Louis IX dit Saint Louis (1214-1270)

Contexte. La France est morcelée en de nombreux comtés et duchés, dont un grand nombre sont des vassaux anglais. Le territoire royal se limite à une étroite bande allant d’Amiens à Bourges. Philippe Auguste († 1223 du paludisme à 57 ans), par la victoire de Bouvines (1214) sur Jean Sans Terre et Otton IV, empereur germanique, annexe la Normandie, l’Anjou. L’université de Paris en laquelle enseigne Thomas d’Aquin rayonne sur toute l’Europe.

Jeunesse. Louis IX dit « le Prudhomme » est né le 25 avril 1214 à Poissy, quelques mois avant la victoire de son grand-père qu’il connut. Il est le deuxième fils de Louis VIII et de Blanche de Castille, nièce du roi anglais Jean sans Terre, qui lui donne une éducation stricte et très pieuse. Il hérite de la couronne à l’âge de 12 après la mort de son frère aîné (1218) et de son père en 1226. Sacré en la cathédrale de Reims, la régence est confiée à Blanche de Castille jusqu’à sa majorité. Elle doit faire face à des coalitions de barons souhaitant prendre le pouvoir. Louis alors âgé de 16 ans, prend la tête de l’armée. A sa majorité en 1234, il épouse Marguerite de Provence qui n’a alors que 13 ans. Faute de descendance masculine, la Provence sera rattachée ultérieurement au royaume de France. Le mariage est célébré en la cathédrale de Sens. Onze enfants en naquirent dont 6 garçons ; le second lui succédera sous le nom de Philippe III, dit le Hardi. D’une grande piété, lisant chaque jour les Heures », même à cheval, écoutant deux messes chaque jour, se soumettant à un régime sévère bien que de constitution fragile, Louis acquiert une réputation de sainteté. Il fonde des instituts pour les aveugles, les lépreux, invite les pauvres à sa table. Depuis Clovis, le roi avait la réputation de guérir par le toucher les écrouelles, inflammations purulentes des ganglions du cou.
Louis IX achète en 1239, pour la somme astronomique de 11 millions d’euros, la couronne d’épines attribuée au Christ, conservée jusque là à Constantinople, et pour laquelle il fait construire la Sainte Chapelle consacrée en 1248.

Conflits. Louis IX fut un grand apaiseur dans tous les conflits qui ne cessèrent d’éclater entre ducs, comtes et barons, conflits liés à des revendications maritales et à des convoitises territoriales. Ainsi les barons de Saintonge et du sud se mobilisent contre le roi avec l’appui d’Henri III, roi d’Angleterre. Louis IX les soumet à la bataille de Taillebourg en Charente (1242). Il a raison de la coalition menée par Raymond VII de Toulouse engagé dans la campagne des Albigeois. Il faut attendre le 28 mai 1258, pour que Louis IX et Henri III signent le traité de Paris, mettant fin au conflit entre Capétiens et Plantagenêts concernant les terres conquises par Philippe Auguste. Le duché de Guyenne (des Pyrénées atlantiques jusqu’à Limoges) reste fief du roi d’Angleterre, vassal de Louis IX. Il intervient encore dans le conflit qui opposait le pape, réfugié à Lyon, à Philippe II. Sa renommée parvient jusqu’aux oreilles du Grand Mongol.

Première croisade (1248-1253). A cette époque, les épidémies de dysenterie due à l’eau polluée décimaient les armées. Pendant la dernière campagne, le roi en est atteint, s’en relève mais rechute gravement en 1244. Son père en était mort au retour de la croisade contre les Albigeois. Il s’en remet miraculeusement et décide, contre l’avis de ses pairs, de partir en croisade pour reconquérir Jérusalem qui venait d’être reprise par les Sarrasins. Le 25 août 1248, il s’embarque, avec sa famille, sauf sa mère à qui il a confié la régence du royaume, sur 38 grands bateaux, des centaines plus modestes, 25 000 hommes, 8 000 chevaux, à Aigues Mortes qu’il avait fait aménager comme port pour ne plus dépendre de la marine génoise. Arrivé en Egypte en 1249, après la prise de Damiette et la défaite de Mansourah, il est fait prisonnier mais libéré un mois plus tard contre rançon. Il parvient à Acre, y séjourne, y apprend en 1254 la mort de sa mère. Le roi revint très affecté et plus décidé à faire régner l’austérité au palais. Pendant son absence a lieu la « croisade des pastoureaux », des petites gens bien intentionnées mais bientôt infiltrées par des brigands avides de pillages dont 12 furent jugés et pendus par Blanche de Castille.

Réformes. De retour à Paris, très marqué par l’échec de la croisade, Louis IX va promulguer la « Grande Ordonnance », ensemble de mesures destinées à rétablir la moralité publique et à réformer le gouvernement par les agents royaux. Il leur est ordonné de rendre justice sans distinction des personnes et de refuser tout cadeau pour eux-mêmes ou leur famille.
Habillé de bleu fleurdelisé, le bleu roi dès lors, « il advint maintes fois qu’en été, il allait s’asseoir au bois de Vincennes après sa messe, s’adossait au chêne et nous faisait asseoir autour de lui » (Joinville). Les juges devront considérer que tout accusé est présumé innocent jusqu’à la présentation de preuves formelles : « ne pas être prouvé est la même chose que ne pas être ». Il abolit l’ordalie par le fer, le feu, l’eau. Le blasphème, les jeux d’argent, de dés et leur fabrication, les prêts à intérêt, la prostitution, les tavernes sont interdites. En 1256, le roi supprime toute référence à l’usage de la torture. Il estime que la justice royale se doit de protéger les pauvres, les veuves et les femmes, souvent lésées dans leurs droits sur leurs héritages et leurs dots. Selon le vœu des papes qui incitent à convertir les juifs, il confisque leurs biens, impose diverses mesures, dont le brûlement du Talmud, tout en les protégeant lorsqu’ils sont injustement attaqués. En 1269 une ordonnance impose aux juifs le port de la « rouelle », cousue sur les vêtements. Louis IX prend de nouvelles et sévères dispositions contre le blasphème. Il établit également dans le Royaume une monnaie unique et se fait l’instigateur des futurs Parlement et Cour des comptes. Robert de Sorbon, un familier du roi, fonde un collège pour 12 pauvres étudiants de l’université de Paris (la Sorbonne), l’hôpital des Quinze-Vingt, soit 300 membres pour les aveugles. Lui-même ne cesse de se former, invite à sa table le dominicain Thomas d’Aquin, le franciscain Bonaventure.

Dernières années. Le 1er juillet 1267, le roi s’embarque à Aigues Mortes pour une seconde croisade, espérant convertir au passage l’émir de Tunis. La dysenterie et le typhus déciment l’armée qui se fait massacrer. Le roi, souffrant du scorbut, meurt devant Tunis de la bilharziose. « Sur un lit de cendres répandues en forme de croix. » Ses ossements sont rapatriés et inhumés à Saint-Denis. Canonisé en 1297. En 1390 Joinville termine son « Histoire de Saint Louis ». Il est patron, avec Elisabeth de Hongrie, des Tiers Ordres Séculier et Régulier Franciscains.


TEXTES

1. Droiture. Philippe de Nemours, chevalier du saint roi, lui dit : « La somme d’argent est toute payée, mais nous avons trompé les Sarrasins de 10 000 livres. » Quand le saint roi entendit ces mots, il fut très courroucé et dit : « Sachez que je veux que les 200 000 livres soient payées entièrement, car je leur ai promis et je veux qu’il n’en manque rien. » Alors le sénéchal de Champagne marcha sur le pied de Philippe, lui fit un clin d’œil et dit au saint roi : « Sire, vous croyez ce que dit Philippe ? Il plaisante. » Philippe reprit la parole et dit : « Sire, le sénéchal dit vrai, je n’ai parlé ainsi que par jeu et plaisanterie et pour savoir ce que vous diriez. » Le saint roi répondit : « N’attendez pas de félicitations pour ce jeu et cette épreuve, mais prenez garde que la somme d’argent soit bien payée toute entièrement. »

2. Sobriété. Sa coutume fut de ne jamais faire d’excès de boire et de manger et il tranchait son pain à table de telle sorte que, lorsqu’il était en bonne santé, il n’en tranchait pas plus un jour que l’autre… Il avait devant lui une coupe d’or et un verre, et sur le verre il y avait un trait jusqu’auquel il faisait emplir de vin et il faisait mettre au-dessus de l’eau en si grande quantité que le quart était du vin et les trois quarts d’eau. Et pourtant il n’usait pas de vin fort, mais de vin très faible. Il trempait tellement son vin d’eau qu’il demeurait très peu de saveur de vin.

3. Foi. Le roi disait que la foi consistait à croire, même si notre certitude ne reposait que sur un dire. Sur ce point, il me demanda comment mon père s’appelait. Je lui dis que son nom avait été Siméon. Il me demanda comment je le savais et je lui dis que je le croyais fermement et le tenais pour certain parce que ma mère me l’avait dit. « Alors, me dit-il, vous devez croire fermement tous les articles de la foi sur le témoignage des apôtres comme vous l’entendez chanter le dimanche au Credo. »

4. Dévotion. Le benoît roi saint Louis était de fervente dévotion qu’il avait au sacrement du vrai corps de Notre Seigneur, car tous les ans il restait communier à tout moins six fois… Et il allait recevoir son sauveur par très grande dévotion car avant il lavait ses mains et sa bouche et ôtait son chaperon et sa coiffe. Quand il était entré au chœur de l’église, il n’allait pas sur ses pieds jusqu’à l’autel, mais il y allait à genoux. Et quand il était devant l’autel, il disait son Confiteor.

5. Les pauvres.
a. S’il y avait parmi ses pauvres un aveugle ou un mal voyant, le benoît roi lui mettait un morceau dans l’écuelle et lui enseignait comment il devait mettre la main à l’écuelle : et encore plus quand il y avait un mal voyant et un impotent et qu’il aimait du poisson devant lui, le benoît roi prenait le morceau de poisson et en retirait les arêtes diligemment de ses propres mains, et le mettait dans la sauce, et alors le mettait dans la bouche du malade.
b. Comme le saint roi alla au jour du saint vendredi par les églises, donnant deniers aux pauvres qui venaient à lui, il défendait à ses sergents qu’ils défendissent aux pauvres de s’approcher de lui. Ce faisant, les pauvres poussaient tellement le saint roi qu’ils manquaient de peu de le faire tomber. Et il prenait tout en patience, car bien qu’il fut tout pressé par les pauvres qui le suivaient pour recevoir l’aumône et qui parfois montaient jusque sur ses pieds tant ils étaient nombreux, il ne tolérait pourtant pas que les huissiers et les autres qui étaient autour de lui repoussent les pauvres en arrière.

6. « Apaiseur. » Quand il oyait dire qu’il y avait guerre entre de nobles hommes hors de son royaume, il leur envoyait des messages solennels pour les apaiser, et non sans grandes dépenses. Ainsi fit-il quand le comte de Bar et Henri, comte du Luxembourg, guerroyaient l’un contre l’autre. Et aussi fit-il du duc de Lorraine et du comte de Bar dessusdit et de beaucoup d’autres. Et ainsi il apparaît qu’il n’entendait pas seulement former en bien son prochain mais encore le réformer en bien.

7. Justice. Maintes fois, il advint qu’en été il allait s’asseoir au bois de Vincennes après sa messe, et s’accotait à un chêne, et nous faisait asseoir autour de lui. Et tous ceux qui avaient affaire venaient lui parler, sans empêchement d’huissier ni d’autres gens. Alors il leur demandait de sa propre bouche : « Y-a-t-il ici quelqu’un sa partie (plainte) ? ». Et ceux qui avaient leur partie se levaient. Et alors il disait : » Taisez-vous tous, et vous expédiera l’un après l’autre. » Et alors il appelait Pierre de Fontaine et Geoffroi de Villette, et disait à l’un d’eux : « Expédiez-moi cette partie. »

8. Formation. Comme un moine, il s’asseyait aux pieds du maître qui faisait la leçon et il l’écoutait diligemment. Il alla plusieurs fois à l’école des Frères Prêcheurs de Compiègne et il s’asseyait sur un carreau par terre devant le maître qui lisait en chaire et il l’écoutait avec diligence. Les frères qui étaient assis sur de hauts sièges voulaient descendre pour s’asseoir par terre avec lui, mais il ne leur permettait pas. Au réfectoire des Prêcheurs de Compiègne, il montait au lutrin et restait à côté du frère qui y lisait la leçon.

Enseignements à son fils (extraits).

Cher fils, parce que je désire de tout mon cœur que tu sois bien enseigné en toutes choses, j’ai pensé que je te ferais quelques enseignements par cet écrit, car je t’ai entendu dire plusieurs fois que tu retiendrais davantage de moi que de tout autre. Je t’enseigne premièrement que tu aimes Dieu de tout ton cœur et de tout ton pouvoir, car sans cela personne ne peut rien valoir. Tu dois te garder de toutes choses que tu penseras devoir lui déplaire et qui sont en ton pouvoir, et spécialement tu dois avoir cette volonté que tu ne fasses un péché mortel pour nulle chose qui puisse arriver, et qu’avant de faire un péché mortel avec connaissance, que tu souffrirais que l’on te coupe les jambes et les bras et que l’on t’enlève la vie par le plus cruel martyre….

Cher fils, je t’enseigne que tu aies le cœur compatissant envers les pauvres et envers tous ceux que tu considéreras comme souffrant ou de cœur ou de corps , et selon ton pouvoir soulage-les volontiers ou de soutien moral ou d’aumônes. Prends garde que tu sois si bon en toutes choses qu’il soit évident que tu reconnaisses les générosités et les honneurs que Notre Seigneur t’a faits de sorte que, s’il plaisait à Notre Seigneur que tu aies l’honneur de gouverner le royaume, que tu sois digne de recevoir l’onction avec laquelle les rois de France sont sacrés. S’il advient que tu deviennes roi, prends soin d’avoir les qualités qui appartiennent aux rois, c’est-à-dire que tu sois si juste que, quoi qu’il arrive, tu ne t’écartes de la justice. Et s’il advient qu’il y ait querelle entre un pauvre et un riche, soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu’à ce que tu saches la vérité, et quand tu la connaîtras, fais justice.
Et s’il advient que tu aies querelle contre quelqu’un d’autre, soutiens la querelle de l’adversaire devant ton conseil, et ne donne pas l’impression de trop aimer ta querelle jusqu’à ce que tu connaisses la vérité, car les membres de ton conseil pourraient craindre de parler contre toi, ce que tu ne dois pas vouloir.
Si tu apprends que tu possèdes quelque chose à tort, soit de ton temps soit de celui de tes ancêtres, rends-la tout de suite toute grande que soit la chose, en terres, deniers ou autre chose. Si le problème est tellement épineux que tu n’en puisses savoir la vérité, arrive à une telle solution en consultant ton conseil de prud’hommes, que ton âme et celle de tes ancêtres soient en repos. Et si jamais tu entends dire que tes ancêtres aient fait restitution, prends toujours soin à savoir s’il en reste encore quelque chose à rendre, et si tu la trouves, rends-la immédiatement pour le salut de ton âme et de celles de tes ancêtres.

Cher fils, je t’enseigne que les guerres et les luttes qui seront en ta terre ou entre tes hommes, que tu te donnes la peine, autant que tu le pourras, de les apaiser, car c’est une chose qui plaît beaucoup à Notre Seigneur. Et Monsieur saint Martin nous en a donné un très grand exemple car, au moment où il savait par Notre Seigneur qu’il devait mourir, il est allé faire la paix entre les clercs de son archevêché, et il lui a semblé en le faisant qu’il mettait bonne fin à sa vie.
 
Cher fils, prends garde diligemment qu’il y ait bons baillis et bons prévôts en ta terre, et fais souvent prendre garde qu’ils fassent bien justice et qu’ils ne fassent à autrui tort ni chose qu’ils ne doivent. De même, ceux qui sont en ton hôtel, fais prendre garde qu’ils ne fassent injustice à personne car, combien que tu dois haïr le mal qui existe en autrui, tu dois haïr davantage celui qui viendrait de ceux qui auraient reçu leur pouvoir de toi, et tu dois garder et défendre davantage que cela n’advienne.
Avance le bien par tout ton pouvoir ; mets grande peine à ce que tu saches reconnaître les bontés que Notre Seigneur t’auras faites et que tu l’en saches remercier. Cher fils, je t’enseigne que tu aies une solide intention que les deniers que tu dépenseras soient dépensés à bon usage et qu’ils soient levés justement. Et c’est un sens que je voudrais beaucoup que tu eusses, c’est-à-dire que tu te gardasses de dépenses frivoles et de perceptions injustes et que tes deniers fussent justement levés et bien employés-et c’est ce même sens que t’enseigne Notre Seigneur avec les autres sens qui te sont profitables et convenables.
 
Cher fils, je te prie que, s’il plaît à Notre Seigneur que je trépasse de cette vie avant toi, que tu me fasses aider par messes et par autres oraisons et que tu demandes prières pour mon âme auprès des ordres religieux du royaume de France, et que tu entendes dans tout ce que tu feras de bon, que Notre Seigneur m’y donne part. Cher fils, je te donne toute la bénédiction qu’un père peut et doit donner à son fils, et je prie Notre Seigneur Dieu Jésus-Christ que, par sa grande miséricorde et par les prières et par les mérites de sa bienheureuse mère, la Vierge Marie, et des anges et des archanges, de tous les saints et de toutes les saintes, il te garde et te défende que tu ne fasses chose qui soit contre sa volonté, et qu’il te donne grâce de faire sa volonté afin qu’il soit servi et honoré par toi ; et puisse-t-il accorder à toi et à moi, par sa grande générosité, qu’après cette mortelle vie nous puissions venir à lui pour la vie éternelle, là où nous puissions le voir, aimer et louer sans fin. A lui soit gloire, honneur et louange, qui est un Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, sans commencement et sans fin. Amen.

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Aloyse SCHAFF

Capitaine de Port Saint Nicolas.
Prêtre du diocèse de Metz. Fut professeur de sciences physiques et directeur du lycée Saint-Augustin à Bitche (57).
Activités pastorales dans les communautés de paroisses du Bitcherland.
Animation d’ateliers d’information et de réflexion sur les textes bibliques et l’histoire chrétienne : Pères de l’Eglise, fondateurs des grands ordres religieux, les grands papes, les grands saints du Moyen-Âge, du XVIe siècle. Des présentations à découvrir sur le site.

Publié: 01/03/2019