Le diable est malin !

Le diable est malin !
Il va tout faire pour faire rater les Synodes ….

Le diable est malin. Il divise. Il se glisse entre nous pour mettre la pagaille. Il gratte les plaies et envenime les conflits. Cela n’est pas nouveau : à l’heure où s’écrit le livre des Actes, dans les années 80 dit-on, les communautés chrétiennes connaissent déjà et malheureusement des conflits. On le voit, par exemple, quand on lit la première lettre de Paul à Timothée : Paul évoque « les malades de la discussion, les malades des querelles de mots, des jalousies, des rivalités, ceux qui lancent des soupçons malveillants, ceux qui se perdent en disputes interminables » ; tout cela se trouve déjà dans la première lettre de Paul à Timothée !
J’entends encore Ulrich, notre archevêque, nous dire dans son discours d’ouverture du Concile provincial à Merville le 14 décembre 2013 : « Regardons avec lucidité ce que nous vivons : des jalousies, des mesquineries ou des conflits de pouvoir qui souvent paralysent l’action apostolique… ». Nous savons que dans nos paroisses, mais aussi dans nos mouvements, services et aumôneries, toutes les divisions entre nous stérilisent la mission. Dès qu’il y a un conflit possible, dès qu’il y a une fissure qui peut rapidement devenir fêlure voire fracture, quoi faire ? Comment faire ? Il est bon alors de relire le chapitre 15 des Actes des Apôtres : nous allons voir qu’il y a plusieurs étapes à franchir lorsque le conflit apparaît.

La première étape : il faut préciser l’enjeu du conflit : est-ce un conflit d’importance majeure ou est-ce un conflit entre des personnes, entre des ’’ego’’ qui s’affrontent ? Nous avions à Dijon, Laurent et moi, un vieux professeur de séminaire qui avait écrit des béatitudes et qui disait : « Bienheureux ceux qui ne confondent pas les taupinières avec l’Himalaya. » Il y a des conflits taupinières (qui peuvent être d’ailleurs très douloureux), mais il y a aussi des conflits Himalaya : à Jérusalem, au temps des Actes des Apôtres, c’est un conflit majeur.

La deuxième étape : il faut se réunir autour d’une table, et d’abord pour prier et faire silence, afin de faire tomber nos passions intérieures, nos rivalités mesquines. Il s’agit de se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint. Alors seulement, on peut s’écouter attentivement, écouter l’autre avec un a priori favorable. A ce moment, il est nécessaire de passer par la case humilité. Comment ne pas rappeler ce que disait sœur Myriam de Bethléem, la petite sainte palestinienne récemment canonisée : « Je suis allée en enfer, j’ai vu beaucoup de qualités mais pas l’humilité ; je suis allée au ciel, j’ai vu des tas de défauts, mais pas l’orgueil. »

La troisième étape : après avoir précisé l’enjeu du conflit, après s’être réunis, avoir prié, fait silence et s’être écoutés, il faut vraiment retrouver la grâce de la communion sur l’essentiel, retrouver la fraternité entre nous : communion et fraternité sont nécessaires pour que la mission puisse être féconde.

La quatrième étape : elle est magnifique dans le livre des Actes : il s’agit de garder beaucoup de délicatesse à l’égard de ceux et celles qui semblent avoir perdu dans la résolution du conflit. Il est merveilleux que les païens qui peuvent désormais devenir chrétiens sans passer par la circoncision gardent une infinie délicatesse à l’égard des Juifs devenus chrétiens eux aussi, mais qui ne voient pas comment pouvoir se passer de la circoncision et qui ne voient pas comment pouvoir renoncer aux prescriptions alimentaires qu’ils pensent encore devoir s’imposer.

Enfin, la cinquième et dernière étape : il s’agit de rendre compte à tous de ce que « l’Esprit et nous-mêmes » avons décidé, et pour cela de désigner quelques délégués choisis à l’unanimité et qui font autorité ; dans le livre des Actes, il s’agit de Jude et de Silas.
Aujourd’hui, les orientations des Synodes nous sont confiées : elles vont se heurter sans aucun doute à des conflits d’interprétation. Puissions-nous nous souvenir de ce concile de Jérusalem et des étapes qu’il a franchies hier, pour les franchir encore aujourd’hui afin que tous nous puissions toujours dire humblement quand une décision est prise : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé que… »

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François GARNIER

Archevêque de Cambrai († 2018).

Publié: 01/11/2015