Pistes et conseils pour prier le Carême

Le Carême, c’est :

40 jours de préparation

Dans la Bible, le temps d’une maturation se compte en 40 unités. Comme les 40 semaines que passe le petit d’homme dans le ventre de sa mère avant de venir au jour, ou les 40 ans passés au désert par le peuple d’Israël avant d’entrer dans la terre promise, ou encore les 40 jours de jeûne de Jésus avant sa vie publique. Pendant le Carême, les chrétiens se préparent à revivre la Pâque de Jésus. Avec les catéchumènes qui recevront le baptême dans la nuit pascale, tous les chrétiens refont un chemin de conversion, de pénitence, pour une nouvelle naissance. Symboliquement, les dimanches ne sont pas comptés dans les 40 jours : le dimanche commémore la résurrection du Seigneur et le relèvement des chrétiens. Il ne peut être jour de pénitence.

3 sacrements

Baptême, eucharistie, réconciliation : les chrétiens sont invités à vivre intensément ces trois sacrements en Carême, avec l’aide de leur communauté. La fin des 40 jours de préparation à Pâques est le sommet de l’année liturgique : tous sont invités à se rassembler le Jeudi saint au soir, le Vendredi saint, et dans la nuit du Samedi saint au dimanche de Pâques, pour entendre la Bonne Nouvelle de la Passion et de la Résurrection du Christ, le sauveur de tous les hommes.

3 « pratiques »

Dans l’évangile lu le premier des 40 jours, Jésus exhorte à vivre dans le secret du coeur le partage, la prière, le jeûne. Trois attitudes concrètes soulignées au coeur du Carême.

Le Carême, une période formidable !

Ne nous trompons pas !

Formidable, le carême ? Pourtant, dans l’esprit de nombre de nos contemporains, ce temps est associé à l’idée de privation et de pénitence : « avoir une face de carême » c’est « avoir l’air triste » ! Et le mardi gras (la veille du mercredi des Cendres), la mi-carême (au milieu de ces quarante jours avant Pâques), sont apparus pour contrebalancer le caractère rebutant de cette période d’attente. L’Église elle-même a décidé dans sa grande sagesse que les dimanches de carême marqueraient une trêve, et seraient dominés par la joie et l’absence de privation. On y fête, en effet, comme tous les dimanches de l’année, la résurrection du Christ.

Malgré ces initiatives fort louables, il reste cependant plus de trente jours de carême à vivre le mieux possible et il est fortement dommageable pour notre croissance humaine et spirituelle que le carême soit devenu au fil des siècles cette période triste dont on a hâte de sortir. Mais justement, qu’est-ce qui marque la fin du carême ? La Résurrection du Christ. Or « ressusciter » signifie en grec, la langue du Nouveau Testament, « se lever, s’éveiller ». Ainsi, quand saint Paul déclare que nous sommes déjà ressuscités, il signifie par là que nous sommes déjà éveillés, pleinement participants à la vie de Dieu, et que Jésus-Christ nous a mis debout, malgré nos infidélités, nos oublis de Dieu.

Chacun d’entre nous est ainsi appelé tout au long de l’année à vivre en ressuscité, totalement transfiguré par le Christ, sensible à l’Esprit saint dont les fruits sont bonté, joie, paix, patience, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi.

Alors, durant le carême, devons-nous « oublier » que nous sommes déjà ressuscités ? Devons-nous rester sourds aux appels de l’Esprit ?

Bien sûr que non ! Le carême n’est pas là pour nous inciter à nous replier sur nous-mêmes ou à adopter une mine grave et pleine de componction. Il est, bien au contraire, un appel à nous tourner vers Dieu et à le laisser nous transformer. C’est pourquoi, durant la célébration du Mercredi des Cendres qui marque le début du carême, le prêtre grave sur nos fronts, en « lettres de feu », ces paroles : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile », comme pour nous inviter à ne jamais les oublier.

Cet appel à la conversion (c’est-à-dire, étymologiquement, cet appel à nous tourner vers Dieu et à changer de vie), est un appel à vivre de la vie que Dieu nous offre et à laquelle nous demeurons parfois sourds.

De l’image à la ressemblance

« Re-nés » en Jésus-Christ par la grâce du baptême, il nous arrive en effet parfois de ne pas être fidèles à l’alliance que Dieu souhaite librement établir avec nous. Créés à l’image de Dieu comme nous le dit magnifiquement le premier texte de la Bible, la Genèse, nous sommes appelés à la ressemblance avec Dieu. Appelés, comme l’ont dit de nombreux Pères de l’Eglise, à devenir d’autres « christs ». Si nous le souhaitons. Cet appel à devenir parfaits, comme le Père Céleste est parfait, n’est pas réservé à une élite. C’est à chacun d’entre nous qu’il est adressé, et c’est librement que nous sommes appelés à y répondre oui ou non.

Malheureusement, emportés par le tumulte de nos activités, de nos vies, parfois broyés par le tragique de l’existence, il peut nous arriver d’oublier cette main que Dieu nous tend et de prendre peu à peu nos distances avec lui. Coupés de nos racines, nous perdons le contact avec notre origine, et c’est par cette rupture d’alliance consciente, ou négligente, que nous devenons pécheurs. C’est pourquoi l’Église (là aussi dans sa grande sagesse) consciente de la faiblesse humaine, a très vite institué le carême afin de nous permettre de nous remettre régulièrement et de manière forte face à Dieu. La prise de conscience de notre éloignement, de nos ruptures d’alliance, de nos manques d’amour, de notre péché, peut alors entraîner une profonde tristesse qui ne vaut pas pour elle-même.

De l’ombre à la lumière

En effet, cette prise de conscience du réel de nos existences et des zones d’ombres présentes au cœur de chacun d’entre nous ne vaut que parce qu’elle constitue un appel à nous laisser transformer par le Christ, mort et ressuscité pour chacun d’entre nous. Les larmes que nous pourrons alors verser en prenant conscience de nos infidélités volontaires ou involontaires, n’ont de valeur que parce qu’elles lavent notre cœur et effacent la noirceur qui empêchait la lumière de pénétrer au plus profond de notre âme.

Alors, et alors seulement, guidés par le Christ, nourris par les sacrements, nous pourrons, avec l’aide de Dieu, entreprendre ce travail de reconstruction, de restructuration. Ce temps nous permettra de pouvoir dire au Seigneur à voix haute, debout, et les yeux grands ouverts : « Me voici. »

Dès lors, habités par Dieu, qui pourra « établir sa demeure en nous » (comme nous le dit l’Écriture), nous pourrons cheminer, même modestement et lentement, vers la perfection à laquelle Dieu nous appelle. N’oublions jamais que l’Église n’est pas constituée de justes, mais de pécheurs pardonnés ! Ainsi, le carême possède une dimension extrêmement motivante pour chacun d’entre nous. Loin de nous complaire dans la tristesse éprouvée à cause du bien que nous ne faisons pas et du mal que nous commettons parfois, il est invitation à nous remettre entre les mains de Dieu pour être transformés de l’intérieur par sa douceur de Père. Il est aussi l’occasion de cette prise en compte lucide de notre éloignement d’avec Dieu, de notre surdité à ses appels et à sa Parole, entraînant des larmes de regrets qui, au fil des jours, se transformeront en larmes de joies.

Les ailes de la grâce et de l’effort

Mais, pour sortir de nos tombeaux, il nous faut laisser sa place à la grâce sans négliger pour autant un effort indispensable de notre part, « la grâce et l’effort constituant les deux ailes d’un même oiseau », comme l’a si bien dit un mystique chrétien.

Nous sommes donc appelés durant le carême à redécouvrir un mot trop longtemps mal utilisé : l’ascèse ! Ce mot, perverti au fil du temps, signifie en grec « entraînement, exercice, pratique, genre de vie ». L’ascèse possède une dimension extrêmement dynamique. Elle nous hisse vers le haut et nous pousse à aller de l’avant avec le Christ. On peut donc regretter qu’elle soit devenue synonyme de frustration et rebute la plupart de nos contemporains.

Bon carême !

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Patrice GOURRIER

Prêtre, psychologue clinicien.

Publié: 01/02/2018
Les escales d'Olivier