La piété populaire est-elle une piété infantile ?

Cela fait deux ans que j’ai offert aux pères maristes de Toulon d’assurer une permanence, une fois par semaine pour tenir leur service d’accueil.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça n’est pas fatigant ; mais il paraît que c’est utile, aussi je le fais avec plaisir. Ça consiste à recevoir les personnes qui demandent des précisions sur l’horaire des messes, des confessions, de l’ouverture de la chapelle ; celles qui souhaitent faire dire une messe à telle ou telle intention ou encore celles qui désirent acheter une bougie, un calendrier ou une petite statue de sainte Rita, sainte qui est l’objet d’un culte populaire très affirmé.
Leurs dévotions se traduisent par des bénédictions de roses, des prières spéciales, des allumages de bougies ou même par des embrassades ou des caresses sur les pieds d’une statue en plâtre représentant sainte Rita, statue heureusement peu fragile. Sans bien admettre ni comprendre ces pratiques très démonstratives, je remarque tout de même que ces priants repartent ensuite apaisés.

Dans le même ordre d’idée, j’ai aussi reçue la visite d’une personne qui m’a fait part de l’aura dont bénéficie le pape Jean-Paul II. Elle fait partie des Œuvres Hospitalières de Lourdes où elle se rend chaque année pour assurer un service auprès des grands malades. Elle m’a raconté en riant, que depuis le pèlerinage de ce pape à Lourdes où, en raison de son état, il avait été reçu en tant que grand malade, dans la maison affectée à cet usage, depuis lors nombreux étaient ceux qui demandaient respectueusement à ’’voir’’ la chambre où le pape avait séjourné. Ils s’approchaient avec recueillement de cette pièce et caressaient dévotement la porte de cette chambre, avec une telle ferveur qu’on était sans cesse obligé de laver cette porte et même de la repeindre.
Il y en avait même qui sollicitaient la faveur de s’étendre quelques instants sur ce fameux lit, où le pape avait dormi. Pour ceux-là, elle pensait que la maison hospitalière, toujours à court de finances pour améliorer le confort des pèlerins malades, pourrait demander une obole, plus ou moins importante, suivant la fortune des intéressés.

Cela m’a ouvert des horizons, car il se trouve qu’il y a quelques années, j’ai reçu chez moi sœur Emmanuelle, la chiffonnière du Caire, qui venait faire une conférence à Toulon. Elle a dormi dans un lit qui fait toujours partie de mon mobilier. Nul doute que sœur Emmanuelle ne soit bientôt déclarée officiellement sainte. Et mon lit va donc pouvoir devenir une relique.
Voilà qui va considérablement valoriser mon héritage à condition naturellement que mes héritiers se montrent astucieux et surtout mercantiles... ce que je ne souhaite pas, naturellement.

Mais tout cela m’incite à penser que notre monde si décrié est quand même en progrès, légers peut-être mais quand même en progrès. Au temps du Moyen-Âge, on se battait à mort pour avoir telle ou telle relique, on se les volait. Elles étaient source de vénération certes, mais surtout source de bénéfices importants. Aujourd’hui, il me semble que c’est la vénération qui l’emporte sur le profit. C’est déjà mieux non ? Même si ces vénérations me paraissent un peu infantiles.

Toi, tu sais t’adapter, n’est-ce pas Seigneur ? Et d’ailleurs je viens de lire aujourd’hui (ça tombe vraiment bien) un passage de Marc au chapitre 5 verset 25 où il est raconté qu’une femme malade depuis douze ans de pertes de sang a voulu, audacieusement, ’’toucher’’ ne serait-ce que la frange de ton vêtement, et aussitôt elle a senti qu’elle était guérie. Elle avait foi en Toi.

Alors, de quel droit oserais-je remarquer avec une certaine condescendance ceux qui caressent tes statues et en tirent réconfort ?

Merci, Seigneur, tu es merveilleux ! Aujourd’hui j’avais vraiment besoin de cet éclairage.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/07/2015