La prière des saints

Seigneur, à la fête de saint Barthélémy, j’ai relevé l’oraison prévue pour ce jour, oraison qui me plonge dans l’expectative.

La voici :
« Fortifie en nous, Seigneur, la foi sincère qui unissait à Ton Fils l’apôtre saint Barthélémy. »
Là, ça va, mais c’est la suite qui m’interroge :
« Maintenant qu’il prie pour ton Eglise, fais qu’elle devienne pour tous les peuples, le sacrement du salut. »

Je ne m’y étais jamais attardée, mais c’est très normal que les saints prient pour ton Eglise. Ça paraît logique, dans la norme des choses.
Seulement, nous sommes en l’an 2000, et je suppose que depuis la Résurrection de ton Fils, et même bien avant, il doit y avoir une ribambelle de saints.
Alors, je me demande ce qu’ils fabriquent, tous ces saints ?

Leurs prières ne me paraissent pas très efficaces, Seigneur, permets-moi de Te le dire. Tu appelles tous les peuples de l’orient à l’occident, du nord au sud, bref tout le monde, et le monde ne va pas bien : guerres, massacres, famines, attentats sont à la une de nos journaux. Et Ton Eglise ne va pas bien non plus, même si elle a fait de sérieux progrès par rapport à l’époque des Borgia, ou même par rapport au temps de l’Ancien Régime, ou même depuis Vatican II. Ses erreurs, ses déviances, pour tout dire, ses péchés sautent aux yeux.

Alors, Seigneur, à quoi sert la prière de ces millions de milliards de saints ?
Qu’est-ce que la communauté des saints, à laquelle je dis croire quand je récite le credo ? Je constate qu’ils nous laissent dans la panade.

Mais au fond, en réfléchissant, je vois qu’une fois de plus j’ai cédé à la tentation. J’aurais aimé que les saints agissent à ma place, et que moi, sans me surmener comme se plaint un de mes petits-neveux qui estime qu’on abuse de lui quand on lui demande de débarrasser non seulement le verre qu’il tient dans une main, mais également son assiette et son couvert, sans me surmener dis-je, j’assisterais béatement à leur triomphe.

Hélas, toujours la même tentation : Seigneur, interviens sur terre, remets de l’ordre, occupe-toi de l’organisation... Comme ça ce sera bien fait. C’est sûr.
Mais Tu as voulu, pour respecter notre liberté, faire de nous des collaborateurs. Ton Fils l’a dit à de multiples reprises : Donnez-leur vous-même à manger, a-t-il dit à ses apôtres au moment de la multiplication des pains. Plus loin je trouve : Il les envoya deux par deux annoncer la Bonne Nouvelle, et enfin : Allez jusqu’aux extrémités de la terre, a-t-il enjoint juste avant l’Ascension.

C’est curieux, Seigneur, ce souci que Tu as de nous associer à ton œuvre de création. D’un côté, c’est sympa, ça prouve que Tu nous prends au sérieux, mais d’un autre côté, Seigneur, c’est risqué, très risqué. Assez souvent, on fait un beau gâchis. Nous sommes un peuple à la nuque raide, a dit la Bible. Ton Fils l’a constaté. Alors, pour en revenir à la prière des saints, je leur demande de nous assouplir pour accomplir ce qu’il nous revient de faire.

Merci quand même pour cette offre d’association, bien qu’à certains moments, ça me paraisse un cadeau empoisonné.

C’est en tout cas assez souvent bien lourd à porter, Seigneur, ne l’oublie pas.

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Françoise REYNÈS

Laïque mariste († 2011).

Publié: 30/09/2003