Découvrir le Christ avec les apôtres

En 5 étapes

Comment les douze ont-ils découvert le Christ ? Par quelles étapes sont-ils passés pour en découvrir toute la beauté ? Voilà plus de quarante que je suis prêtre et que je me pose cette question. À force de lire et de relire l’Évangile, je pense qu’ils ont fait tour à tour cinq découvertes qui sont comme cinq trésors : aujourd’hui j’ai envie de vous les offrir, et ma prière est que vous les reteniez.

1. La première découverte qu’ils ont faite de Jésus est une découverte heureuse

Jésus est vraiment le frère de tous les hommes et de toutes les femmes qu’il rencontre. Toute vie compte pour lui y compris la plus fragile, la plus malade, la plus handicapée, la plus méprisée, la plus ratée et même la plus criminelle.

Chacun devant Jésus peut découvrir qu’il a toujours une valeur infinie : l’enfant bruyant qu’on a envie de renvoyer, l’étranger que l’on n’aime pas, la vieille malade dont la vie semble inutile, Zachée le voleur méprisable, la femme adultère qu’on veut lapider, la samaritaine aux multiples maris et même les deux criminels crucifiés près de lui.

Les douze vont découvrir son étonnante liberté d’aimer. C’est leur première et merveilleuse découverte : quelle que soit sa race, sa religion, sa culture, sa pauvreté, sa richesse, sa maladie, ses échecs et même ses péchés, aussi agitée qu’ait pu être son histoire, chacun est toujours, encore et quand même aimé par ce Jésus dont la seule passion semble être quand il rencontre quelqu’un de lui dire : « Si tu savais comme Dieu t’aime, si tu savais comme je t’aime. »

2. C’est alors les apôtres vont faire une seconde découverte, une découverte étonnante

Ce Jésus qui est vrai frère de tous les hommes et de toutes les femmes de son temps est aussi le fils d’un mystérieux père qu’il ne cesse de prier. Lui, le passionné par la vie de tous ceux et celles qu’il rencontre, n’arrête pas de prier celui qu’il appelle son Père.

Or, les apôtres sont comme nous : ils ont du mal à prier et à bien prier. Oh, ils doivent aller à la synagogue chaque shabbat, monter à Jérusalem pour les grandes fêtes juives, mais ils ne savent pas bien prier.

Ce Jésus les étonne : il prie le soir après le coucher du soleil, il prie le matin bien avant le jour, il prie même toute une nuit, nous dit l’Évangile de Luc, la veille du jour où il appelle ses douze apôtres. Pour prier, Il aime se retirer dans des lieux déserts. Mais qu’est-ce qu’il fait ? Comment s’y prend-il ? On dirait que dans sa prière, il reçoit comme le meilleur de lui-même. On dirait que dans sa prière, il découvre toujours mieux ce que Dieu, son Père, attend de lui.

Il n’est pas étonnant que les douze finissent par lui demander : « Apprends-nous à prier. » Et Jésus va leur donner les mots d’une prière complètement "renversée" : non plus celle où l’on demande à Dieu de faire ce que nous lui demandons, mais celle où l’on cherche ce que Dieu attend de nous.

Le cœur de la prière chrétienne, le cœur de la prière du Christ, c’est « PÈRE, QUE TA VOLONTE SOIT FAITE ». Les apôtres vont découvrir que prier, c’est chercher ce que Dieu veut. C’est la prière que Jésus fera lui-même un peu plus tard dans le jardin de Gethsémani juste avant son arrestation : « Père, non pas ma volonté mais la tienne. »

3. Leur troisième découverte, c’est la découverte rude

Jésus prend de plus en plus de risques. Lui qui est le vrai frère de tous les hommes, lui qui se dévoile comme le vrai fils d’un mystérieux Père qu’il ne cesse de prier, voilà qu’il prend vraiment trop de risques. Tout semblait lui réussir, les apôtres l’avaient suivi, les disciples devenaient de plus en plus nombreux, les foules l’écoutaient ; les Évangiles multiplient les détails d’un véritable succès : un jour, il doit monter dans une barque pour s’éloigner du rivage où la foule se presse pour l’écouter ; un autre, il faut crever le toit de la maison où il se trouve pour approcher de lui un paralysé sur son brancard parce que la foule envahissait les ruelles ; un autre jour, alors que Jésus traverse en barque le lac de Tibériade, la foule en fait le tour à pieds pour le retrouver de l’autre côté : pas moyen d’être tranquille. Quant aux apôtres, ils sont sensibles à ce succès. C’est leur propre succès ! Ils n’ont pas tout quitté pour rien ! Ils ont bien choisi ! Ils ont bien fait de le suivre !

Mais voilà que tout va basculer : il prend de plus en plus de risques ; il se fait de plus en plus d’ennemis. Pourquoi guérit-il des malades le jour du Shabbat où c’est interdit ? Pourquoi dit-il d’un officier païen de l’armée d’occupation qu’il a la foi plus grande que tous les juifs qui l’entourent ? Pourquoi vante-t-il la charité d’un samaritain, de cet étranger considéré comme un moins que rien ? Pourquoi, pire, alors que toute rupture d’alliance le blesse, pourquoi prend-il la défense de la femme adultère que les pharisiens veulent lapider ? Pourquoi s’invite-t-il à la table des pécheurs ? Pourquoi dénonce-t-il si durement l’hypocrisie de ses nombreux frères en religion ? Il prend réellement trop de risques ; il multiplie ses ennemis ; il aime trop la vérité ; en réalité, il aime trop ceux et celles qu’il affronte avec exigence mais sans haine : il souffre tellement de les voir s’installer dans l’orgueil, le mensonge et l’hypocrisie.

C’est ainsi que Jésus prend le risque suprême de la croix. On l’arrêtera. On l’accusera faussement. On organisera un procès truqué. On se moquera de lui. On le flagellera. On le condamnera à mort. Quand viendra l’Heure, l’Heure dont parle Saint Jean, Jésus ne se dérobera pas. Il aimera jusqu’au bout. Il manifestera clairement jusqu’où l’amour peut aller quand il est vrai.

Et pour les apôtres, ce sera le moment terrible, celui de l’hésitation, pour l’un d’entre eux, celui de la trahison ; pour l’autre celui du reniement ; pour tous la peur et la fuite, l’enfermement dans une mystérieuse maison de Jérusalem par peur des juifs. On comprend la gravité de la question que Jésus leur a posée : « Vous aussi vous voulez me quitter ? »

4. Vient le temps de la quatrième découverte : la découverte la plus étonnante, la plus difficile à croire

C’est pourtant la découverte décisive, celle qui change tout, celle de la Résurrection du Seigneur. Or cette découverte ne va pas de soi. Le matin de Pâques est le matin des résistances à croire : Pierre hésite, Marie-Madeleine le prend pour un jardinier ; les apôtres disent des femmes qui rapportent l’avoir vu ressuscité qu’elles radotent. Les deux disciples d’Emmaüs ne reconnaissent pas celui qui les rejoint sur la route ; Thomas ne veut rien croire sauf s’il peut mettre sa main dans son côté et ses doigts dans ses plaies. Les douze n’osent pas sortir du lieu où ils se cachent par peur des juifs. Ils n’osent pas sortir par peur des juifs.

Avec une infinie délicatesse, Jésus va se manifester pour faire fondre leurs doutes ; Il va se montrer juste ce qu’il faut à leurs yeux pour habiter leur cœur. Quand il y sera suffisamment présent, il pourra disparaître à leurs yeux. Ce sera l’expérience magnifique de l’Ascension.

A-t-on bien compris que les quatre évangiles ne sont écrits que pour nous dire la Bonne Nouvelle de la Résurrection de Jésus ? A-t-on bien compris que notre foi peut s’écrire sur un tout petit timbre poste : Il est ressuscité, nous en sommes témoins, convertissons-nous ? A-t-on bien compris que Jésus ne ressuscite que pour nous annoncer notre propre résurrection ? A-t-on bien compris que nous n’avons que le temps de notre vie pour apprendre chaque jour à ressusciter un peu ? Que nous n’avons que le peu de temps de notre vie, dramatiquement courte pour quelques uns, très longue, trop longue pour d’autres, pour faire un peu de ciel chaque jour sur la terre autour de nous ?

Magnifique quatrième découverte qui nous ouvre les yeux sur le résumé de la foi grandiose que nous donne l’épître aux Philippiens au chapitre 2 : « Jésus, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’anéantit. Devenu homme, vraiment homme, sans tricher, il a tout connu jusqu’à la mort sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom. Pour qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse et que toute langue proclame qu’il est à jamais le Seigneur pour la gloire de Dieu, le Père ? »

5. Il fallait encore une cinquième découverte : c’est la découverte la plus tonique ; c’est celle que les apôtres vont faire au matin de la Pentecôte !

C’est la découverte de l’Esprit Saint, Esprit "défenseur des faibles" que nous sommes tous, Esprit "souffle" pour les essoufflés que nous sommes, Esprit "feu" pour les tièdes que nous sommes, Esprit "force" pour les fragiles que nous sommes. Esprit Saint qui réellement nous donne le meilleur de nous-mêmes. Esprit Saint qui pousse chacun de nous à mettre ses dons au service de tous. Esprit Saint qui nous conduit à la vérité tout entière sur Jésus. Esprit Saint qui compte sur chacun de nous pour construire l’Église. Esprit Saint dont l’Ecriture nous dit qu’il nous affermit, qu’il nous rend solide, qu’il nous rend audacieux, qu’il nous rend hardi pour annoncer la Parole et témoigner de Jésus dans le monde ! Esprit Saint qui féconde la vie de ce monde quand on se laisse guider par lui : et il la féconde avec les fruits les meilleurs : la charité, la paix, la joie, la serviabilité, la confiance dans les autres, la douceur et la maîtrise de soi !

[...]

L’Évangile est vraiment Bonne Nouvelle ! Il nous a donné ses cinq trésors qui sont autant d’appels :

  • Avec Jésus, nous voilà appelés à devenir de vrais frères pour tous les hommes y compris les plus difficiles à accueillir, à servir. Chacun de nous les connaît bien : ils sont souvent les étrangers par l’origine, la religion, la façon de vivre, les options politiques …
  • Comme Jésus, nous voilà appelés à trouver notre force dans la prière, à trouver dans cette prière ce que Dieu attend de nous.
  • Au nom de Jésus, nous voilà appelés à savoir prendre de vrais risques dans nos vies les plus quotidiennes, dans l’affrontement courageux contre les injustices, les mensonges et la haine.
  • Avec les apôtres, nous voilà appelés à croire vraiment en la Résurrection du Christ, vrai frère des hommes et vrai fils de Dieu. Et que nous nous préparons à notre propre résurrection en faisant chaque jour un peu de ciel autour de nous.
  • Avec Marie et les apôtres, nous voilà appelés à trouver notre force dans l’Esprit Saint de Pentecôte. Qu’il fasse de nous des "baptisés gonflés", témoins inusables animés par l’Esprit Saint. Quelles que puissent être nos épreuves, qu’il demeure la source de notre joie de croire et de notre courage pour servir notre monde.
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François GARNIER

Archevêque de Cambrai († 2018).

Publié: 01/07/2011