directeur de conscience de façon à être au clair sur nos vraies possibilités.

En ce qui Te concerne, Jésus, il me semble que compte tenu de tes relations privilégiées avec ton Père, c’est le long temps consacré à la prière qui te permettait de faire le point. Il n’est pas interdit de suivre ton exemple... Ce serait même recommandé que ça ne m’étonnerait pas !

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/09/2022