J’ai bien fait de leur donner un nombril

Au fond, dit Dieu, j’ai bien fait de leur donner un nombril
De leur donner chacun un nombril
Parce que c’est utile
C’est vraiment utile que chacun ait un nombril.
Dans les moments d’abattement
Dans les moments de découragement
Dans les mauvais moments
Il suffit de baisser les yeux
Et aussitôt on ne voit rien d’autre
Que lui
Amical, mystérieux, fraternel.

Oui, dit Dieu, j’ai bien fait de leur donner un nombril.
Bien sûr, ça les empêche quelquefois de voir plus loin.
De voir plus loin que leur nombril.
Mais après tout, sur le nombre
Il y en a toujours quelques-uns
Pour regarder plus loin.

Après tout, ce nombril, c’est moi qui leur ai donné.
Mais quand même, dans mon plan,
Je n’avais pas prévu qu’ils y attacheraient tant d’importance.
Si c’était à refaire, je leur mettrais au milieu du front.
Comme ça, dit Dieu, ils seraient bien obligés
De ne regarder que celui des autres.

Et alors, dit Dieu,
Quand ils seraient convaincus à force de les voir
Qu’il y a des nombrils de noirs
Des nombrils de prolétaires
Des nombrils de célibataires
Peut-être qu’ils oublieraient le leur
Leur nombril d’intimité
Leur nombril de kermesse bien préparée
Leur nombril de charité bien ordonnée.

Mais, dit Dieu, il ne faut pas se faire trop d’illusions
Ils sont tellement habitués à le voir où il est il ne faut pas vouloir tout
changer
D’autant que j’ai dit moi-même
Qu’avant de regarder la paille du voisin
Il fallait penser à la poutre
Et un nombril, dit Dieu, c’est si difficile à nettoyer.

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
Henri DERACHE
Publié: 01/07/2017