Mon enfant, va à ma vigne

En lisant la parabole du père qui demande à ses fils d’aller à sa vigne, j’ai envie de Te dire, Seigneur, que ta discrétion favorise les mauvaises réactions de tes deux fils. Révérence parler, j’oserais dire que Tu pèches par excès d’humilité, si on peut dire. Passe pour celui qui dit non, mais qui finalement, se met au travail, encore que Tu pourrais lui apprendre à être poli. Mais le second, je ne comprends pas. Tu pourrais y mettre plus de conviction, dans un sens ou dans l’autre : « Mon petit, tu me ferais drôlement plaisir en allant, aujourd’hui, à ma vigne, qui en a besoin de toute urgence. » Ou alors : « Petit, aujourd’hui, toute affaire cessante, tu vas à ma vigne ; je te préviens, si tu refuses, inutile de te présenter à table ; celui qui ne travaille pas, ne mange pas. C’est saint Paul qui te le dit. »
Mais non, Tu te contentes de dire : « Mon enfant, aujourd’hui va travailler à ma vigne. » C’est tout. C’est un peu court, non ? C’est précis, j’en conviens, mais enfin pas incitatif. On dirait presque une prière, et une prière, une sollicitation, une supplique, on se sent libre de l’exaucer ou pas. C’est humain.

Tu estimes que c’est à tes fils de prendre leurs responsabilités. Ils acceptent ou ils refusent. Ils sont libres, entièrement libres.

Et c’est bien là, que le bât me blesse. Que je sois libre de dire oui ou de dire non, ça me plaît tout à fait. C’est conforme à ma dignité. J’aime bien être traitée en adulte. C’est vrai. Seulement à l’époque où je vis, Tu n’es plus sur terre depuis 2000 ans. Et on a du mal à savoir ce que Tu veux. Ça arrive assez souvent. Ça s’appelle le manque de discernement. Quand Jésus parlait, à moins d’être sourd, on l’entendait. Si on n’avait pas bien compris, on pouvait demander à son voisin : « Qu’est ce qu’il a dit ? » et on avait la réponse.
Aujourd’hui rares, très très rares sont les fois où on T’entend réellement avec les oreilles. C’est plutôt par petites touches, par allusions pas très nettes, par réflexion, qu’on pense entendre une petite voie intérieure dont on ne sait pas avec certitude si c’est la Tienne, Seigneur, ou si on s’illusionne. Je t’assure, ça arrive assez souvent. Surtout si on s’est mis, je le reconnais, dans des situations inextricables. Que faire ? C’est coton !

Alors dans le doute, quand on ne sait pas exactement, après avoir pris conseil, après avoir prié, ce qui serait bon qu’on fasse, ne t’étonne pas, Seigneur, si on ne se lance pas, à corps perdu dans telle ou telle activité, surtout si elle est crucifiante, je veux dire très douloureuse.

Je t’assure, Seigneur, ma liberté ne serait pas atteinte si Tu voulais bien être un peu plus audible, et même si Tu répétais deux ou trois fois, ton désir, ta volonté. Tu nous traites en adulte, c’est satisfaisant sur le plan intellectuel, mais sur le plan pratique, pense un peu que nous sommes tes enfants, et les enfants ont besoin de repères, au besoin, lumineux. On est tous un peu sourds, et un peu aveugles. Jésus l’a remarqué. Alors puis je Te demander de tenir compte de nos handicaps. Tes liturgistes l’ont bien compris puisqu’à plusieurs reprises, on trouve une antienne qui me ravit : « Donne-moi Seigneur, la claire vision de ce que je dois faire, et la force de l’accomplir. »

Et continue à nous accorder cette paix irradiante quand, après avoir adopté une solution à première vue pas évidente, Tu nous confortes dans cette idée que c’était la bonne.

Seigneur, donne-moi un cœur qui t’entende.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/03/2008