Pas ma volonté, mais la tienne, Père

Ne me dites pas que cette phrase prononcée par Jésus au Jardin des Oliviers, quelques heures avant la Passion, ne vous a pas posé question.
Ou alors, vous étiez distrait ou pire, habitué comme moi, pendant des années à ne pas comprendre grand chose à l’enseignement religieux qui m’avait été inculqué.
Alors un peu plus, un peu moins.
J’avais laissé tomber.

Mais en m’y arrêtant, cette phrase m’a violemment interpellée. Parce que prise au premier degré, elle signifierait que Dieu le Père, a voulu, programmé la mort horrible de son Fils, et a refusé de lui envoyer le secours qu’Il réclamait.

"Pas cette coupe Père, mais pas ma volonté, la tienne".

Scandaleux !

J’ai bien lu par ci par là, quelques commentaires qui m’ont paru laborieux, où il était exposé que l’offense de l’homme vis à vis de Dieu étant incommensurable, il était nécessaire que la faute soit rachetée par un sacrifice infini, que seul le Fils pouvait offrir.

Mais cette façon de voir ne m’a jamais convaincue. Elle avait le tort fondamental à mes yeux de mettre l’accent sur un Dieu Justicier, tenant une balance où torts et mérites devaient s’équilibrer.
Et le Dieu amour alors, la tendresse de Dieu pour chacun de nous qu’est-ce qu’on en faisait ?
Rares, très rares sont les pères sur terre qui ont mis leur fils à mort, en les torturant. Ils sont considérés comme anormaux, complètement dénaturés. Dieu le Père ne peut pas, ne peut absolument pas entrer dans cette catégorie.
C’est évident.

Cependant, la phrase est là, dans l’évangile, bien claire, bien précise "Mon Père s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. Pourtant, non pas comme je veux, mais comme tu veux" Mathieu 26, 39. Et plus loin "Mon Père si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté se réalise" et on la retrouve sous des formes équivalentes en Marc 14-26 et chez Luc 22-42. Seul Jean ne la relate pas.

Et une phrase de Jésus ne peut être écartée au motif qu’elle dérange l’idée que je me fais de Dieu, qu’elle ne cadre pas avec ce que je crois savoir de Lui.

Je vous avoue que cela m’a angoissée profondément. Pour moi, c’était sûr, Dieu le Père n’a pas pu vouloir la crucifixion de son Fils. C’était impensable. Alors comment comprendre ce passage de l’Ecriture ?

Et c’est une fois de plus, avec mes amis maristes, avec d’autres aussi que l’éclaircissement s’est fait jour. Dieu trinitaire dans son amour pour nous, a voulu venir sur terre pour bien nous faire comprendre son projet : assurer notre salut. Et le Fils s’est incarné. Mais ce faisant, il prenait un risque, un très gros risque. Presque tous les Prophètes ont eu maille à partir avec leurs contemporains ; insultés, humiliés, bafoués, mis à mort, Jésus n’a pas échappé à cette triste destinée. Mais ce n’est pas Dieu qui organise la mort de ses prophètes. Il peut seulement la prévoir, avec hélas peu de chance de se tromper. Mais ce sont les hommes qui font le mal, qui écartent, au besoin en les tuant, ceux qui les dérangent dans les petites certitudes qu’ils se sont forgées.

Et Jésus, en tant qu’homme, a eu peur de la Passion qui s’avérait imminente, d’où cette prière de supplication ; et on peut facilement s’associer à son angoisse ; nous aussi nous supplions Dieu quand un danger nous menace, c’est humain. Mais la relation privilégiée que Jésus avait avec son Père, lui a permis de se reprendre. Il savait qu’Il devait aller jusqu’au bout de sa mission et nous faire comprendre que son amour allait jusqu’à donner sa vie pour nous et ainsi authentifier son message.

Seigneur, Seigneur, comment n’es-Tu pas découragé par la méchanceté de tes fils. Je suis sûre que si Jésus venait sur terre à notre époque dite civilisée, nous l’écarterions, nous le refuserions, pas en lui coupant la tête sans doute , mais on l’enfermerait dans un hôpital psychiatrique en le droguant pour l’obliger à se taire.

Qui sait ? On l’excommunierait peut-être.

Guerres, massacres, violences, mauvaise répartition des richesses mondiales, on est bien loin du monde de paix, de fraternité que Tu désires.
Alors, Seigneur si Toi, Tu n’es pas découragé par le mal collectif ou individuel que nous commettons, moi j’aurais tendance à l’être.
Redis-moi que le mal ne sera pas vainqueur à la fin des temps.
Ce soir, j’en ai vraiment besoin.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/03/2005