Pas de mission ni service sans une échéance pour en fixer la fin

Personne ne conteste la nécessité des échéances dans la vie associative et politique pour mettre un terme aux mandats électifs et assurer ainsi un salutaire renouvellement des personnes et des responsabilités. Dans un autre domaine, celui de l’économie, ce serait une singulière irresponsabilité pour une entreprise que de ne pas prévoir le renouvellement de ses cadres.

D’où vient donc qu’on soit si réticent dans l’Eglise à assortir chaque responsabilité d’une échéance qui en fixe la fin ?

Les exemples abondent en effet...

C’est Melle Lelonbec qui dirige la chorale depuis 50 ans et à qui on ne veut pas faire de peine en lui signalant qu’elle chante de plus en plus faux.

C’est Mme Florenplastoc qui a fait de la décoration florale de l’église sa chasse gardée et qui voit en toute personne proposant son aide une rivale potentielle.

C’est M. Mépovre qui s’occupe depuis 35 ans de l’équipe locale du Secours Catholique et qui s’étonne de ne pas trouver de remplaçant pour perpétuer la tradition du repas de Noël pour les déshérités de la paroisse.

C’est Mme Jefaitou, la secrétaire du secteur pastoral qui au fil des années a pris aussi la responsabilité du catéchisme, de la préparation au baptême, de l’équipe liturgique, de la coordination des obsèques, de l’organisation de la kermesse et qui, avec ses copines de l’ACGF, se désole de la place dérisoire laissée aux femmes dans l’Eglise et crie "A bas le cléricalisme !"...

Le sacristain bénévole de Port Saint Nicolas n’éprouve ni soulagement ni amertume de voir bientôt arriver la fin de sa mission. Il sait que les renouvellements sont nécessaires... et pas seulement pour les autres ! Ne dit-on pas que les cimetières sont remplis de gens indispensables ? N’a-t-il pas lui-même lu quelque part dans la Bible : "Il y a un temps pour tout..." ?

Fort de sa petite expérience, il nous livre ici ce qu’il a envie de répondre à tous ceux et celles qui ont peur de lever l’ancre, confondant fidélité et répétition, mission reçue et chasse gardée, service de la communauté et intérêt ou plaisir personnel...

Telle personne est si compétente qu’on ne voit pas qui peut faire aussi bien qu’elle !

Il est donc d’autant plus urgent de songer dès maintenant à sa relève pour que les gens à qui on demandera demain ce service puissent aujourd’hui se former et acquérir eux aussi une compétence !

Que se passe-t-il en effet si, à la suite d’un accident ou d’un brusque déménagement, cette personne, du jour au lendemain, n’est plus en mesure d’assurer ce service ? Est-il sain, dans un groupe et notamment une communauté chrétienne qu’un membre se croie ou soit perçu comme indispensable au point de plonger la communauté dans le plus complet désarroi après son départ ?

Personne ne se propose pour prendre la relève !

Le cahier des charges est peut-être trop lourd (il y a peut-être des responsabilités à partager et à répartir autrement) ou trop détaillé ne laissant, au fond, aucune possibilité d’innovation à un éventuel successeur (l’intérêt principal d’un changement de responsable, c’est qu’il peut permettre aussi un heureux renouvellement dans la manière d’assurer le service !).

C’est sa raison de vivre. On ne veut pas lui faire de la peine !

Et tous les autres, ceux qui supportent de plus en plus difficilement de voir ainsi se scléroser la paroisse et qui en viennent à la déserter, en a-t-on autant le souci ?

Et puis, de ce qu’elle cesse d’assurer ce service-là, va-t-on en déduire qu’elle n’est plus bonne à rien ?

N’y a-t-il pas pour elle une autre manière de servir dans sa paroisse et, plus largement, dans la vie locale ? Le premier lieu de témoignage et de service des baptisés, ce n’est d’ailleurs pas l’institution paroissiale, mais leur famille, leur monde professionnel ou associatif, la vie locale et ses multiples engagements possibles !

Et le sacristain de conclure : "A la veille d’un changement de siècle et même de millénaire, on peut espérer que la considération sur le temps qui passe aidera chacun à accepter de travailler dans l’éphémère... pour son bien et le bien des autres !"

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Philippe LOUVEAU

Prêtre du diocèse de Créteil, ancien équipier de PSN.
Curé doyen de la paroisse Saint-Georges à Villeneuve-Saint-Georges.

Publié: 31/12/1999