La Pentecôte

Merci de donner à une sœur du Cénacle d’essayer de balbutier quelque chose de cet événement capital que fut la Pentecôte.

Mais que s’est-il passé juste avant ?

« Au cours d’un repas que Jésus prenait avec ses apôtres, il leur commanda de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre la promesse du Père, celle, dit-il, que vous avez entendu de ma bouche : Jean a bien donné le baptême d’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours… » et avant de s’élever au ciel, il ajouta : « Vous allez recevoir une puissance, celle du saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » Ac.1,4-5,8.
« Quittant alors la colline appelée Mt des Oliviers, il regagnèrent Jérusalem…
Ils montèrent dans la chambre haute où ils se retrouvèrent. Il y avait là : Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le zélote et Jude fils de Jacques. Tous unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes dont Marie mère de Jésus et avec ses frères. » Et quelques versets après, nous apprendrons que cette communauté était d’environ 120 personnes.
Nous aussi, en venant ce soir à St Géry, nous sommes montés dans la chambre haute et nous allons contempler, mais aussi participer à ce qui s’y passe.
Et nous allons essayer de le faire avec les yeux et le cœur de Marie

A plusieurs reprises au cours de sa vie avec des disciples, Jésus leur a fait une promesse : celle d’envoyer l’Esprit Saint, mais au soir de son retour vers le Père, cette promesse se fait plus certaine, plus urgente.
Et c’est à ce moment même, que Jésus disparaît de leurs yeux.
Comment la foi des disciples encore si fragile, va-t-elle franchir cette nouvelle épreuve de l’absence, du doute, du désarroi ?
Marie est là, Marie veille. Marie qui a reçu la promesse de l’Esprit et qui y a cru : 
« L’Esprit saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre » Lc 1,35. Marie a vécu toute l’attente de la réalisation de la promesse faite à son peuple. Et parce qu’elle a cru, par ce qu’elle s’est livrée au jour le jour à l’action de l’Esprit Saint, la promesse a pu se réaliser en elle, prendre chair en elle. Promesse dont le nom est Jésus.
Une question nous est peut-être posée ce soir : ma vie quotidienne est-elle animée par cette foi en la promesse de l’Esprit ? est-elle traversée par cette espérance, au delà de tout ?

Ils montent dans ce Cénacle, où ils se tenaient habituellement, tout pleins d’incertitude, et sans doute aussi de peur. Ils se tiennent là et c’est la prière qui les maintient ensemble, une prière insistante, peut être même un cri
Ils se tiennent là, faisant mémoire de tout ce qu’ils ont vécu avec Jésus, reçu de Jésus, tout ce qu’ils sont devenus au long de ce cheminement de trois années avec Lui. Mais Lui, il n’est plus là. Les disciples ne voient plus son visage, n’entendent plus sa voix.
Marie elle, est là, Marie qui a écouté, vu avec son cœur, Marie qui a gardé tous les évènements, les paroles de son Fils en son cœur, et parfois elle aussi, sans rien comprendre. Marie est là, elle va avec eux faire mémoire de tous ces évènements, de toutes ces paroles. Ils vont ensemble les retraverser, les relire, les partager. Ils vont laisser peu à peu, comme Jésus l’a fait avec les compagnons d’Emmaüs, laisser la Parole et la lumière du Ressuscité revisiter les faces ténébreuses et les faces lumineuses de ces trois années de compagnonnage avec Jésus.
Une question : quand le doute, l’incertitude, la peur m’habite… quelle place prend la prière, prière instante ? peut-être même le cri, tel les psaumes ?
Quelle est la place de la relecture de vie, seul, en équipe ? la place de la confrontation de ma vie, des évènements, avec la Parole de Dieu ?

Marie est là, elle n’est plus seule comme lors de la première irruption de l’Esprit, à l’Annonce de l’ange. Elle est au milieu de ces hommes et de ces femmes qui vacillent entre doute et foi.
Et là, elle demeure la femme qui enfante.
Il y a encore un corps à mettre au monde par la force de l’Esprit, l’Eglise.
Elle est, là encore, la femme en état d’enfantement ; et ce n’est pas par hasard que beaucoup de reproductions représentent Marie au Cénacle enceinte.
Elle continue de mettre au monde le corps de son Fils, par la force de l’Esprit, ce corps qui est l’Eglise.
Marie est là, elle attend son heure, elle attend en espérant.
Les femmes savent ce qu’est « attendre » dans la douleur et dans l’espérance.
Une question : comment être moi aussi, personnellement, en équipe ou communauté à l’affût de ce qui est en germe, de ce qui veut naître de neuf en moi, dans les autres, dans mon quartier, dans l’église, dans le monde ? comment être guetteur de vie, annonceur du jour accoucheur de ce qui voudrait naître ?

Temps du Cénacle où Marie apprend à cette communauté déjà formée et encore à naître, à « s’encourager mutuellement chaque jour et tant que dure cet aujourd’hui… », Marie leur apprend à « garder indéfectible la confession de l’espérance car celui qui a promis est fidèle », selon la lettre aux Hébreux 3,13 ; 10,23. Et Marie ne peut douter de la fidélité de Dieu.

Et voilà que cette traversée du doute, de la peur, de la désespérance peut-être, vécue ensemble dans l’attente qui creuse le désir, dans la prière qui persévère, dans le partage et l’encouragement mutuel à espérer contre toute espérance, cette traversée avec Marie, mère de Jésus et quelques femmes, arrive à son terme.
Un espace s’ouvre à une nouvelle création.
L’Esprit qui planait sur les eaux, surgit à nouveau.
L’Eglise à naître voit son heure arriver.
L’Esprit de feu embrase la communauté tremblante et la projette dehors, hors de ses murs.
Ce Jésus, vécu comme absent, se révèle comme un feu, non pas devant eux, tel le buisson ardent, mais brûlant en leur cœur.
Jésus n’est plus le compagnon qui fait route avec eux, il est en eux.
Le Verbe de Dieu a pris chair en eux, ils deviennent eux-même Parole.
Jésus n’est plus le ressuscité qu’ils ont du mal à reconnaître, l’Esprit fait d’eux des ressuscités que le doute et la peur ont abandonné.
Ce temps de retrait, de retraite au Cénacle à ouvert en eux un tel espace que l’Esprit peut fondre sur eux et qu’ils deviennent temple de l’Esprit.
Ils étaient hors de la foule réunie à Jérusalem et voilà que l’Esprit les propulse au cœur de cette foule disparate, multiple.
L’heure est venue, et c’est aujourd’hui, de laisser le feu qui les brûle se propager jusqu’aux extrémités de la terre, ils ne peuvent plus le retenir, le contenir. Tel Jérémie « C’était en mon cœur comme un feu dévorant , enfermé dans mes os, je m ‘épuisais à le contenir », en vain Jr 20,9. Parole risquée, Jérémie en a fait les frais, les disciples le savent, les moines de Tibhirine le savaient, nous le savons, surtout quand la parole prend chair dans notre vie. Il est si facile de la taire ou de l’effacer de nos vies.
Mais ce soir nous ne voulons plus nous taire, nous ne pouvons plus l’empêcher de prendre chair en nos vies. Nous voulons rejoindre St Jean :
« Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, car la vie s’est manifestée, nous l’avons vue et nous en rendons témoignage… ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils, Jésus-Christ. »1Jn 1,1-3.

Et cette foule, venue de toutes les nations qui sont sous le ciel, en cette fête de Pentecôte à Jérusalem, ne s’y trompe pas. Il ne s’agit pas d’un discours de docteurs de la loi, ils sont devant les témoins d’une expérience, d’une expérience contagieuse, dans laquelle, au delà de la diversité des langues, ils se sentent embarqués. Ils sont devant des hommes et des femmes transpercés par une parole qu’ils ne peuvent contenir, qui les dépassent infiniment et qui rejoint chacun, tel qu’il est, quelqu’il soit. Ils ne peuvent rester neutres, soit ils cherchent un échappatoire avec un bon motif : « ils sont plein de vin doux », soit ils ont eux-aussi à se prononcer, à prendre le risque d’un oui ou d’un non, à prendre le risque de « naître ».
Car la Pentecôte est une nouvelle création, un nouveau baptême, une nouvelle naissance, une nouvelle « mise au monde » et c’est aujourd’hui qu’elle se vit, en chacun de nous, en notre Eglise, en notre monde si nous nous laissons bousculer par l’Esprit.
Et je voudrais terminer par ces mots de notre évêque à la fin de l’homélie de Pentecôte au stade Nungesser :
« Avec Marie et les Apôtres, nous voilà appelés à trouver notre force dans l’Esprit Saint de Pentecôte. Qu’il fasse de nous des « baptisés gonflés », témoins inusables animés par l’Esprit Saint. Quelles que puissent être nos épreuves, qu’il demeure la source de notre joie de croire et de notre courage pour servir notre monde. »

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Chantal DE LA FORGE r.c.

Religieuse à la Maison du diocèse de Cambrai à Raismes, France

Publié: 01/05/2012