Parler du Carmel

Isa, tu m’apprends que, suite à mon article "Et si tu te faisais Carmélite", tu as passé une demi-journée au Carmel et que tu en as été très heureuse. Je n’en reviens pas mais cela me fait réellement plaisir. Je demanderai à la petite Thérèse de veiller sur toi.

Mais, comme toujours, tu as beaucoup de questions à me poser. Tu aimerais maintenant savoir "D’où vient ce nom de Carmel ?" et "Pourquoi le Carmel ?" Cela me fait plaisir de t’en parler car l’histoire du Carmel est intéressante à plus d’un point de vue.

Environ 800 ans avant la venue du Christ, sur l’ordre de Dieu, le prophète Elie se retira au lieu dit mont Carmel où il mena une vie d’ermite dans la prière, le célibat, la solitude et l’amour de Dieu, loin des passions et des soucis du monde. Saint Jacques, dans une de ses épîtres, propose même Elie comme le modèle des priants.

L’Ordre du Carmel est né sur le mont Carmel, en Terre sainte, au début du XIIIe siècle, là où Elie se retira. Les premières constitutions des Carmes font d’ailleurs remonter les origines de leur ordre au prophète Elie qui est considéré comme le guide et l’inspirateur des Carmes à qui il légua le goût de la solitude, du silence... de ce silence où Dieu parle au cœur et à l’âme. Ce qu’est le mont Carmel ? Le "mont Carmel" est une chaîne de montagnes en Terre sainte dont les flancs sont couverts d’une végétation riche et luxuriante, remplis, non pas de grands arbres comme les célèbres cèdres du Liban, mais de petits arbres et de buissons.

Tu vois, ce qui est extraordinaire, c’est que le mont Carmel, à travers la mythologie et à travers l’Histoire sainte, a été toujours considéré comme un lieu sacré dédié à Zeus et à Baal, avant de l’être au Dieu d’Israël. Une inscription datant de la fin du IVe siècle parle du Carmel comme de la montagne sacrée de Zeus. D’après les historiens romains Tacite et Suétone, il y aurait eu, en effet, un autel dédié à Zeus Carmelus Helliopolitanus au deuxième ou au troisième siècle avant Jésus Christ. Cette montagne est, d’ailleurs, considérée par les trois grandes religions monothéistes juive, chrétienne et musulmane, comme un haut lieu de la spiritualité. Non seulement, le mont Carmel, en effet, est marqué par la présence du prophète Elie (IXe siècle avant Jésus Christ), mais c’est là aussi que l’on situe la célèbre dispute avec les prophètes de Baal, qui marqua la puissance du Dieu d’Israël sur les dieux étrangers.

Dans l’Ancien Testament, tout au long des siècles, le mont Carmel occupe une place privilégiée. Le mot Carmel ou Karmel y est souvent utilisé pour décrire l’abondance, (d’une chevelure, par exemple), ou pour donner une idée de beauté et de végétation luxuriante : "Il lui sera donné la gloire du Liban, la splendeur du Carmel." Le mot Carmel est parfois traduit comme signifiant "le jardin de Dieu" ou "la vigne de Dieu".

A la période des Croisades, au début du XIIIe siècle, un groupe d’ermites, provenant de l’Occident, s’établit dans les grottes du mont Carmel pour rechercher Dieu à la suite du Christ et ce dans son propre pays. A leur demande, saint Albert, patriarche latin de Jérusalem et légat Pontifical, leur donna en 1209 une norme de vie, avec, entre autres, la règle suivante : "L’ermite devait, dans la solitude de sa cellule, méditer jour et nuit la loi du Seigneur." Les ermites devaient, entre autres, construire au milieu des cellules un oratoire où ils se réuniraient pour l’eucharistie.

Le mouvement fut dédié à Marie. Il faut signaler que l’une des caractéristiques de la spiritualité du Carmel est la présence de la Vierge Marie dans la vie des Carmes, la communion avec sa personne, l’imitation de ses vertus, le culte de spéciale vénération qui lui est rendu. Le Carmel, selon une expression médiévale, est "entièrement à Marie". Le pape Léon XIII reconnut officiellement le caractère totalement marial du Carmel. D’ailleurs, au début, les gens appelaient affectueusement les ermites : les "Frères de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont-Carmel" - nom qui leur fut donné officiellement ultérieurement.

En quoi réside la vocation du Carmel ? Celle de se tenir en présence du Dieu vivant et, dans une prière incessante, contempler Dieu, le louer dans le silence dans un dialogue d’amour et d’intercession pour le monde. Tel le prophète Elie, le Carme doit vivre caché dans la solitude et l’amour de Dieu, offrir à Dieu un cœur pur et vivre la présence divine à chaque moment de sa vie "en expérimentant la force de la divine présence et la douceur de la gloire d’en-haut".

Des laïcs attirés par l’idéal carmélitain demandèrent à faire partie de la Fraternité du Carmel et cela leur fut accordé. Comme signe extérieur d’admission, ils eurent à porter, au début le manteau de l’Ordre puis très vite le scapulaire, petit habit en miniature de l’Ordre des Carmes (voir plus bas).

Une tradition est attachée au port du scapulaire. Un carme anglais, saint Simon Stock, eut un jour une vision de la Vierge qui lui tendit le scapulaire en lui assurant qu’un privilège était attaché au port du scapulaire, soit que quiconque mourrait le portant serait sauvé. Plus tard, cette dévotion se développa sous la forme d’une croyance affirmant que la Vierge libérerait très vite du purgatoire, le premier samedi après la mort, les Carmes et les membres des confraternités et toutes les personnes qui porteraient le scapulaire en vivant cette dévotion et qui auraient observé la chasteté selon leur statut, récité les prières et porté l’habit du carmel ou le scapulaire ou, de nos jours, la médaille scapulaire.

Un pèlerin anonyme écrivant au sujet des pèlerinages en Terre sainte, donna, vers cette même époque, un premier témoignage de l’institution de cet ordre en parlant d’une "belle petite église de Notre-Dame que les ermites latins appelés “frères du Carmel” avaient bâti dans le Wadi ’ain es-Siah" ; sur l’invitation du patriarche maronite, seule hiérarchie catholique orientale en son temps. Une autre rédaction du même manuscrit parle d’une “église de Notre-Dame”.

Ultérieurement, la petite église fut agrandie et fut appelée “église de la Vierge du Mont Carmel” - car les Carmes voulaient vivre entièrement à la suite du Christ sous le regard d’amour de Marie qu’ils considéraient comme leur patronne et qu’ils appelaient familièrement mais respectueusement leur "Sœur".

Après la chute du royaume des Croisés, une partie des ermites retournèrent en Occident pour s’y établir comme Ordre mendiant. De retour en Europe, ils constituèrent de petites communautés priantes au service de la prédication.

Au 16e siècle, sainte Thérèse d’Avila, aidée de saint Jean de la Croix, réforma le Carmel et créa une nouvelle branche - celle des Carmes Déchaux pour les hommes, des Carmélites Déchaussées pour les femmes. Tous deux ont ramené l’Ordre à son esprit primitif.

L’Ordre s’établit ensuite en Iran, en Irak, en Syrie, au mont Carmel et au Liban, gagnant plus tard l’Europe et les autres continents C’est ainsi que, nous aussi, à Maurice, nous avons notre monastère de Carmélites, à Bonne Terre, Vacoas, et, depuis cette année, des prêtres carmes à Phoenix

Tu connais les noms d’éminentes figures qui jalonnent la route du Carmel : sainte Thérèse d’Avila, sœur Elisabeth de la Trinité, Edith Stein, saint Jean de la Croix, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, mais il y en a beaucoup d’autres, en fait plus d’une quarantaine de saints et de saintes.

Il y a la devise des Carmes et des Carmélites que j’aime beaucoup :
"Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens !"

Cette devise j’aimerais que tu la fasses tienne et que tu y croies.

Une faute d'orthographe, une erreur, un problème ?   
 
M.J. Arlette ORIAN

Ancienne directrice d’une école de secrétariat à l’île Maurice

Publié: 01/05/2022