Merci, mon Dieu !

Quand il m’arrive inopinément une grande joie, sans que je réfléchisse un seul instant, arrive sur mes lèvres un : Merci, mon Dieu ! bien appuyé. Et je ne suis pas la seule. Tout le monde le fait. C’est même devenu une locution banale, dans notre langue française, employée à tout bout de champ !

Dieu merci, il a fait beau ; Dieu merci tout s’est bien passé. Et je ne suis même pas sûre que ceux qui l’emploient ainsi, pensent une seule seconde qu’ils s’adressent à Dieu ; je suis même à peu près sûre qu’ils n’y pensent pas du tout.

Mais moi, j’y pense, j’y pense même tellement que je m’interroge. C’est bien gentil de remercier Dieu quand il m’arrive quelque chose qui me fait plaisir ou qui me fait du bien, mais dans le cas contraire, qu’est-ce qu’il faut dire ?

Ainsi, ces jours-ci quelqu’un qui m’est cher a subi une opération délicate ; on avait même prononcé le gros mot de cancer. Tous ses amis étaient inquiets, sa famille dans l’angoisse... Et puis tout s’est bien passé : opération réussie, analyse rassurante, on s’était traumatisé à tort. On a tous crié : Deo gratias.

Bon, c’est bien beau, mais si ça ne s’était pas bien passé ? Si nos craintes s’étaient révélées fondées, qu’est-ce que nous aurions été autorisés à dire ?

Je sais, il y saint Paul qui dit que la bonne ou la mauvaise santé doivent nous laisser indifférents, il y a même saint François d’Assise qui suavement chante que la joie parfaite pour lui, c’est de rester tout nu, affamé, battu, frigorifié devant une porte qu’on a refusé de lui ouvrir. Mais à mon avis, Seigneur, ton ami est un peu exalté, si pas franchement maso.

De ce côté là, je n’ai pas de reproche à me faire, je ne cherche pas les situations désespérées, je les évite même de toutes mes forces.
Alors, j’en reviens à ma question : Te dire merci quand tout va bien, c’est facile, mais quand tout va mal ?

Seigneur, à mon avis Tu t’es réservé le beau rôle. C’est pas juste.
Ou Tu es responsable du Bon, et il est normal de t’en rendre grâce, mais alors Tu es aussi responsable du moins bon et même du mauvais.
Mais ça je sais que c’est faux, et même archifaux. Dieu ne veut pas le mal, c’est sûr et certain. Dans son amour pour nous, il veut seulement notre bonheur.

Alors que faire ?

Seigneur, je sais au fond que j’ai raison de Te dire merci, de Te faire partager ma joie quand je suis heureuse, comme n’importe quel enfant près de son père.

Mais éclaire-moi sur ce problème du mal, de la souffrance. Ton Fils lui-même n’a pas dit merci au Jardin des Oliviers. Il a dit très normalement : Que cette coupe s’éloigne de moi. Et pour cette parole de Ton Fils, je te dis merci Seigneur, ça le rapproche de nous, il s’est montré humain, totalement humain. Devant la souffrance, devant l’échec, il a eu peur, il a été angoissé. Mais il T’a fait confiance, et je reconnais que cette mort injuste, infamante, dramatique, a eu et a encore dans le temps, un effet bénéfique, admirable. Mais sur le moment, Ton fils a eu peur Seigneur. Il T’a quand même fait confiance.

Est-ce la seule réponse, Seigneur ?

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 26/04/2003