Pitié, Seigneur, pour mon esprit logique

Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres

Seigneur, Tu le sais, il m’arrive de me plaindre auprès de Toi de ce que certains clercs Te présentent comme attaché à la lettre de la Loi et non à son esprit. J’ai l’impression qu’ils Te considèrent comme un juriste. Ça me frappe d’autant plus que je suis moi-même très cartésienne, assez déformée par des études juridiques. Or, je l’ai constaté moult fois, avec Toi ça n’apporte rien de bon. Je viens d’en avoir encore la preuve, en lisant en St. Jean les versets 31 à 42 du chapitre 8 (>>Jn 8,31-42<<).

St. Jean Te fait dire à des juifs, qui maintenant croient en Toi (c’est dit en toute lettre dans le texte) "Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres".

Et à partir de là s’engage un langage de sourds, où ces juifs ayant le statut juridique d’homme libre et non d’esclave ne comprennent rien à Tes paroles. Toi, Tu parles du péché qui les englue (qui nous englue tous d’ailleurs) au point qu’ils ne se rendent même plus compte qu’ils ont perdu leur liberté et que faisant le mal ils concourent à Ta crucifixion. Ça les dépasse, et je les comprends.

Moi aussi pendant longtemps, en lisant le texte je me suis étonnée Seigneur, que Tu ne fasses rien pour leur faire comprendre leur erreur. On dirait même que Tu les provoques et que Tu fais tout pour qu’ils s’enferrent !

L’as Tu fais vraiment ou une fois de plus, faut-il se mettre dans la tête que St. Jean en écrivant 70 ou 80 ans après Ta mort, nous donne le résultat de sa méditation et non le compte rendu exact d’une discussion qui aurait eu lieu entre Toi et certains juifs. C’est tout à fait vraisemblable !

Mais il y a quelques années je dois T’avouer que ce texte m’apparaissait comme contraire à ma fameuse logique. Puisqu’il s’agissait de juifs qui T’étaient favorables, il était évident qu’ils ne souhaitaient pas ta mort. Or Tu les en accusais. Il me semblait qu’il y avait un hiatus dans ce texte entre le début et la fin, et naturellement la faute en revenait à St. Jean... ou à Toi !

Aujourd’hui, grâce à des échanges entre amis chrétiens je vois clairement, Seigneur, que Tu as voulu nous dire que pour Toi il n’y a jamais de situation acquise. Jamais, quelque soient les progrès peut-être réalisés, je ne pourrai-me dire : "Ouf, cette fois-ci ça y est, je suis du bon coté de la barrière, j’ai atteint mon but !"

Tu nous veux toujours plus haut. C’est dit à chaque célébration eucharistique, à l’offertoire, dans une formule qui n’a pas fini de m’interpeller :- Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous, être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. - Pas moins ! Je dois viser la divinité. Aie, Aie, Aie ! Voila le gros mot lâché ! Tu nous veux saint.

Il y aurait de quoi être découragé, si ce divin pouvait être atteint à la force des poignets, en galvanisant notre volonté. Mais heureusement, ce n’est pas le cas ; et je suppose que Tu souris avec plein de tendresse et un peu de pitié devant ces intrépides héros de la sainteté qui s’imaginent Te faire plaisir ou même Te conquérir, en multipliant les bonnes œuvres ou les mortifications.

Tu nous demandes, j’allais dire simplement (comme si c’était simple !), de se laisser faire, de s’abandonner entre Tes bras. Mais Tu sais, ça n’est pas facile du tout de trouver ce bon chemin, cet ascenseur dont parle Thérèse de Lisieux. Elle, elle a mis près de 10 ans pour trouver cette petite voie et à mon avis, elle a avancé à pas de géant.

Et là, encore mon esprit cartésien me joue des tours. Car entre : je n’ai rien à faire puisque c’est Toi Seigneur qui fait tout, j’attends donc benoîtement que Tu T’actives, et le combat dont Tu nous parles pour passer par la porte étroite, c’est pas facile de trouver le juste milieu. Et quand je parle de juste milieu, je m’exprime mal, car c’est plutôt un chemin de crête assez étroit, montant et escarpé.

Je dois marcher, essayer de cheminer vers Toi, sans m’arrêter, en me désencombrant d’abord de moi-même (la porte est étroite), sous peine de tomber, vite fait.

Seigneur, je Te le dis, je Te le redis, Tu es drôlement exigeant !

Mais il est vrai que Tu as promis Ton aide à ceux qui Te le demandent. Là où je suis, Tu me conduis.

Seigneur aide moi et aide aussi tous ceux qui comme moi Te cherchent maladroitement peut-être, mais en faisant comme ils peuvent, avec faiblesse certes mais bonne volonté. Et je sais que quand je Te demande quelque chose de bon, Tu le donnes, aussi je Te dis merci, Seigneur.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/01/2010