L’incarnation : comment y croire ?

Quelle merveilleuse idée Tu as eue Seigneur de venir sur terre !
Quelle merveilleuse idée, mais aussi quelle folie !
C’était risqué ! Mais non, qu’est ce que je raconte en disant que c’était risqué ; ce n’était pas risqué, c’était certain que ça se terminerait mal.

Mais pour nous, quel réconfort, quelle preuve d’amour !
Souvent je me plains parce que Tu es le Tout Autre, le mystérieux qui me paraît lointain parce que je ne peux pas m’approcher de Toi avec des moyens humains. Qu’est ce que ça serait si Tu n’étais pas venu sur terre partager notre condition humaine ! Jamais sans cela, je n’aurais osé m’adresser à Toi si familièrement. Quelle chance nous avons, nous les chrétiens ! Des témoins dignes de foi T’ont vu, T’ont entendu, touché, et nous ont raconté comment Tu étais, comment Tu réagissais, ce que Tu disais… Quel cadeau somptueux Tu nous as fait !
Et je m’émerveille de voir que pas mal de tes contemporains ont eu une largeur d’esprit telle qu’elle leur a permis d’admettre que Tu n’étais pas seulement un homme mais également le fils de Dieu. Ceux de Nazareth qui T’ont fréquenté pendant une trentaine d’années ont refusé de voir en Toi autre chose que le fils de Joseph et de Marie et ils étaient persuadés qu’ils Te connaissaient à fond. Et il faut dire, à leur décharge et à celle de tous ceux qui T’ont repoussé, que ta double nature n’était pas évidente. D’abord, ils croyaient en un Dieu unique ; ils n’avaient jamais entendu parler du fils de Dieu, et ensuite comment concevoir l’idée que Dieu puisse venir sur terre. C’est proprement incroyable, et je pèse mes mots : incroyable, pas croyable. Comment ont-ils pu se laisser convaincre ?

Souvent dans les Evangiles, on trouve des textes qui soulignent la difficulté des Apôtres à saisir le sens profond de tes paroles, Seigneur. On aurait tendance à les trouver un peu balourds, ces braves gens. Mais par amour pour Toi, car ils T’ont trouvé emballant, ils ont pu surmonter cette difficulté majeure, surtout il est vrai après la Résurrection : Tu n’étais pas seulement un prophète doué de dons extraordinaires, Tu étais Dieu, Fils de Dieu. Ça aussi, ce retournement, est extra-ordinaire.

Il faut vous dire qu’à un moment donné, comme juge, j’ai travaillé à Avignon et professionnellement j’ai rencontré non pas celui qu’on appelait ou qui se faisait appeler le Christ de Montfavet mais trois de ses enfants âgés de 20 à 25 ans à peu près.
Et je me souviens du large et puissant éclat de rire qui a surgi dans la salle quand ces trois jeunes, pour décliner leur identité, ont affirmé : « Nous sommes les enfants de Dieu, le maître du monde. » Il a fallu faire évacuer la salle qui retentissait d’injures et de quolibets. Les enfants devant moi ne bronchaient pas, ils parlaient avec calme et assurance. Humainement parlant, ils étaient beaux. La justice les poursuivait pour trouble à l’ordre public, ça ne les troublait guère.
Je sais qu’en les écoutant, je me suis mise à la place des Apôtres et des gens de Palestine, et je me suis demandé, comment ils avaient fait pour ne pas se moquer de Toi, Seigneur. Quelques-uns T’ont fait confiance, mais pas tous d’ailleurs, loin s’en faut, notamment au moment de la Passion où les soldats romains ont eu la même réaction que les Avignonnais. Pour eux il était clair qu’ils avaient affaire à un homme dérangé.
Alors je me dis qu’il est certainement plus facile aujourd’hui d’admettre, de croire que Tu es Fils de Dieu. Quand on pense que les Apôtres ont eu une sacrée chance de vivre avec Toi, c’est vrai d’un côté, mais d’un autre, c’était hasardeux, pas évident du tout. Et je me demande ce que j’aurais fait, si j’avais vécu à cette époque-là. Pas facile de répondre.
Alors je me prends d’une grande admiration, d’une grande amitié - j’irai jusqu’à dire, d’une grande affection - pour tous ceux qui, du temps où Tu vivais sur terre, ont réussi à faire le saut, en Te faisant confiance. Sûr, ils ont dû recevoir une grâce particulière. Il est vrai que Tu avais si souvent prié pour eux.

Seigneur, aide-moi à T’accueillir aussi simplement aussi largement que l’a fait cette jeune fille que Tu as choisie pour mère et qui a su dire oui.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 01/12/2004