Protestants et catholiques s’accordent sur Marie

Entre catholiques et protestants, les positions sont en train de bouger. Le récent document sur Marie, publié par le Groupe des Dombes, en est un nouveau signe. On ne saurait assez souligner l’importance de ce texte. Non pas qu’il supprime d’un trait de plume tous les points de divergence. Mais, estiment les auteurs, on peut être en communion sans partager une foi uniforme. "Nous croyons en des termes qui se veulent non. pas conciliants, mais accueillants." Cet accueil réciproque devrait être possible au sujet de la place que les uns et les autres reconnaissent à Marie dans le dessein de Dieu, en dépit des divergences.

C’est ce qui ressort du présent document. Deuxième étape d’une recherche qui avait commencé par scruter : l’histoire et l’Ecriture, il ne fait l’impasse sur aucune des questions controversées - la "coopération" de Marie au salut, sa virginité perpétuelle, l’Immaculée Conception et l’Assomption, ou encore la vénération de Marie - pour conclure, au terme d’une confrontation des positions respectives, qu’aucune de ces questions ne justifie les divisions entre les Eglises. L’argumentation, aussi audacieuse que rigoureuse, ne laisse rien au hasard.

Pour faire progresser le débat, le Groupe des Dombes fait jouer deux principes, désormais acquis : la justification par la grâce moyennant la foi, principe intangible pour les protestants, et la "hiérarchie des vérités", principe posé par le Concile de Vatican II, Le premier a permis un accord substantiel sur la "coopération" de Marie à l’oeuvre du salut : Marie y intervient non pas du côté du sauveur, mais des sauvés. Le second, qui évite de mettre tous les énoncés de foi sur le même plan, exclut de considérer la foi et la piété mariales comme des tests décisifs de l’appartenance à la foi chrétienne.

Un obstacle à l’unité

Prenons les deux dogmes controversés - Immaculée Conception et Assomption - qui n’ont jamais reçu l’aval des protestants. Ira-t-on jusqu’à en faire un obstacle à l’unité ? Le Groupe des Dombes répond clairement par la négative. Bien que l’église romaine les considère comme partie intégrante de sa foi, ces dogmes n’en sont pas le foyer incandescent, encore qu’ils n’y soient pas étrangers. A preuve : la foi a pu s’exprimer pendant des siècles sans que ces deux dogmes aient été définis et ne s’imposent. Ils n’ont été proclamés qu’après la séparation. On ne devrait donc pas exiger des protestants qu’ils y adhèrent formellement.

Voici comment s’exprime le Groupe des Dombes : "Sur le plan dogmatique, la proclamation des dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption concerne la seule église romaine qui les a formulés. Dans la mesure où cette église s’estime engagée par ses propres déclarations sur la "hiérarchie des vérités", elle devrait reconnaître que ces deux dogmes, puisqu’ils n’appartiennent pas à l’expression commune de la foi au moment des séparations, ne peuvent obliger les autres chrétiens." Et d’ajouter : "Ce qui n’a pas été un problème de foi mais d’opinion théologique dans l’Eglise pendant dix-neuf siècles ne saurait être estimé au XXème comme un point séparateur."

A réciprocité pour les protestants "de ne pas les juger contraires à l’évangile ni à la foi, mais de les considérer comme des conséquences libres et légitimes de la conscience catholique sur la cohérence de la foi". Mais ils devront aussi "accepter que leur frères catholiques les considèrent comme dogmes de foi", et que leur interprétation ne comporte "rien qui soit contraire à l’annonce évangélique". "En ce sens, ces dogmes n’engendrent pas de divergence séparatrice." Les protestants sont également invités à "sortir de leur réserve prudente et à redonner à Marie sa vraie place dans l’intelligence de la foi et dans la prière de l’église".

Exprimer ses convictions

Le Groupe des Dombes fait œuvre de pionnier. Mais sur chacune des questions controversées, il donne à chacun le temps d’exprimer ses convictions. On voit ainsi tomber pas mal de préjugés, Mais il ne se limite pas à la seule réflexion théologique. L’obstacle est aussi "affectif". Chacun est invité à changer d’attitude, à se convertir non pas à la position de l’autre, mais à une écoute plus fidèle de la Parole de Dieu, dans le respect de ce que l’Esprit dit à l’autre et par l’autre. Au sujet de Marie, une conviction commune se dégage pour le Groupe : "Tout notre travail a montré que rien en Marie ne permet de faire d’elle le symbole de ce qui nous sépare."

Fondé en 1937 et regroupant des théologiens catholiques et protestants, le Groupe des Dombes - du nom de la Trappe des Dombes (Ain) où il se réunit -, n’en est pas à un coup d’essai. Il a déjà plusieurs accords majeurs à son actif ; l’eucharistie (1972), les ministères (1973), les sacrements (1980), le ministère de communion dans l’Eglise universelle (1986), etc. Sans revêtir un caractère officiel, ces accords ont toujours eu un retentissement considérable. Celui que le Groupe des Dombes vient de réaliser au sujet de Marie est un modèle du genre : ils indiquent la seule issue aux impasses doctrinales. Un pas de géant vient d’être accompli sur la voie de l’unité.

On peut lire :

 Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints

  • Dans l’Histoire et l’Ecriture, 100 pages
  • Controverse et conversion, 103 pages

Bayard Editions/Centurion. Le texte sera publié dans "La Documentation Catholique"

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Marcel NEUSCH a.a.
Publié: 25/01/1998
Les escales d'Olivier