Traces historiques de l’Exode

L’influence considérable que la Bible accorde à cet événement contraste avec la faiblesse des informations historiques qui s’y rattachent directement.
Des migrants venus de l’est ?
La question des fondements historiques de l’Exode est à replacer dans le cadre de la présence en Egypte de peuples "asiatiques", dont les Hébreux.
A plusieurs reprises, les Egyptiens ont subi d’importantes migrations de populations venues de l’est. Pendant les sécheresses, certains nomades fuyaient vers les terres plus arrosées du Delta afin de sauver leurs troupeaux. Cette pratique est mentionnée autant par la Bible (à propos de Jacob en Gn 41 à 47) que par des textes égyptiens comme le papyrus Anastasi VI (fin 8ème siècle). Par ailleurs, dans les archives d’El Amarna, ville capitale du pharaon Akhénaton, on trouve trace de déportations d’esclaves venus de Sichem ou de Gezer. Les grandioses politiques architecturales des pharaons nécessitaient en effet une main d’oeuvre considérable. On n’est donc pas étonné d’apprendre en Ex 1,11 que les Hébreux ont construit les villes entrepôts de Pitôm et Ramsès (ou Pi Ramsès).
La mention de ces villes pourrait offrir une indication pour dater l’Exode. En effet, Pi-Ramsès a été fondée dans le Delta oriental au début du règne de Ramsès II vers 1290 et elle est abandonnée un peu après 1100. Comme la stèle de Merenptah atteste en Canaan vers 1220 la présence d’une peuplade appelée "Israël" on en conclura que l’Exode a pu avoir lieu entre 1290 et 1220, sous Ramsès II ou son fils Merenptah. Mais les choses ne sont pas aussi simples.
L’expulsion d’une partie des tribus ?
Relevons d’abord une hésitation du texte biblique. On dit parfois que les fils d’Israël se sont enfuis (cf. Ex 14,5) et parfois qu’ils ont été expulsés (cf. Ex 12,31 où Pharaon leur demande de partir).
Or l’expulsion d’étrangers était pratiquée par les Egyptiens lorsqu’ils craignaient la conjonction d’une menace extérieure avec des étrangers de l’intérieur. La mise à mort des enfants racontée en Ex 1 aurait été une première sanction dirigée contre une population devenue dangereuse. Et l’expulsion, l’ultime mesure pour se défaire des indésirables. D’où l’hypothèse récemment soutenue : il faudrait rapprocher l’allusion à la "semence" d’Israël anéantie par Merenptah du massacre d’Ex 1. Evidemment, l’expulsion des Hébreux travaillant à Pi-Ramsès se placerait alors bien plus tard, par exemple vers 1190 sous le règne troublé du pharaon Sethnakht.
Quoi qu’il en soit, la plupart des historiens sont aujourd’hui d’accord pour dire qu’il y aurait eu à l’époque deux groupes de "fils d’Israël", séparés mais gardant des liens : ceux esclaves en Egypte et ceux qui habitaient au pays de Canaan. Le peuple d’Israël est né, comme peuple, quand les tribus expulsées - ou en fuite - ont rejoint les autres. Car on ne peut nier une "sortie d’Egypte" sous la conduite d’un chef nommé Moïse. Par-delà leurs variations, toutes les traditions bibliques l’attestent. Mais il est difficile de définir aujourd’hui plus avant les contours historiques de l’événement.
Par quel chemin ?
Si les Hébreux ont été expulsés, la route logique était celle, dite "des Philistins", qui longe le lac Serbonis. Ajoutons que les abords de celui-ci sont dangereux (sables mouvants). Par contre des fuyards auraient eu avantage à prendre l’une des routes du désert, plus difficiles, où ils avaient moins de chance d’être rattrapés (cf. la carte). Quand à la mer traversée, il ne peut s’agir de l’actuelle mer Rouge dont le nom vient d’une mauvaise traduction de l’hébreu "mer des roseaux". Or il n’y a pas de roseaux sur les bords de la mer Rouge ! Mais il y en a, au-dessus de Suez, près des lacs Amers, du lac Ballah, etc. Dans la mémoire d’Israël, les lieux et les dates se sont estompés. Entre les faits et le texte que nous lisons, il y a un écart d’au moins 600 ans ! Mais l’essentiel a subsisté : la reconnaissance du salut donné par le Seigneur.
Quelques pharaons
– 1364-1347 : Akhénaton (Aménophis IV)
– 1347-1338 : Toutankhamon
– [...]
– 1290-1224 : Ramsès II
– 1224-1201 : Merenptah
– [...]
– 1185-1182 : Sethnakht
– 1182-1150 : Ramsès III
Bibliste, spécialisée dans la vulgarisation biblique
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