Différentes lectures de Caritas in Veritate (l’amour dans la vérité)

C’est la première encyclique sociale de Benoît XVI : Deus Caritas est ( Dieu est Amour) et Spe salvi facti sumus (Dans l’espérance nous avons tous été sauvés) (publiées en 2006 et 2007) étaient plus « théologiques ». Elle reprend des passages de de l’encyclique Populorum Progressio (Paul VI, 1967). Elle évoque aussi certains aspects du développement durable dans le respect de la dignité de l’homme.

Elle est adressée non seulement aux clercs et laïcs -sous entendu catholiques- mais aussi à tous les hommes de bonne volonté. Toutefois la bonne volonté ne suffit pas pour parvenir à lire ce texte dans sa totalité, il faut aussi une bonne dose de persévérance. Des théologiens patentés, dont un doyen de faculté de théologie, reconnaissent que certains passages nécessitent trois voire quatre lectures avant compréhension. D’autres font remarquer qu’elle contient des parties de deux factures sensiblement différentes : l’une théologique et l’autre plus sociale, imbriquées l’une dans l’autre et que l’étape d’unification du texte a manqué
On trouvera six commentaires (majoritairement « à chaud ») épiscopaux de cette encyclique sur le site de la cef,
y compris un commentaire de Benoît XVI lui-même dans lequel il souligne
* qu’ il faut des « hommes justes en politique comme en économie, avant tout attentifs au bien commun ».,
* « l’urgence qu’il y a à sensibiliser l’opinion publique au drame de la faim et à la sécurité alimentaire. Il faut traiter la question avec décision en éliminant les causes structurelles de cette situation et en favorisant le développement agricole des pays pauvres"
* . Et que l’économie « a besoin de l’éthique pour fonctionner correctement, mais aussi du principe de gratuité et de la logique du don dans une économie de marché où le seul profit ne peut être la règle.

Jean-Marie Le Gall, dans sa lecture, relève l’ insistance du pape sur une logique de la gratuité et du don pour équilibrer celle du marché, même régulé par l’état. Il cite les n°34 : « Parce qu’elle est un don que tous reçoivent, la charité dans la vérité est une force qui constitue la communauté, unifie les hommes, de telle manière qu’il n’y ait plus de barrières ni de limites » et : « La vie économique a sans aucun doute besoin du contrat pour réglementer les relations d’échange entre valeurs équivalentes. Mais elle a tout autant besoin de lois justes et de formes de redistribution guidées par la politique, ainsi que d’œuvres qui soient marqués par l’esprit du don »

Le cardinal Barbarin voit cette encyclique comme une méditation ouverte, qui invite à ne jamais dissocier la vérité de la charité, pour parvenir à l’« élargissement de la raison » . Ainsi à l’écologie de l’environnement doit correspondre une écologie de l’homme : « Exiger des nouvelles générations le respect du milieu naturel devient une contradiction, quand l’éducation et les lois ne les aident pas à se respecter elles-mêmes »
Si dans l’introduction le pape dit que « L’Église n’a pas de solutions techniques à offrir »
il pose toutefois clairement les notions de justice et de bien commun, à partir desquelles il ne craint pas d’entrer dans des considérations très pratiques, en interrogeant par exemple sur la pertinence de la distinction entre entreprises « à but lucratif » et organisations « à but non lucratif » (n° 46), ou sur des organismes de coopération internationale qui consacrent une large part de leur budget à s’auto-alimenter, ou encore sur une conception de l’éthique environnementale aboutissant « soit [à] considérer la nature comme une réalité intouchable, soit, au contraire, [à] en abuser » (n° 48) .
Le Cardinal Barbarin relève la formule-choc : « Le faire sans le savoir est aveugle, et le savoir sans amour est stérile » (n° 30)

Pour Michel Dubost, qui ne donne pas une réaction « à chaud » mais donne un éclairage fourni de ce texte, la particularité de « Caritas in veritate » est d’inciter à l’action : elle n’est pas d’abord une méditation, ou une réflexion mais elle est une invitation à se développer, à grandir ; elle est un formidable appel à la conversion. et le chemin indiqué pour parvenir à cette conversion est d’abord celui du renouvellement de l’intelligence, renouvellement qui a sa source dans la contemplation du mystère de Dieu. Pour répondre à la question « qui est mon prochain » l’encyclique préconise trois chemins : prière, réflexion et action.

Pierre de Charentenay, sj , rédacteur en chef de la revue « Études » donne à "la croix", début octobre son décryptage, relevant que la nouveauté de cette encyclique réside dans l’introduction de la notion de gratuité et de don.

Les Semaines Sociales de France proposent un commentaire de Jérôme Vignon, leur président. L’accent est d’abord mis sur l’influence que le pape voit au relativisme culturel
Le même Jérôme Vignon , dans les Echos en donne un commentaire plus à destination des économistes.

On trouvera un autre commentaire à trois voix sur le site du CERAS

Plus critique, le site lumen vitae, pour sa part, propose des analyses et commentaires de Philippe Lamberts, député européen écolo, et de Jean-Marie Faux s.j, théologien.



Le texte de Philippe Lamberts souligne tout l’apport positif de l’encyclique. Celle-ci énonce les conditions indispensables pour résoudre les crises du développement présent. Elle indique des balises claires et des pistes d’action qui font sens. Mais, selon l’auteur, l’encyclique manque de sens de l’urgence. Elle est une contribution réflexive plus qu’un appel à la mobilisation de toutes les énergies. L’auteur marque aussi son désaccord avec l’affirmation selon laquelle, sans Dieu, l’homme ne peut fonder un humanisme véritable. 
 


Jean-Marie Faux note le caractère résolument théologique du texte. Il s’appuie de part en part sur les Ecritures et la Tradition. Il insiste en particulier sur le caractère indissociable de la charité et de la vérité. L’encyclique développe une anthropologie catholique. La crise économique et financière renvoie plus profondément, selon le pape, à une crise plus fondamentale qui touche à la manière dont l’homme se comprend. Le document met, à cet égard, la personne au centre. Mais, en remontant ainsi jusqu’aux principes et au fondement, le document reste en retrait par rapport aux structures et aux mécanismes de la société. Il risque de s’éloigner des réalités concrètes et de ne pas dénoncer avec suffisamment de clarté et de vigueur les dysfonctionnements réels de la société dont les conséquences sont dramatiques.

Le doyen de la faculté de théologie propose lui aussi une lecture complète et parfois critique de cette encyclique , texte téléchargeable en http://theologie.icl-lille.fr/documents/questiondebat/Caritas%20in%20Veritate%201.pdf

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Catherine PRIESTER

Equipe de PSN

Publié: 01/02/2010