Quid de la prière scoute ?
Tu le sais Seigneur, depuis que j’ai décidé, en raison de la lenteur de mes réflexes, de ne plus conduire, je suis à la merci de tous les parents et amis, à qui je suis obligée de faire appel pour être voiturée ici ou là. Et le proverbe : « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » me saute aux yeux, j’ai souvent, très souvent l’occasion d’en vérifier la justesse. En effet, je suis mal à l’aise pour demander de l’aide. À de multiples reprises, je préfère rester seule chez moi me privant de rencontres enrichissantes, ce qui est désolant, j’en conviens. II faut dire aussi que je fais partie d’un groupe de prière vieillissant, et nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus conduire, ce qui devient lourd pour les plus valides d’entre nous. D’autant que certains n’ont, à mon avis, aucune vergogne à réclamer des covoiturages nombreux pour des destinations éloignées, à des heures tardives. J’estime que c’est un peu sans gêne. Mais d’un autre côté...
Comme j’expliquais mon problème à une amie, elle m’a fait une réflexion qui m’a grandement ouvert les yeux. Elle avait remarqué que certaines personnes avaient été si complètement généreuses du temps de leur pleine activité, qu’elles avaient tendance à penser que tout le monde leur ressemblait et qu’il était donc parfaitement normal de solliciter de l’aide, quand elles en avaient besoin. Mon amie a même ajouté que le quémandeur donnait ainsi aux personnes sollicitées l’occasion d’agir en bon Samaritain, ce qui est une occupation recommandée par Toi, Seigneur. À croire, en forçant un peu son propos, que quand on demande à quelqu’un de faire œuvre de charité, ce serait à ce quelqu’un de remercier le quémandeur ! Blague à part, ça m’a drôlement interpellée !
Tu ne seras quand même pas surpris, Seigneur, si je Te dis que jusqu’ici mes chauffeurs bénévoles ne m’ont encore jamais remerciée. Est-ce qu’on aurait du mal à entrer dans Tes vues ? Je ne le pense pas, puisque Toi-même Seigneur, quand Tu as guéri les dix lépreux, Tu as été déçu de ne recevoir qu’une seule action de grâce. II est donc normal pour moi d’admirer la générosité de mes transporteurs et de leur en être reconnaissante, en leur parlant peut-être du bon Samaritain, histoire de les faire sourire.
Mais comment analyser ma relative discrétion dans mes demandes ? Comme la preuve de ma très relative générosité du temps où j’étais apte au service ? Sans doute il y a de ça. Pourtant formée par le scoutisme, le service rendu à autrui m’a toujours paru aller de soi. Tout au moins dans ma tête, mais dans la pratique, la BA journalière était le plus souvent décrétée par moi, à mon rythme, à ma convenance. Je n’aurais pas aimé être vraiment dérangée par une demande intempestive. Ça ne m’empêchait pas d’estimer que question générosité, j’étais plutôt à l’aise. Généreuse, moi ? Oui dans un certain sens, mais dans des limites raisonnables.
Or la prière scoute est ainsi rédigée : « Seigneur apprenez-nous à être généreux... à donner sans compter... » Sans compter, je suis loin du compte ! Ce n’est pas pour rien que j’ai été élevée dans une famille bourgeoise où la notion d’économie est une valeur à respecter.
Or Toi, Seigneur, Tu es d’une générosité folle. On pourrait même T’accuser de prodigalité (voir le frère aîné de la parabole du fils prodigue). Alors Seigneur, apprends-moi au moins à ne pas critiquer ceux qui, avec grande confiance, font appel à leur entourage, ayant la simplicité de reconnaître qu’ils sont diminués et ont besoin d’aide.
Seigneur, j’ai encore beaucoup à apprendre. Malgré mon âge respectable, il va falloir que je retourne à l’école. Et comme je ne dois pas être la seule, je Te dis : Seigneur, apprends-nous !
Laïque mariste († 2011).
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