Dieu a-t-il des préférences parmi les humains ?

C’est sûr Seigneur, Tu l’as dit et redit, je ne sais combien de fois, Tu aimes tous les humains, les jaunes, les blancs, les noirs, les rouges, les jeunes, les vieux... Tu les considères tous comme tes enfants, et Tu souhaites leur bonheur. Cela ne fait pas un pli, ça ne se discute absolument pas.

Mais, car il y a un mais, il me semble que Tu as une préférence marquée pour ceux qui sont pauvres, faibles, malades, pour tous ceux qui en un mot, sont en difficulté.

Alors pour ceux qui, comme moi, sont nés dans une famille unie et aimante, ont reçu une bonne éducation, bénéficient d’une santé convenable, ont des ressources suffisantes permettant de subvenir aux besoins essentiels, qui, en plus habitent un pays au climat relativement tempéré, politiquement assez correct, exempt de guerre depuis bientôt cinquante ans etc. etc. il est presque certain qu’on ne fait pas partie de tes enfants chéris. Faut-il s’en réjouir ou en être marri ? Je remarque quand même, que dans la plupart de ces conditions, pas plus dans une des hypothèses que dans l’autre d’ailleurs, les conditions énumérées plus haut ne sont pas, le plus souvent, le fait des intéressés eux-mêmes.

Alors je veux bien admettre que ceux qui vivent dans des conditions misérables ont plus besoin que les autres d’être aidés pour s’en sortir. D’accord ! Tu t’en souviens peut-être, Seigneur, quand je T’avais fait part de mon amour pour les chiens, en notant que dans une portée, il n’était pas rare de trouver un chiot plus faible, qui très vite, avec confiance, attendait qu’on le favorise, au besoin qu’on le défende au milieu des autres, pour lui permettre de survivre. Et il est certain que quand on se sent petit, on fait plus facilement confiance pour demander la protection de plus fort que soi, que si on a l’impression qu’on ne manque de rien, et qu’on peut se débrouiller tout seul, c’est évident !

Aussi je me demande : faut-il se faire du souci pour les nantis ? Parce qu’enfin, ce n’est pas leur faute s’ils sont nés comme ça. Ce serait injuste de leur en tenir rigueur. Tu ne crois pas Seigneur ?
Mais suis-je sotte ! Il y a la parabole des talents qui est bien pratique pour me sortir de mon questionnement bébête. Et de plus, pourquoi personnellement, me faire du mouron. Avec la vieillesse, je suis amenée à me défaire d’un tas de choses que je trouvais normales d’avoir : la vue, l’ouïe, la santé, la mémoire, l’agilité, l’endurance, les dents, les cheveux, ... tout fout le camp ! Et à certains moments ça part à la vitesse grand V. Je suis de plus en plus obligée de faire appel aux autres pour vivre normalement, et si ça continue (et ça va continuer, sauf fin rapide) je vais être complètement à la merci des autres. Dure perspective, si je me place au niveau humain, mais royal, si je pense à Toi, Seigneur.

Il y a quelque temps, je me souviens d’avoir lu dans une revue que j’apprécie, un article sur sœur Emmanuelle qui, à la fin de sa vie, déclarait qu’elle ne manquait de rien, qu’elle ne souffrait de rien, étant très entourée par sa communauté et par tous ses amis qui se disputaient le privilège de lui rendre service. Mais elle était en fauteuil roulant et devait être aidée pour s’habiller, se laver, manger… J’en passe et des plus humiliants, et elle affirmait que si elle n’avait pas connu cet état de dépendance totale, il lui aurait manqué quelque chose d’irremplaçable. Or, elle doit savoir ce qu’elle dit, cette sainte femme !

Par conséquent, inutile de me faire du tracas, Tu sais ce dont j’ai besoin, Seigneur ; à Toi de voir ce qui m’est nécessaire, pour faire partie de ceux qui, dans leur nudité, n’ont aucune peine à Te faire totalement confiance, et peuvent, ainsi allégés, facilement Te rejoindre. Me voilà dans la perspective de faire aussi, partie de la catégorie des favorisés !

Mais, quand même n’oublie surtout pas, Seigneur, que je suis faible, bien faible, pour souhaiter à fond être dépouillée de ma chère indépendance : comme célibataire, sans enfant, cette indépendance n’a pas été rognée par les exercices journaliers de la vie en famille ou en communauté ; elle est intacte et par conséquent très forte. Il faut que Tu t’en souviennes Seigneur ; ça me paraît important. Aussi je Te prie d’y aller mollo, s’il te plaît.

PS : Rectificatif qui met à néant mes objections. Finalement ce n’est pas Toi qui es injuste Seigneur, en ayant des préférences pour tel ou tel d’entre nous ; c’est nous, quand nous sommes faibles, qui acceptons plus facilement de Te laisser faire : c’est lumineux, voir Matthieu chapitre 11, verset 19 : La sagesse de Dieu se révèle juste à travers ce qu’elle fait.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/05/2015