Merci, les prêtres

Homélie de la Messe Chrismale à Douai Saint-Pierre le 3 avril 2007

Chers amis,

L’huile, on le sait, traverse les cuirs les plus durs. Elle les rend souple, mais pas mous ; elle les rend fermes, mais pas durs. Que l’huile sainte traverse ce soir notre peau de baptisés, de confirmés et d’ordonnés. Qu’elle nous traverse et nous attache plus que jamais au Christ LIBRE qui passe paisiblement entre ceux qui le rejettent de Nazareth. Qu’elle nous traverse et nous attache plus que jamais au Christ qui va jusqu’au bout de sa passion d’aimer et de sauver tout homme, toute femme, même le général syrien et la veuve libanaise, quitte à être arrêté, trahi, renié, fouetté, moqué, écrasé sous la croix, mis à nu et crucifié. Qu’elle nous traverse et nous attache plus que jamais au Christ qui nous offre les deux mots les plus précieux de sa prière : "Père, pardonne leur ils ne savent pas ce qu’ils font", "Père, en tes mains je remets mon esprit".

Ce soir, je veux remercier le Christ pour vous, frères prêtres et diacres, pour vous aussi, frères séminaristes. Nous ne savons pas par avance à quelle conversion nous serons appelés et ce qu’exigera pour nous de suivre le Christ dans les conditions de notre temps. Dans la confiance, nous exposons à Dieu nos manques, nos désirs, nos craintes souvent, nos larmes parfois. Profondément, nous savons que l’Evangélisation est l’oeuvre de l’Esprit, à laquelle nous apportons notre libre collaboration. Même si nous n’y voyons pas clair pour entrevoir la ou les formes de l’Église de demain, même si nous prévoyons que beaucoup de choses changeront encore, nous offrons au Seigneur notre disponibilité d’aujourd’hui, prêts à agir selon ce que l’Esprit nous permettra de discerner, et pleins d’espérance - cette grâce de continuer de marcher quand on en a lourd sur les épaules -, car les promesses du Christ sont solides et fidèles.

Je veux remercier le Christ en particulier pour les frères prêtres « à l’âge de la retraite ». Lorsque je les rencontre, je sens la nostalgie d’une autre époque où la vie ecclésiale était plus gratifiante et dynamique : le temps des patros, le temps des nombreuses équipes de JAC et de JOC, le temps des missions paroissiales, le temps des très nombreux prêtres enseignants ; mais je vois aussi la réalité de leur fidélité en ces temps plus difficiles et leur désir de collaborer toujours, à la mesure de leurs forces. Je prie pour qu’avec eux, nous fassions apparaître davantage le cœur de notre vie et de notre ministère, qu’avec eux, nous prenions conscience que notre ministère nous dépasse et que Dieu sait se servir même de nos pauvretés. Qu’avec eux, nous restions totalement au service des hommes pour le Christ. Est-ce par pudeur ? Par humilité ? Par la trop grande conscience de nos faiblesses ? : nous cachons trop celui qui donne sens à notre vie, à notre service et à nos engagements. Or, nous sommes plus des priants que des faiseurs de cérémonies ; nous sommes plus soucieux d’une vraie communion entre frères que d’organisation ; nous sommes plus préoccupés de la communication de la foi que de l’ordre moral. Et cela n’apparaît pas toujours, tant s’en faut.

Je prie enfin pour que chacun d’entre nous puisse dire au moins à un jeune « Viens et vois ». Viens et vois au-delà de nos faiblesses. Viens et vois Celui qui nous anime, nous relève, nous envoie pour réapprendre à aimer "comme" Il aime. Ne faut-il pas davantage exposer nos personnes que nos fonctions ? Ne faut-il pas davantage conduire à la sainteté de Jésus qu’aux fragilités de nos vies ? Notre ministère est très encombré : que Dieu nous garde du temps pour le contempler, pour regarder le travail de sa grâce dans beaucoup de ceux et celles qui nous entourent, pour admirer la fécondité surprenante de l’Esprit dans les déserts d’aujourd’hui comme dans ceux d’hier. Alors, nous resterons audacieux pour proposer à des jeunes de servir l’Évangile à pleine peau, à plein coeur, à plein temps.

Chers frères prêtres,
Que la parole d’Isaïe nous touche aujourd’hui.
Que l’Esprit du Seigneur nous consacre encore par l’onction.
Qu’Il nous charge encore de porter la Bonne Nouvelle « aux pauvres, aux cœurs brisés, aux prisonniers, aux aveugles ».
Qu’Il nous parfume avec l’huile de la joie de nous savoir aimés.
Qu’Il fasse de nous les "serviteurs de notre Dieu", de ce Dieu unique qui, c’est ainsi que je l’imagine ce soir, enlève délicatement de nos têtes toutes les couronnes d’épines qui pourraient s’y trouver pour nous offrir sa couronne royale.

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Info

Cette homélie doit beaucoup à une lettre pastorale de SAINT-MACARY, ancien archevêque de Rennes.

François GARNIER

Archevêque de Cambrai († 2018).

Publié: 01/07/2007